Laïcité, citoyenneté, diversité
Sarkozy veut introduire une notion nouvelle dans la charte des droits de la Constitution : la diversité. Or, il peut paraître très présomptueux de prétendre ajouter quelque chose à une charte dont on a vidé certains principes de leur valeur, comme la laïcité.
La chaîne France 3 ouvrait le débat de la laïcité dimanche soir dans Duel sur la 3. Question d’actualité car on se souvient des vœux à la presse du président de la République le 8 janvier et de son souhait d’inscrire le respect de la diversité dans le préambule de la Constitution. Mais la laïcité et la citoyenneté sont des valeurs qui méritent d’être réaffirmées. Elles ont été durement remises en cause par Sarkozy comme ministre des cultes puis par Sarkozy président.
La Laïcité
Notre Constitution affirme le principe de laïcité en disant "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte." Cette affirmation est dans la suite historique de l’article 10 de la Déclaration des droits et du Préambule de la Constitution de 1946.
La laïcité est une spécificité assez française qu’en temps de troubles les Etats étrangers nous envient. Moins d’une dizaine d’Etats dans le monde se réclament de la laïcité. La France est le seul pays, au sein de l’Union européenne, à avoir expressément inscrit le principe de laïcité dans sa Constitution. En voulant faire référence aux "racines chrétiennes", Sarkozy remet en cause ce principe. Sa qualité de chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran (rôle dévolu à tous les chefs d’Etat français depuis Henri IV) n’aurait pas dû le conduire à sortir de son rôle de chef de l’Etat français, neutre à l’égard des religions. C’est ce que réaffirmait François Baryou sur France 3 dans l’émission de Christine Ockrent consacrée à la laïcité. Cette mention n’a rien à faire dans une Constitution qui est un acte juridique, rappelait-il. En face, deux contradicteurs tenaient des propos qui marquent la tentative de retour en force de la religion sur la scène politique. Le Père Philippe Verdin, dominicain et coauteur avec Nicolas Sarkozy et Thibaud Collin de La République, les Religions, l’Espérance se montrait particulièrement exalté. On eût dit un Sarkozy en soutane ! Le philosophe André Comte-Sponville, philosophe, tenait un discours tout ce qu’il y a de plus officiel et sarkoziste jusqu’à ce qu’on l’entende jeter dans la conversation qu’il vote à gauche ! Décidément les repères ne sont plus ce qu’ils sont...
François Bayrou observait ces deux-là d’un œil amusé. Mais surtout, il nous donna une leçon de dignité et de pensée républicaine, reprenant le philosophe Pascal pour qui la loi et la foi sont deux ordres bien séparés. Il met en garde également contre le risque de rouvrir le dossier de la loi de 1905, car ce serait jeter le pays dans des guerres fratricides. Sarkozy, en effet, veut modifier cette loi pour autoriser le financement public des cultes.
Rappelons qu’en 1994, alors ministre de l’Education nationale, François Bayrou avait pris la circulaire interdisant à l’école les signes religieux ostentatoires. "Le port du voile par les jeunes filles musulmanes, manifestation visible du mouvement de revendication de l’islam, porte des significations de nature à inquiéter l’architecture de valeurs autour desquelles se sont construites la République et son école. Ce vêtement qui se fait signe affirme d’abord que la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes. Il entre doublement en contradiction avec les valeurs qui fondent notre société."
Aujourd’hui, avant même de poser la question d’un principe constitutionnel nouveau, il importe de rappeler l’attachement de la France à sa laïcité. Et pourquoi pas sous la forme d’un code de la laïcité comme le proposa Bayrou dans ses propositions de candidat ?
Quand Sarkozy déclare que l’intérêt de la République est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent et qu’en matière d’espérance le curé et le pasteur sont supérieurs à l’instituteur, il marque son intention de faire entrer la religion en tant que culte à l’école. Or, la laïcité française qui prône le respect des croyances, doit défendre, dans l’espace public et notamment à l’école, les principes de non-discrimination et de primauté de la loi. La neutralité n’est cependant pas l’indifférence aux idées. Un enseignement peut être assuré dans le cadre des sciences sociales. La laïcité dans l’enseignement repose sur la neutralité des programmes et des enseignants et sur la liberté de conscience des élèves. Elle doit s’appliquer avec toute sa rigueur quand l’expression des croyances vient troubler l’ordre public. Il faut qu’elle s’applique sur tout le territoire national, y compris à l’Alsace-Moselle qui conserve son droit local fondé sur le Concordat.
On le voit, l’ajout d’un principe de plus dans la Constitution, alors que celui de la laïcité n’est pas entièrement appliqué et qu’il est remis en cause par le chef de l’Etat lui-même, est illusoire et vain. Sans intérêt.
La citoyenneté
La citoyenneté aussi mérité d’être réaffirmée et surtout gagnerait à devenir plus effective. Ce qui est loin d’être le cas. Aujourd’hui, en effet, la citoyenneté dans les zones délaissées par l’Etat, comme les quartiers difficiles, n’est pas assurée et la politique de la ville est revue à la baisse. Le plan banlieue n’a rien d’un plan innovant et cohérent. Son financement n’est pas assuré. Il manque d’ambition.
La qualité de citoyen s’est faite en opposition à celle de sujet de l’Ancien Régime. Or, actuellement, elle tend à perdre cette nature par un retour du pouvoir, par certains côtés, à des attitudes d’Ancien régime. La citoyenneté se définit aussi par exclusion des non-citoyens (enfants, personnes déchues de leurs droits). Elle se manifeste de plus en plus par la fabrique de citoyens de seconde zone. La définition de citoyenneté de nos jours s’est souvent posée de façon négative pour pointer les manques. Mais Georges Burdeau en donne une définition plus positive. Pour lui, le citoyen est l’homme éclairé par la raison, débarrassé des préjugés de classe et des soucis matériels, capable d’œuvrer pour la chose publique avec désintéressement. En France, un citoyen doit aussi être capable de faire preuve de laïcité dans sa vie publique.
La citoyenneté n’est que nationale, mais elle devrait par étapes devenir un jour aussi européenne. La citoyenneté doit avant tout devenir plus effective par le rapprochement entre citoyens et lieux de pouvoir. Par une démocratie plus authentique et moins médiatisée. La décentralisation et la démocratie participative locale ont contribué à aller dans ce sens, mais cela ne suffit pas. L’objectif doit être poursuivi à présent sur un plan national.
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