Laïcité : amalgames et perte de repères
Cet article poursuit l'analyse des méfaits de la laïcité-athéisme-public tels qu'ils sont écrits dans le dossier du Point « Cet islam sans gêne ». L'inversion de la laïcité (qui est une obligation de l'État d'arbitrer dans les religions d'une société multiconfessionnelle) en commande aux citoyens-sujets de se couper en deux (professer la soi-disant même religion que l'État, l'athéisme, entraîne une perte des repères (on emploie le même mot pour deux choses opposées) qui crée amalgames et confusions, amalgames et confusions ayant pour finalité, peut-être inconsciente, de nier cette inversion. Mais surtout ayant pour résultat, volontaire ou non, d'augmenter les difficultés du vivre-ensemble.
Voici les titres des articles de ce dossier du Point :
Homme-femme, le casse-tête de l'hôpital public. L'absence de référence à la laïcité signe le fait qu'il s'agit dans cet article d'autre chose : des rapports entre les hommes et les femmes. Je ne sais pas si les problèmes ont la taille et l'urgence que dit cet article. Ce que je vois bien, c'est qu'il ne s'agit pas de laïcité. Une phrase met en équivalence droits du patient et laïcité. La laïcité aurait à faire avec des « droits du patient » ! C'est tirer la laïcité là où elle n'a pas d'action, pas d'usage, pas d'intérêt. La laïcité est incommensurable aux « droits du patient ».
La bataille des cantines. Vous avez bien lu : la bataille. Avec des phrases incroyables : « au nom du vivre-ensemble, aucune différence ne peut être tolérée. » Tous pareils. Ce serait cela la laïcité ! Qu'aucune tête ne dépasse. Pas de filles, pas de garçons... Une discipline binaire, ou tu te soumets ou tu t'en vas : « la crèche est soumise à un règlement intérieur : on y adhère, ou on la quitte. » Voilà la liberté qui nait de cette inversion de la laïcité. Et comment se feraient les évolutions ? Ce sont les contradictions qui permettent les évolutions. Peut-être, (je vais me moquer un peu) avec cette laïcité-athéisme-public, avons nous atteint la perfection et n'avons nous plus besoin d'évoluer, et donc plus besoin de contradictions. Un peu comme lorsque Staline avait décrété la fin de la dialectique. Nous savons maintenant, dans le réel, la pertinence de ce type de rejet de la contradiction. Nous pouvions le savoir La force de notre civilisation, c'est précisément d'avoir su intégrer (globalement) la contradiction comme un moteur de progrès. Nous y renonçons actuellement.
Cet article parle d'identification des élèves par le repas. Cette expression invente le problème qu'elle prétend découvrir dans la réalité. Les élèves ne s'identifient pas par le repas, ce sont ceux qui veulent créer un problème qui le voient et l'écrivent ainsi.
Le pire est atteint quand le Point reproche à des élus de s'assurer la paix sociale. Comment ne pas vouloir la paix sociale ? La laïcité était un instrument puissant de paix sociale et nous devons comprendre que nous l'avons délaissée et que nous avons intérêt à y revenir.
Entorses sur les terrains. Il s'agit de sport. Là aussi, il s'agit de « faits » invérifiables et présentés de façon tendancieuse, favorable à la « thèse » du Point : une laïcité du citoyen, ici, du sportif comme si la laïcité était et avait toujours été un athéisme d'État obligeant les citoyens à montrer en public leur athéisme, même quand ils ont une religion.
Les faux imams, rois des prisons. L'ensemble de cet article va vers l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans, afin de contrer le prosélytisme des musulmans extrémistes. C'est un processus d'institutionnalisation classique, ordinaire, qui est dans la conséquence de la laïcité véritable, la laïcité-arbitrage. Au passage, Farhad Khosrokhavar, sociologue, montre la faiblesse et même la bêtise de cette conception de la laïcité-athéisme-public quand il déclare que certains djihadistes n'affichent aucun signe de religion. Forcément ! On leur dit tellement que c'est là le problème, (leur visibilité dans l'espace public, qui soi-disant aurait toujours été vierge de signes d'appartenance religieuse, de fait de la laïcité !) qu'on leur dit ce qu'ils doivent faire pour retrouver la liberté d'agir à leur convenance. Contre-productivité, dont je redis que, si elle argumente par elle-même en mon sens, n'est pas mon souci, et ne joue pas de rôle dans mon mode de pensée.
Il faut rajouter un entretien avec Tarik Ramadan, qui dit en substance, que le constat est partial, que les faits narrés s'ils existent bien de peuvent décrire la réalité de musulmans qui ont accepté les règles communes dans leur grande majorité. Il dit aussi que les discours courants les disqualifient comme citoyens de façon illégitime.
Enfin, pour finir le tableau, il faut citer l'éditorial de Franz-Olivier Giesbert, qui brasse tous les discours institués sur la question, se fait fort de faire le ménage, de déranger les habitudes, de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et finit par demander à la majorité des musulmans qui, selon lui, serait de son avis, de quitter le silence : « Cette majorité là est silencieuse. Il serait temps de l'entendre, elle aussi. Elle a beaucoup à dire. »
Cependant, Franz-Olivier Giesbert ne donne pas la parole à cette majorité silencieuse dans la suite du dossier, préférant les exaltations qui se croient pleines de forces de la laïcité-athéisme-public.
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