Le danger de l’extrême droite (1) : arborer des signes distinctifs à l’école
Dans l'affaire du décès du jeune Clément Méric, une chose a été remarquée : l'endroit où il a été sauvagement battu. Au 60 rue Caumartin, où se passait une vente de polos de marque Fred Perry, qui n'ont qu'un seul tort : d'être devenus les uniformes respectables de néo-nazis, qui ainsi déguisés, passent plus inaperçus qu'à se balader en uniforme SS, qui est pourtant plus représentatif de leurs idées, mais moins facile à porter dans la rue semble-t-il. Evidemment, ce n'est pas une loi universelle : plein de jeunes les portent, ces Fred Perry, qui ne sont pas pour autant néo-nazis, comme plein de jeunes s'habillent en Hugo Boss en ignorant totalement ce qu'il a pu dessiner jadis comme vêtements. Etranges déguisements, donc, qu'il convient de décrypter. L'école est le lieu même de ses confrontations vestimentaires, on le sait depuis longtemps ; même qu'un écrivain avait jadis écrit avec deux collègues un livre plutôt léger sur la question. C'était au temps où ce dernier avait des cheveux et des idées, avant même de se transformer en gigolo et de venir raconter ses exploits à la télévision devant les caméras de Mireille Dumas (tiens, ses vidéos ont toutes été supprimées depuis peu..., il faut les dénicher plus loin).. Retour sur cette incongruité des vêtements perçus comme des uniformes, affichant les idées politiques de l'individu qui les porte... et ses conséquences.
Car il reste en effet un milieu où on peut déceler assez vite ses penchants nauséabonds : l’école, avant même le lycée ou l'université chez certains. Les lycées professionnels regorgeant de ce genre d'élèves. Comme j’ai gardé pas mal de liens avec mes anciens collègues, on m’en informe régulièrement. Or, ces dernières années, il faut bien avouer qu’on a atteint la côte d’alerte. Spécialement dans les lycées professionnels, justement, où sévit une mode véritable d’appartenance soit à des bandes, soit à des groupes tendance nazillonne. Et pour les distinguer, me souffle un jeune collègue, rien de tel que leurs "fringues", ou leurs inscriptions sur leurs trousses d'écolier,
parfois constellées de croix nazies... souvent dessinées à l'envers, l'auteur n'ayant pas toujours un don pour la reproduction picturale. L'affichage ostensible de décoraations de supporter de foot tendance bourre-pif est aussi un signe qui ne trompe pas, me souffle mon ami enseignant (effondré), dans ce milieu d'excités. Le must étant le tatouage, voire la page d'accueil de l'ordinateur affichant un Panzer du plus bel effet (un collègue en a vu un qui faisait un bruit de moteur de char au lancement de Windows !). Les codifications étant un autre territoire significatif, le 88 n'étant chez eux ni un département ni le calibre d'un canon de DCA, mais... un hommage à Adolf Hitler, la huitième lettre de l'alphabet étant un H... vous allez me dire qu'il faudrait écrire 18 alors : oui, à part que 88 signifie chez eux "Heil Hitler" tout simplement !! Sur le net, c'est plus simple : ce sont tous des "Werwolf", du nom d'une compagnie de SS. En France, on en a plusieurs, bien sûr et même chez les adultes comme celui venu squatter les forums après s'être fait virer des manifestations de célébrations du débarquement...
Du vécu scolaire avec de la graine de nazillon, ça remplit des cahiers entiers d'anecdotes. Au florilège on a en vrac, relevé par un ami enseignant que l'on appellera "Duc" : "un élève plutôt distrait pendant un cours, jouait en fait avec des balles de 22. La semaine suivante c'était une matraque télescopique ! Tous arrivent à l'école avec des poings américains, discutent sur MSN en salle informatique avec d'autres nazillons et se saluent en disant "Sieg". L'un d'entre eux s'est fait arrêter en gare de Lille en possession d'un revolver (Il allait soi-disant à Lens le vendre à un type rencontré sur internet ! ). Lors d'une journée sportive où les élèves se rencontraient, ils ont passé leur temps à bavarder avec un autre élève venu d'ailleurs et habillé en Lonsdale et Fred Perry de la tête aux pieds. Ils ont même échangé leurs numéros, histoire de se retrouver pour aller faire des tours ensemble, on suppose pour faire du lèche vitrine...). Il y en a plein ainsi. "Si vous arrivez en Wolkswagen à l'école, comme prof, vous êtes le roi :
Volkswagen : " Ya qu' ça d' vrai, c'est allemand !" vous disent-ils, de même que s'ils apprécient e prof d'allemand du lycée de Douai, c'est simple :" C'est l'meilleur parce qu' il s'appelle Gunter". Imparable ! Une véritable obsession chez eux, que l'Allemagne :"quand on leur demande " Quelle est votre destination de rêve pour les vacances ?" La réponse est invariable : " L'Allemagne". Quand ils terminent une interro 15 min avant la fin, Ils sortent une feuille blanche pour dessiner des petites croix, des SS, des WP (White Power évidemment...). Parfois, c'est la chaise qui prend. Un autre a mis en fond d'écran sur son pc portable une photo des rails de train qui mènent à Dachau...." Tout ça dans le Nord. Et encore, on est pas encore descendu dans l'Aisne... "où l'une des figures frontistes du département n'est autre que Michelle Dall'Ara, ancienne du Parti national français européen (PNFE), formation néo-nazie active du milieu des années quatre vingt à la fin des années quatre vingt dix" rappelle si justement Droites Extrêmes.
Pour habiller tout ce beau monde, il y a des magasins. A Chauny (dans l'Aisne, on y est !) véritable cocotte-minute où s'opposent régulièrement skins et beurs, et où le FN fait plus de 20%, un endroit susceptible de sauter d'un jour à l'autre, on a de quoi en effet. Marianne y avait trouvé un vendeur de fringues Lonsdale, du Fred Perry, du Hardcore, ou du Hooligan, les quatre marques les plus prisées . "Lorsque trois adolescents font leur entrée et viennent le saluer, son discours se fait moins policé. Ce qu’il considérait quelques minutes plus tôt comme un simple « phénomène de mode » (le fait de porter ce genre de vêtements) devient finalement « une tendance plus profonde », plus « lancinante ». Et alors qu’il se regarde dans une glace en bombant le torse, il balance au plus chétif d’entre eux : « Il faut faire du sport, comme ça, personne ne vient t’emmerder dans la rue ! » Un « judicieux » conseil pour l’avenir. Pour le sien, d’avenir, Philippe ne s’en fait pas : « Tant qu’il y aura des bougnoules, il y aura de la vente ! » lâche-t-il dans un grand éclat de rire… Les trois jeunes relèvent à peine. L’un d’entre eux a le sourire scotché aux lèvres. C’est Romain, l’élève de Gay-Lussac. Il explique à nouveau refuser de se voir assimiler lui et les siens à des « skins ou des néo-nazis » : « On est nationalistes. On a l’amour du drapeau, c’est tout ». La jeune fille qui l’accompagne, veste Lonsdale et croix en strass façon Madonna autour du cou, entreprend quelques pas de danse et finit par ajouter son grain de sel : « La presse met de l’huile sur le feu, grossit les choses. Elle dit qu’on est des néo-nazis, qu’on “tape” des “sieg” (« sieg heil », le salut hitlérien, ndlr), mais c’est faux ! »
À Chauny, le « c-est-pas-nous-les-responsables-c-est-les-autres » est presque un art. Et pas seulement pour les jeunes, qu’ils fassent d'ailleurs partie d’un camp comme de l’autre. Ils ont apparemment été à bonne école : les adultes chaunois, face à ces événements, savent eux aussi se renvoyer copieusement la balle…" La fille décrite, prénommée Lucie, vite retrouvée sur Facebook s'avérait être la fille d'un des leaders locaux du FN. Elle y posait en ... Lonsdale !
A l'école, "l'effet Lonsdale" (qui faisait en décembre dernier sa pub en Angleterre sur l'organisation de tournois de boxe pour l'armée !) débute de plus en plus tôt : "Une professeure de français au collège que nous avons contactée et qui souhaite garder l'anonymat, juge la "situation très inquiétante". "Ce n'est pas propre à Chauny mais plutôt à l'ensemble du département" souligne-t-elle. Et de raconter : " Cela a commencé l'année dernière. On a surpris des élèves de 6e/5e qui avaient des portraits d'Hitler sur leurs portables. On est intervenu. Et puis, on s'est mis à voir arriver au collège certaines marques de blousons très caractéristiques. Immédiatement après, les gamins qu'on prenait en flagrant délit dans la cour ont changé d'attitude. Ils ne s'excusaient pas mais revendiquaient sur le mode : "je suis facho et alors" ? Du coup on a pris des mesures radicales". C'est ainsi que le port des fameux blousons a été, entre autres, interdit dans l'établissement. "Cette année, poursuit-elle, c'est pire. Cela s'est radicalisé, cette fois sur un mode violent. Deux à trois fois par semaine on intervient dans la cour du collège pour stopper une bagarre à la suite de propos racistes". Et de conclure : "il y a des jeunes adultes- grands frères, oncles, voire parents- derrière que les plus jeunes copient." Clément, lui, est professeur de sciences naturelles dans les environs de Chauny. Son constat n'est pas vraiment différent de celui de sa collègue. "Parmi les jeunes skins de Chauny, j'ai des anciens élèves. Il y a un militant FNJ sur la ville mais qui n'a pas forcément une grande influence sur eux. Eux arborent des croix gammées stylisées, des croix celtiques. L'an passé je les ai vus à la gare routière- l'endroit d'où part chaque soir tous les cars desservant les villes environnantes- se livrer à des agressions racistes sur les gamins qui rentraient chez eux".
Derrière tout ça, il y a des adultes... manipulateurs. Tel celui de Méteren, au bord de la Flandre, qui s'est fait pincer par les services sociaux, début 2009, ses propres filles s'étant plaintes d'avoir à faire chez lui le salut nazi. les policiers, alertés, avaient découvert un chef d'entreprise ayant déposé le bilan, animateur d'un site internet planqué en Malaisie faisant 2 gigas de données sur l'Hitlérisme. Au milieu de ses délires, un très inquiétant manuel du parfait petit nazi en collège, avec plein de recommandations, telles que "si tu veux passer inaperçu sur un forum, prend un pseudo féminin, les modérateurs de forum sont toujours plus indulgents avec les filles que les garçons". A lire les inscriptions sauvages chez Agoravox, je me dis parfois que notre nazi des Flandres a fabriqué pas mal de petit(e)s. "Les auteurs touchent aussi au ridicule quand ils développent le thème de « la coiffure du national-socialiste » (en fait, la mode des années 30-40) ou exposent des « directives pour la sélection d'une compagne et pour la procréation ».
Avec cette phrase attristante : « Il n'est pas aisé de se faire aimer pour ce que l'on est, à savoir un authentique nazi. » Le texte le plus inquiétant est intitulé « Militer en milieu scolaire ». On touche là au danger majeur. La cible de recrutement est clairement définie, fragile et influençable. C'est au programme de troisième qu'on aborde la Deuxième Guerre mondiale et les régimes totalitaires. Plutôt que des bourrins bas du front, on cherche des jeunes cultivés, capables de convaincre des camarades, de donner la contradiction à un prof, Extrait du manuel : « Procède toujours de manière intelligente et progressive. N'attaque pas un professeur de front mais mets-le en difficulté, de préférence devant toute la classe. » Le contenu du forum assaut.mnsf confirme d'ailleurs la jeunesse des membres. On signe là volontiers ses interventions par le sigle « o » qui symbolise le salut nazi. Attention, on ne parle pas de centaines de gamins en ligne. Le record de fréquentation du forum est de 63 le mercredi 12 décembre 2007" avaient expliqué mes anciens collègues de la Voix du Nord.
Les extrémistes se reconnaissent entre eux en effet par plusieurs signes : la coupe de cheveux, qui les fait tous ressembler à des oiseaux (des canaris "à toupet allemand", ce doit encore venir de là !!!) , mais aussi les tatouages (pour les plus âgés) et les vêtements, surtout chez les scolarisés. Il existe donc un uniforme du collégien ou du lycéen néo-nazi."Les révoltes adolescentes, on le sait, passent souvent par le vêtement" affirme le Figaro, non sans raison. Au point qu’un collège des Ardennes, le collège Blanc Marais situé à Rimogne a été obligé d’interdire le port de vêtements Lonsdale, portés comme signe de ralliement. Ça n’est pas si vieux que ça, comme info, ça date du 1er octobre 2009. Pour y arriver, le principal, Alain Michnik, a fait jouer la loi... sur la laïcité ! Leur pensée leur appartient et nous la respectons, mais dans le collège il n’y a pas place pour le prosélytisme, l’embrigadement ou le sectarisme. Nous sommes là, au contraire, pour apprendre à ces jeunes à s’en prémunir »affirmant « on ne joue pas avec des symboles de ce type ». Mais pourquoi donc Lonsdale ? Car au milieu, ça fait NSDA pardi ! plus qu’un P et c’est complet... On a un bon exemple de ce genre de gag de mauvais goût, avec les t-shirts modifiés, au "P" rajouté, qu'arborent des jeunes qui souhaitent davantage arborer leur goût pour le nazisme. Même que l'un d'entre eux avait réussi à poser tout sourire avec Marine le Pen à Lyon, en septembre 2011. Le Lonsdale » se tranformant en "LoNSDAPe — Europe". A gauche, Grégoire C, à droite arborant le La Totenkopf, le symbole des gardiens SS des camps de concentration et d'extermination son ami Anthony, batteur du groupe néo-nazi lyonnais Match Retour.
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