La voix de la rue ne peut être ignorée
Ce que le parlement a fait, la rue peut le défaire », ce slogan autrefois scandé par lutte ouvrière redeviendrait-il d’actualité ?
La « rue » aurait-elle en France une plus forte légitimité aux yeux de nombre de nos concitoyens que la légitimité venant des élections ?
Il est vrai que nos représentants à l’Assemblée Nationale et au Sénat sont assez peu représentatifs : combien d’ouvriers ou d’employés, combien de chauffeurs de taxi, de camionneurs, d’huissiers, d’infirmières, de chômeurs ou de toutes ces couches sociales exaspérées voire désespérée par la dégradation de leur condition ?
De Gaulle avait essentiellement conçu le referendum comme un système permettant de vérifier que le chef de l’Etat avait toujours le soutien de l’opinion publique. Aujourd’hui, il est quasiment tombé en désuétude car sur ce point particulier, il est en quelque sorte remplacé par les sondages d’opinion.
Mais dans une société démocratique à la française, la légitimité vient de l’élection et elle ne peut être le fait de sondages, cela reviendrait à changer nos dirigeants au fil des sondages.
Et de par nos institutions, pour ceux qui rêvent d’une « votation » à la Suisse, un tel système serait catastrophique et voué au chaos vu notre histoire, notre culture et notre structure de gouvernement. Ne sommes-nous pas plus enclins, nous français, à voter contre nos dirigeants que pour ou contre l’objet du referendum.
En fait, société démocratique et manifestations ne sont pas antinomiques, d’une certaine façon, elles se complètent.
La démocratie ce n’est pas un vote tous les 5 ans, la volonté populaire s’exprime aussi dans les élections intermédiaires et le pouvoir en place se doit d’en tenir compte surtout si ces votes expriment un désaccord avec la politique menée
La manifestation de rue est à la fois soupape de sécurité et moyen d’exprimer son désaccord quand les citoyens ont le sentiment de ne pas être écoutés et elle a toute sa légitimité quand elle est l’expression d’une opinion forte et collective sur des questions qui nous concerne tous.
Certes, ce n'est pas la rue qui gouverne, mais c'est quand même et aussi la rue qui vote.
Et la rue a souvent bloqué des projets importants : l’éducation en 1984, réforme Juppé sur les retraites en 1995 et écotaxe plus récemment. Reculade d’un côté ou victoire de l’autre ? Peu importe, ce qui est primordial c’est que l’on ait évité d’aller jusqu’aux positions extrêmes et à un enlisement démocratiquement dangereux.
Malheureusement la crise profonde actuelle de par sa durée et sa persistance nous projette dans une société donnant l’impression d’être vidée d'espérances provoquant ainsi crispation et perte d'identité.
Ajoutez à cela le manque de représentativité de nos syndicats qui, faute d’interface puissant et crédible au gouvernement, ouvre la voie à manifestations de rue et grèves à répétition qui de fédérateurs et consensuels deviennent corporatiste (bonnets rouge, pigeons) voire pour certains l’expression de la seule représentation et défense de leurs privilèges (pilotes, cheminots) suscitant alors l’exaspération du reste de la population.
Le glissement suivant serait que, devant la peur de l’avenir et l’angoisse face à notre futur, les manifestations de rue se transforment en « insurrections » de rue.
N’oublions pas que de plus en plus de citoyens vivent dans une précarité dangereuse pour notre démocratie, les chiffres de la pauvreté sont accablants : 1 million de pauvres en plus depuis 2008, un pauvre sur deux a moins de 30 ans, 20% des pauvres ont un emploi qui ne leur permet pas de vivre décemment (chiffres de l’observatoire des inégalités).
Alors si manifester est légitime et fait partie des contre-pouvoirs que la démocratie offre au citoyen au même titre que la liberté de la presse ou d’association, descendre dans la rue ne devrait être que le dernier recours pour exprimer son désaccord.
Il est donc nécessaire qu’un vrai dialogue s’installe entre les citoyens et les organes décisionnaires, quel qu’en soit la forme car, en définitive, les manifestations sont le résultat et l’expression d’un non-dialogue et de la perte de confiance dans la chose publique pour défendre l’intérêt général.
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