Le chemin de croix des étudiants étrangers
La France accueille mal ses étudiants étrangers. C’est en tout cas ce qui ressort des différents rapports officiels qui ont été publiés ces derniers mois. Du Commissariat général du plan au Conseil économique et social (Ces), en passant par le Sénat, on ne se gêne pas pour dénoncer l’échec de la politique d’accueil des étudiants venus poursuivre leur cursus dans l’Hexagone : moyens insuffisants, manque de structures, manque de volonté politique... Ainsi, en débarquant dans l’Hexagone, les étudiants africains, à l’instar de ceux venus d’autres horizons, doivent faire face à ce fait accompli. Pour eux, c’est une nouvelle vie qui commence. Parallèlement à leurs études, ces émigrés de l’Education sont assujettis à deux facteurs qu’ils doivent surmonter, pour leur bien-être, le social et l’administratif. Et dans bien des cas, le rêve antérieur nourri depuis des lustres se transforme très vite en cauchemar. La conjugaison des difficultés à trouver un petit boulot pour survivre, un logement pour étudier dans de bonnes conditions ou un stage pour valoriser ses diplômes ne va pas, naturellement, sans avoir des répercussions sur la progression dans leurs études.
Tout d’abord, de lourdes démarches administratives suffisent pour en décourager plus d’un. D’innombrables obstacles se dressent devant ces étudiants, de la demande d’inscription à l’obtention du titre de séjour. Dès l’arrivée en France, c’est la désillusion totale chez ces étrangers qui sont submergés par un véritable bourbier administratif, avec une cascade de documents à fournir dans différents services notamment ceux de la préfecture, sans compter l’examen pointilleux de chaque document. Ainsi me raconte un étudiant originaire d’Afrique subsaharienne qui a vu son dossier traîner à la préfecture pour une simple facture d’EDF (il a présenté l’avant-dernière au lieu de la dernière). Ces rendez-vous ont eu des impacts non négligeables : pendant que ses camarades suivaient normalement leurs études, lui était obligé d’aménager une journée entière pour aller régulariser sa situation. Cet exemple est loin d’être un cas isolé, car raconte M. Bâ, étudiant en droit à l’université de Cergy (région parisienne) "Cette année, j’ai déposé ma demande le 20 octobre et j’ai obtenu un rendez-vous pour... le 13 mars" et il ajoute : "le pire, c’est quand ton rendez-vous coïncide avec un jour d’examen, et que tu ne puisses pas le modifier : tu es obligé alors de rater ton épreuve." Ce qui est paradoxal puisque, avant de délivrer une nouvelle carte de séjour, la préfecture contrôle l’assiduité et la progression de l’étudiant. Progression qu’une épreuve ratée risque de compromettre.
Le système administratif français présente bien d’autres contradictions. Pour obtenir une autorisation de séjour, par exemple, il faut pouvoir justifier de revenus assez importants. Des revenus qu’un travail serait tout à fait à même de fournir. Seulement, pour cela, il faut une autorisation de travail, qui, elle-même, ne vous est délivrée que si vous possédez... un permis de séjour. De plus, demander à un étudiant de justifier par avance ses revenus semble peu réaliste. La plupart d’entre eux (français ou étrangers) gagnent en effet leurs revenus au fur et à mesure, en travaillant ponctuellement. Enfin, comble du paradoxe, on demande aux étudiants africains d’attester d’un revenu mensuel (427 euros) supérieur à celui que le gouvernement français accorde à une certaine catégorie de ses boursiers.
Outre ces problèmes purement administratifs, il faut déplorer les files d’attente kilométriques et les longues heures sous le froid, spectacle digne d’un pays du tiers-monde.
Par ailleurs, l’étudiant étranger n’est pas mieux loti en matière de logement. Selon les autorités du Centre national des œuvres universitaires et sociales (Cnous), les chambres universitaires sont octroyées dans l’ordre de priorité suivant : boursiers français d’abord, boursiers étrangers ensuite, et étudiants étrangers venus par leurs propres moyens enfin. Ce qui fait que la majorité des étudiants, sénégalais notamment, qui ne font pas partis des conventions d’échange inter-Etats sont hébergés temporairement par un ami ou un anonyme, moyennant une participation aux frais bien sûr. Ils jonglent systématiquement entre deux cours ou deux rendez-vous pour aller à la recherche d’un logement hypothétique. Cela est particulièrement vrai dans les grandes agglomérations où les prix sont très exorbitants ; l’offre très rare et la vie chère contribuent à ce lot de difficultés.
Ces difficultés sociales et précarités administratives poussent de brillants étudiants à l’échec scolaire et, par la même occasion, à la perte du titre de séjour. Force est de constater, aujourd’hui, que les étudiants qui sont déjà dans l’Hexagone font tout aussi l’objet d’un tri sélectif qui ne dit pas son nom. En effet, les préfectures, au gré des différentes mesures de durcissement sur le droit de séjour prises ces dernières années par le gouvernement, deviennent de plus en plus exigeants vis-à-vis des étudiants. Conséquences : la proportion des étudiants dont le renouvellement du titre de séjour a été refusé augmente chaque année. Le phénomène, presque rare il y a seulement quelques années, est devenu donc une réalité. Et pour ces étudiants sans papiers les difficultés restent considérables : problème pour se loger, travailler, vivre, peur d’être reconduit à la frontière...
Cette situation n’est sans doute pas étrangère au déclin de la France dans le domaine de la mobilité internationale des étudiants. Elle vient d’être, en effet, dépassée par l’Australie au classement des pays accueillant le plus d’étudiants étrangers. C’est pourquoi les autorités devraient prendre des mesures adéquates pour améliorer l’accueil et l’insertion des étudiants étrangers notamment avec l’allègement des conditions d’obtention du titre de séjour et donner des rendez-vous selon la disponibilité des étudiants. Certes des avancées concrètes ont été faites avec la suppression des autorisations de travail, mais beaucoup reste à faire, car, si
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