Le débat mortifère sur l’identité nationale
Nauséabond. Choquant. Déprimant. D’un bassesse et d’un racisme surprenant. Ce ne sont que quelques descriptions saillant à ce que Nicolas Sarkozy a permis d’étaler au grand jour avec son grand débat citoyen sur l’identité nationale. C’est comme si la cocotte minute ne pouvait plus contenir la pression ; elle laisse à présent fuser de toutes parts de la vapeur chaude, bouillante.
L’on n’a pas entendu Morano admonester d’autres jeunes Français par ce qu’ils portent la casquette à l’envers, ont des rastas, parlent le franglais ou utilisent des expressions de chat, et n’ont pas d’emploi. Non, nous ne l’avons pas entendu le faire car aucuns de ces éléments ne fait partie des ingrédients du fantasme français de la jeunesse criminelle, dangereuse et violente. Sarkozy connut le succès, se positionnant favorablement pour les élections présidentielles de 2007, après les émeutes dans les banlieues. C’est contre ces jeunes Français, ces jeunes racailles, qu’il défendit le reste des Français. C’est contre eux qu’il donna davantage de pouvoirs à la police, pour les poursuivre et les réprimer. C’est l’arabe sanguinaire et vicieux ! Celui qui trahit la France en Algérie, le vieux retraité qui suce la fortune durement gagnée du pays après avoir qu’on lui ait gracieusement offert un travail insignifiant dans les années 50 et 60, et qui aurait dû retourner chez lui il y a bien longtemps (Mais après trente ans de dur labeur, où est ce chez lui ?). L’Arabe et son acolyte africain, ce personnage paresseux qui ne pense à rien si ce n’est le sexe, le divertissement et la bouffe. Ces ’populations’, comme les appellent par euphémisme les intellectuels bien-pensants, auxquelles Chirac faisait référence en 1991 quand il disait que l’honnête travailleur français ne supportait plus de vivre aux côtés du bruit et de l’odeur d’une famille africaine composée de trois ou quatres femmes, d’une vingtaine d’enfants, et d’un mari sans emploi mais amassant une petite fortune en allocations familiales.
Ca peut paraître exagéré de penser que là pourrait être les pensées sous-tendant la politique du gouvernement, et à vrai dire il est probablement juste de dire que la plupart des politiques de l’UMP n’adhèrent pas à ces points de vues racistes. Mais ils les exploitent afin de s’assurer le vote Front National en vues des prochaines élections régionales. Bien des électeurs traditionnels de droite ont été déçus par l’action politique du Président, sa popularité s’effondre, et le sentiment ne cesse de croître selon lequel le président du pouvoir d’achat et de l’esprit d’entreprise pensait avant tout à lui et non pas au pays en faisant campagne sur ces slogans. Comme bien des économies, la France a été durement touchée par la récession, et le pessimisme est élevé. Historiquement, ces moments ont toujours été propices à l’exaltation d’un sentiment national versant vers la haine de l’Autre, et pour camoufler sa propre inefficacité. La Grande Dépression des années 30 fut concomitante d’un sentiment anti-étranger primaire, d’actions quasi miliciennes, et de politiques xénophobes. Des milices officieuses et discrètes opèrent déjà dans des villes françaises et anglaises. Le slogan ’Des boulots anglais pour des Anglais’ s’est déjà fait entendre. Au pays de la "Liberté, Egalité, Fraternité" que de frissons n’ont pas parcouru l’épiderme des humanistes qui ont lu le site du ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Avant d’être retirer face sous la pression publique, il hébergeait pléthores de commentaires insultants et racistes.
La France devrait se souvenir qu’elle a été créée sur la base du droit du sol et du sang. Il est aussi temps de se remémorer qu’elle a fleuri grâce à son passé colonial, et ses liens souvent abusifs vis-à-vis de bien des cultures ; qu’elle a inspiré des millions de personnes en raison de son ancien généreux droit d’asile, de son passé révolutionnaire et ses penseurs humanistes. Nous ne devrions pas avoir honte mais être fiers d’avoir un actuel président d’origine hongroise, nous réjouir de nous rappeler que Léon Blum était juif, le premier ministre Edouard Balladur d’origine arménienne. Nous devrions avoir de l’assurance parce que parmi les plus ardents défenseurs des valeurs de la société française, on en trouve beaucoup dont les ancêtres n’étaient pas français.
Comme tant d’autres pays européens, la France, refusant d’abandonner ses illusions de grandeur et de prestige, cherche un bouc émissaire à son ’déclin’. La classe politique, comme Berlusconi et la Ligue du Nord et ses autres alliés néo-fascistes en Italie, le British National Party et la rhétorique populiste du Labour au Royaume-Uni, la Suisse de l’UDC de Blöcher, joue avec le feu pour apaiser les frustrations des classes moyennes en perte rapide de leurs standards de vie confortable. Le monde est de plus en plus un réseau interdépendant de sociétés, une culture globalisée dans laquelle nous assumons sans cesse davantage d’identités, et il ne peut se permettre de supporter les odeurs putrides de la xénophobie si nous voulons tirer profit des promesses d’un âge globalisé. Nous nous devons de refuser de participer à des grands débats sur l’identité nationale parce que nous sommes interdépendants les uns des autres, matériellement, intellectuellement et sociétalement. C’est pour cela qu’il faut soutenir des initiatives telles que le refus de débattre au débat sur l’identité nationale, ou le rejet de la nouvelle politique d’immigration en Grande-Bretagne, afin de montrer aux politiques et au monde dans sa globalité que l’Europe se refuse de répéter l’histoire. Sinon, il ne me restera qu’à réécouter Shirley Bassey et les Propellerheads.
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