Le chômage ne baissera pas de sitôt (sans un nouveau contrat social)
Si tant d'organisations syndicales, de partis politiques, de jeunes ou de simples salariés refusent l'idée même d'une révision du droit du travail, c'est peut-être parce qu'ils savent que cette (indispensable) réécriture du Code du travail signe la fin du compromis social signé après-guerre.
Ceux qui connaissent la situation financière et sociale des entreprises en France ne peuvent guère avoir de doute sur l'état réel de notre économie. La déprime économique ne touche pas que les artisans ou les petits commerçants mais l'ensemble du pays depuis 2008. La crise de 2008 (la plus importante depuis 1929) est plus grave et impactante en France que dans nombre d'autres pays pour trois bonnes raisons :
1) Notre pays était déjà affaibli par les diverses expérimentations sociales menées depuis 1981, la conflictualité du travail, les faibles rémunérations (encouragées par les baisses de charges ciblées) le rétrécissement de l'échelle des salaires et la méconnaissance de l'économie (réelle) ont cueilli les entreprises de notre pays au plus mauvais moment, quand elles étaient souvent exsangues et sans réels projets d'avenir.
2) Le fameux modèle social français (des subventions tout azimut et un Etat qui fait tout pour colmater les brèches ou repousser les échéances) ne fonctionne plus parce que la crise est devenue permanente et systémique Plus grave encore en prétendant protéger les Français le "modèle" social français pourrait n'être plus qu'une dérisoire défense, une protection aussi peu utile que la ligne Maginot ne l'avait été il y a 75 ans.
3) L'Education et la formation manquent partout malgré les 144 milliards dépensés à l'EN, les 30 milliards dépensés en formation professionnelle. Les Français n'ont plus le goût d'apprendre dans un monde où le seul capital qui importe est le capital humain : l'éducation, la capacité d'entreprendre, d'innover et de changer.
La chute n'est sans doute pas terminée
La situation financière de nombre de grandes entreprises pourrait continuer à se dégrader. Cette situation dégradée étant d'abord liée à notre inertie, à notre incapacité à changer, à restaurer une école de qualité à prendre des risques ou à investir ailleurs que dans la pierre ou des livrets d'épargne.
Les sureffectifs sont encore légion alors que la numérisation et la désintermédiarisation sont partout. Les entreprises pourraient dès lors continuer à réduire l'emploi (assez discrètement via notamment les "départs naturels" à la retraite, départs non ou très peu compensés par des embauches).
Le compromis social d'après-guerre ne tient plus
La France moderne, industrielle et sociale s'était construite après guerre sur un compromis et une construction simple et largement admis :
- l'Etat instruisait et formait les jeunes jusqu'à 16 ou 20 ans en leur transmettant les connaissances et les compétences dont les employeurs avaient ensuite besoin pour toute une vie active
- les entreprises recrutaient des jeunes bien formés et préparés par une école de qualité et assurée de ses missions entre l'enfance et le monde du travail
- les régimes sociaux (retraites, chômage, maladie) assuraient quant à eux la solidarité face aux aléas de la vie
Tout ce bel édifice s'affaisse depuis les années soixante-dix (avec une accélération depuis la crise de 2008)
Un défunt compromis social
En échange de l'abandon de la lutte des classes ou de la révolution prolétarienne, le patronat s'engageait à offrir une sécurité sociale et professionnelle permanente à tous les travailleurs en les salariant massivement, en leur apportant des avantages sociaux nombreux et croissants.
Nos problèmes récurrents d'une productivité déclinante avaient été décrit par le président Giscard d'Estaing dès les années 70 mais le compromis social devait être coûte que coûte être maintenu car le coût de la sortie du contrat social semblait trop important (songeons à Michel Rocard qui en 1992 disait que le dossier des retraites pouvait faire sauter une demi-douzaine de gouvernement)
La France (une société bloquée décrite dès 1969 par Chaban Delmas) s'est employée à ne rien changer
Depuis 40 ans notre pays s'est employé, par manque de courage politique, par manque de clairvoyance (la crise passera) ou par confort intellectuel et idéologique (il y a des parts de marché politiques importantes pour entretenir l'immobilisme)
Ne rien changer donc, ne pas ouvrir les yeux sur un monde totalement bouleversé (par l'Internet, la chute des ressources naturelles, la démographie..) semble être le credo et la règle pournombre de partis et de syndicats français.
Il n'y a plus de marges financières ou sociales aujourd'hui, aucun des leviers anciens ne peut plus être activé
Nous avons activé depuis les années 70 tous les leviers imaginables (l'inflation puis les importations massives, les subventions incessantes ou l'endettement) pour repousser nos échéances sociales, financières, retarder ou tenter de masquer notre déclin économique.
Le plein emploi restera une chimère si aucun nouveau contrat social n'est imaginé et promu
Le plein emploi restera une chimère et la sécurisation sociale et professionnelle seront impossibles à maintenir si le travailleurs eux-même ne se prennent pas en main, n'assument pas la part de risque (social, financier) inhérent au travail.
L'entreprise demeurera peut-être mais deviendra un agrégateur de compétences, une organisation agile et protéiforme au service de l'activité, plus ce pilier immobile sur lequel tout le monde se repose en rêvant à la fin du travail.
Pourquoi la France n'est-elle plus compétitive ?
- Sa "main d'œuvre" n'est plus assez compétente (nous serions 22e pour la qualification des travailleurs selon des études de l'OCDE).
- Son positionnement sur des produits et services pour la classe moyenne (avec une qualité moyenne) est dépassé.
- Son État, sa fiscalité lourde, ses règlementations complexes renchérissent le cout du travail et empêchent les entreprises de rester agiles et flexibles.
La réforme du code du travail est donc une première étape qui en entraînera de nombreuses autres et verra à terme le salariat fortement régresser
Sans salariat massif il ne sera plus possible de payer les retraites actuelles (payer pendant 40 ans un quasi-salaire) d'entretenir une administration surnuméraire (2 fois plus de fonctionnaires en France qu'en Allemagne) ou d'avoir un Etat se mêlant de tout (plus il y a de fonctionnaires plus l'Etat contrôle et limite l'activité des citoyens).
Rien ne sert plus de subventionner des millions d'anciens salariés devenus demandeurs d'emploi (entre 5 et 10 millions de personnes insuffisamment occupées aujourd'hui) si ceux-ci n'ont plus guère de chance de retrouver un travail salarié (alors qu'une activité indépendante est possible et souhaitable mais avec de nouvelles règles sociales).
L'avenir n'est pas pour autant noir ou bouché pour les pragmatiques et les travailleurs qui accepteront de participer à ce monde nouveau en gestation (un monde fait d'innovations, d'entreprenariat et de prise de risques).
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