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Accueil du site > Tribune Libre > Le fascisme langagier ou la dictature d’une langue de bois (...)

Le fascisme langagier ou la dictature d’une langue de bois paroxystique

 Le « fascisme langagier » n’a rien à voir avec le fait d’insulter un tel ou une telle.

Le fascisme langagier… consiste à exposer un individu à un vocabulaire - souvent positif pour intimider et dissuader toute critique - qui n'admet aucune ambivalence, aucun "oui mais".

Le fascisme langagier et sa dictature, c’est donc le choix d’un vocabulaire contre lequel personne n’osera énoncer de contradictions sans courir le risque d'un verdict-anathème qui équivaut à une mort sociale, médiatique et professionnelle.

Aussi, tout individu qui, dans ce contexte, refuse d'adhérer à l’univers conceptuel de ce vocabulaire et de le valider pour mieux l’intérioriser et le reprendre à son compte jusqu’à l’adapter à sa propre personnalité, - l’ajuster à sa taille -, peut se voir qualifié ou bien plutôt disqualifié en tant…

C’est au choix…

Faites votre choix !

  - Fasciste, raciste, antisémite, complotiste paranoïaque, homophobe, islamophobe, anti-européen, anti-américain...

Ou plus prosaïquement :

 - Forte tête, mauvais esprit, trouble-fête, récalcitrant habité par un ressentiment et une aigreur aussi haïssables que coupables.

 

 La bien-pensance et la langue de bois sont à la fois les causes et les effets de cette dictature du "fascisme langagier". Même s'il semblerait que le "fascisme langagier" concerne une langue de bois paroxystique – une langue de bois arrivée à un degré optimal de maturité, à tel point qu’elle est sans conteste et sans rivale -, dans son application pratique et ses implications dans la pensée comme dans l’action au quotidien.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans ce contexte - contexte pervers –, ce sont les individus apriori les plus violents qui sont les plus respectueux de l'altérité (dans les faits, ils se débattent dans un univers unidimensionnel qu'ils savent mensongers), et les individus les plus sereins, les bien-pensants (qui se satisfont de cet univers unidimensionnel), qui s'avéreront les plus intolérants et les plus dangereux pour la l’intelligence, la liberté et la justice.

Et s’ils sont si nombreux à peiner à identifier la dictature de ce "fascisme langagier" c'est précisément parce que cette langue de bois paroxystique triomphe partout et qu’elle n’a rien en commun avec une violence explicitement physique ou verbale dans son articulation et son déploiement.

 

 Dissuasif, exercé par le fort sur le faible - poids lourd contre poids plume -, c'est la nature même du verdict-anathème (fasciste, antisémite, complotiste paranoïque, bannissement - pour les verdicts les plus définitifs) qui est prononcé contre quiconque refuse d'adhérer à cette langue de bois paroxystique (car, on ne peut pas faire plus "langue de bois") qui fait de ce langage une dictature de type fasciste.

Trente années de langue de bois et de "bien-pensance" ont ouvert un boulevard à cette dictature.

Et si Internet est la cible privilégié de cette dictature qui attend tous les internautes au tournant... c’est que sur le web seul une telle éventualité peut encore se produire car, sur les médias de masse, le ménage a été fait il y a longtemps déjà.

 

 Dès à présent il faut comprendre et saisir que la violence dans le langage n'a rien à voir avec le fascisme langagier : si je dis à un tel " Vous êtes un c.. !" Ca n'a rien de fasciste car celui-ci pourra toujours me répondre… "Vous aussi !" ou bien : "Je suis peut être un c... mais...." ou bien encore : il se peut qu’il ne me réponde rien conscient du fait que cette insulte me dessert auprès de ceux qui en auront été les témoins.

Le fascisme langagier d'aujourd'hui est une violence faite à l'altérité, à la contradiction, à la démocratie, à la dissidence... au "oui mais..."… auprès de millions d’individus sous la contrainte d’un discours qui les met dans une position telle qu’ils n’ont alors qu’une option : l’adhésion et la validation. Dans le cas contraire c’est l’exclusion, le licenciement, la relégation, le bannissement…

La dictature du fascisme langagier n’a donc rien en commun avec des chemises noires, des brassards, des bras levés, des matraques et un Dutche vociférant du haut d’une tribune même si, comme sous un régime fasciste, vous ne pouvez pas ne pas adhérer ni refuser de valider ce à quoi il vous est demandé de souscrire.

La dictature du fascisme langagier n’est pas non plus une sorte de fascisme soft. Il s’agit d’un fascisme d’un nouveau type : un fascisme qui ne sera jamais reconnu pour ce qu'il est et ce, bien qu'il soit omnipotent et omniprésent...

En effet, cette langue on la trouve dans les entreprises, dans les médias et les relations humaines jusque dans les chambres à coucher sans aucun doute et par voie de conséquence…

D'où son succès ! Et rares sont ceux qui sont à même de la reconnaître pour ce qu'elle est : du fascisme ; et ce pour deux raisons :

 - Les uns connaissent toute la violence de la sanction de cette dictature et refusent de sacrifier disons… leur carrière ou ambitions, morts de trouille à l’idée de la relégation.

 - Les autres refusent de l’identifier sous sa véritable identité de peur de devoir s’y opposer frontalement, se sachant inaptes à un tel affrontement.

 

 Il va sans dire mais… beaucoup mieux en le disant… sous le règne de cette dictature-là, dire la vérité c’est mentir.

Le fascisme langagier se distingue par sa sanction à l'endroit de quiconque refuse d'y souscrire. C'est la sanction qui donne à ce langage son caractère fasciste. Ce ne sont ni son vocabulaire - apriori anodin et on ne peut plus positif - ni sa syntaxe qui sont en cause.

Le fascisme langagier est indissociable de sa sanction. Il porte en lui la sanction suprême : le bannissement d'une entreprise, des médias, d'une institution, d'un groupe, d'une communauté, d'une famille...

La bien-pensance aussi nuisible soit-elle, n'en est que sa version naïve, une version articulée par un individu dans la confusion, certes, un individu manipulé à son insu mais... un individu dont la bonne foi ne saurait être, dans la grande majorité des cas, remise en cause : ceux que l'on a pu désigner avec humour et ironie sous le vocable Les nouveaux ploucs ou les nouveaux beaufs d'une conscience politique humaniste.

Disons que le bien-pensant est l'idiot utile de la dictature du fascisme langagier qui n'est – rappelons-le une nouvelle fois -, que de la langue de bois paroxystique ; la bien-pensance est sa caution, son alibi (d’aucuns diront… son larbin) et sa complice par ignorance … ignorance des véritables enjeux…

Car la langue de bois à son paroxysme c'est une stratégie avec toutes sortes d'implications ; d'où la violence, non pas de son discours, mais de sa sanction. Et plus les enjeux sont importants et plus violente est la sanction.

 

 Aujourd'hui, tous ont intégré à des degrés divers le fait qu’individu qui veut faire carrière où que ce soit, dans quoi que ce soit et à quelque niveau que ce soit doit s'y soumettre ou du moins, faire e sorte de ne jamais se trouver en porte-à-faux avec cette stratégie de… domination... in fine.

Plus l’individu est ambitieux et plus il s’y soumet avec un zèle qui n’a d’égal que son arrivisme.

D’où le silence des uns, l’évitement des autres ou bien, le ralliement explicite à cette dictature qui jamais… ne s’affichera comme telle dans la conscience du plus grand nombre… cette bergerie tantôt bêlante tantôt silencieuse au plus fort de son angoisse, mais toujours agitée comme si elle pressentait le pire, toujours le pire qui est à craindre... des centaines de millions, en grappes humaines... mais seuls car de plus en plus isolés.

 

***

 

 Qu'il soit ici permis de rappeler que cette dictature a vu le jour il y a plus de dix ans. C’était à la fin de l’été… rares sont ceux qui auront pressenti que cet été-là annonçait un long hiver, car depuis, cette dictature n’a jamais faibli, et la vérité, la liberté et la justice… ne se sont jamais aussi mal portées.

 


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19 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 21 mars 2013 09:57

    La manipulation du langage est une constante de tous les régimes totalitaires. Cela leur permet de changer le monde à leur avantage. Aucun mot n’est anodin, surtout utilisé par des spécialistes en communication........

    voir : LA FRAUDE DES MOTS


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 mars 2013 09:05

      J’ai, plus loin, remercié l’auteur pour l’utilité de son article. J’ajoute qu’il a un mérite supplémentaire : il a permis a plusieurs commentateurs de nous donner des liens renvoyant à d’autres textes très utiles aussi, qui complètent bien celui d’Uleski : le vôtre, Robert Gil, celui de JL, celui de ddacoudre…

      Les journalistes tricheurs et/ou carriéristes, qui croient devoir se soumettre au langage déformant de leurs maîtres vont avoir la vie dure : ça commence à résister sérieusement face au fascisme langagier « ordinaire ».


    • Lieutenant X 21 mars 2013 10:39

      Ce que Vladimir Volkoff appel le Politiquement Correct et Orwell : le Newspeak. Que ce type de « non-parlé » soit repris majoritairement par l’Etat et sa propagande est très inquiétant.


      • Francis, agnotologue JL 21 mars 2013 10:57

        Belle analyse à laquelle je souscris.

        De même que l’histoire est écrite par les vainqueurs, la langue de bois paroxystique est, on pourrait dire ici, la langue vernaculaire des classes dominantes et devenue la langue véhiculaire des classes dominées et brassées, nécéssités migratoires obligent. C’est une langue qui permet d’exprimer des points de vue apparemment variés, voire même contradictoires mais qui jamais ne remettent en cause l’essentiel qui fait l’autorité de l’establishment : on appelle cet essentiel, la pensée unique.

        Sur le même thème, je propose aux lecteurs intéressés cet article :

        Numériser la langue de bois, remplacer le cerveau humain

         ’’Un discours peut-il être tellement vide de sens qu’une machine le produise à la place d’un homme sans différence apparente ? Ou ce qui revient au même peut-on employer des catégories si vastes qu’elles englobent tout et que les mots se combinent dans n’importe quel ordre ? La réponse est évidemment oui. ’’ ( rdv sur l’article lié pour la suite)


        • Francis, agnotologue JL 21 mars 2013 11:26

          Bonjour Serge Uleski,

          que pensez vous de cette vidéo-article qui ne me parait pas sans rapport avec le votre ?

          L’effroyable imposture du Rap

          extrait : ’Au vu du succès mondial de cette musique, à ce jour la plus écoutée à travers le monde, cet essai critique s’efforce de retracer ce long processus de domination à travers les quarante dernières années et d’exposer ses terribles conséquences sur le tissu populaire : appauvrissement du langage, donc de la pensée, glorification de la culture ghetto de type US (culte des armes, de la prison, de la consommation de stupéfiants, de la violence verbale), « automythification » d’une jeunesse immigrée conduisant à une victimisation perpétuelle, et à la division des quartiers populaires : les immigrés d’un côté, les « desouche » de l’autre. Une « déconscientisation » politique à travers l apologie de l’ultralibéralisme et du darwinisme sociétal amenant logiquement à l atomisation de l’individu et au « chacun pour sa gueule », soit la fin de la nation et son glissement vers une société d’hyperconsommation. ’’


        • Serge ULESKI Serge ULESKI 22 mars 2013 14:02

          Cette critique est en partie proche de la réalité mais elle a le défaut de faire du rap une seule et même industrie et une seule et même expression.

          Il y a le rap des rappeurs qui finissent, il est vrai, « flics » dans des séries télé.
          Il y a le rap des rappeurs pour lesquels l’argent et les nanas sont les seuls valeurs.
          Et puis il y a aussi un rap qui, en France, a... en partie, sauvé la langue française dans son expression artistique populaire du naufrage d’une chanson française aux textes d’une indigence abyssale.

          A ce sujet vous pouvez vous reporter à ceci : Le rap au secours d ela langue française : http://sergeuleski.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/09/17/le-rap-au-secours-de-la-langue-francaise.html

          Cela dit, on se rejoint sur un fait : le rap est bel et bien un symptôme. Et ça c’est nouveau ! Car, Claude François, Aznavour, Ferré, Barbara n’étaient pas des symptômes.




        • imprécateur 21 mars 2013 13:54

          Excellente réflexion !
          Permettez moi d’y apporter ma modeste contribution :
          -Employer ou se soumettre au fascisme langagier induit une propension à, soit une démarche fasciste, soit une soumission consentie à ce fascisme !
          -Ce phénomène n’est pas si nouveau, il est apparu avec le monothéisme, générant par exemple l’Inquisition ! Il faudra la Révolution française pour tempérer ses ardeurs.
          -Le vocabulaire n’est pas si anodin (nos mots expriment nos maux !), en voici un exemple :Il y a 30 ans dans l’entreprise, R.H. signifiait « relations humaines »(au sein de l’entreprise), aujourd’hui R.H. c’est « ressources humaines »(c’est-à-dire produits,marchandises) , le glissement est révélateur...
          -certains vocables suscitent ,ires, anathèmes ; voyez ce qui fut dit à l’endroit d’un vieux monsieur somme toute respectable qui avait eu l’outrecuidance d’évoquer « l’indignation » !
          -La dernière trouvaille du fascisme langagier(décidément l’expression me plait bien !) c’est :« populiste » tendance criminelle à croire que les individus auraient leur mot à dire sur leur propre destin !!! Mais où va t’on ?


          • Serge ULESKI Serge ULESKI 22 mars 2013 13:52

            C’est exactement ça.

            Cela dit, ne pas confondre le langage avec sa sanction car c’est la sanction qui est d’essence fasciste et non la langue dans le « fascisme langagier » ; la langue, elle, est de bois : populiste c’est la sanction contre quiconque s’opposerait à tout ce qui se voudrait dans les faits « anti-social » dans le mensonge d’une politique « réaliste ». 


          • L'enfoiré L’enfoiré 21 mars 2013 14:58

            Alors quand il y a abus de faiblesse, cela se corse. smiley


            • L'enfoiré L’enfoiré 21 mars 2013 17:50

              « C’est ainsi qu’on arrive au bobo, gaucho, islamo, écolo, etc, etc. »’

              Pas oublier « cogno » tout de même smiley

            • Dwaabala Dwaabala 21 mars 2013 16:41

              Réflexion beaucoup plus pertinente que celle de l’Autre (R. Barthes), qui ne faisait pas dans la dentelle en lançant : la langue est fasciste.
              Est-il possible d’ajouter à la liste : populiste  ?


              • Serge ULESKI Serge ULESKI 22 mars 2013 13:47

                Merci de me rappeler cet oubli.

                J’ai rajouté « populiste »


              • Lisa SION 2 Lisa SION 2 21 mars 2013 16:49

                «  sous le règne de cette dictature-là, dire la vérité c’est mentir. » dans ce monde matériel exclusivement militaire, chapeauté par la grande muette, il n’est pas étonnant d’être aussi raide. A propos de raid, avez vous vu les images des soldats français au Mali ? Ils succombent dans le four africain et abdiquent...les images ne trompent pas, la vérité se voit et parle sans un mot.
                 


                • jacques lemiere 21 mars 2013 18:13

                  le fascisme langagier ne commence par par definir un fascisme langagier justement. ?? zut...


                  • ddacoudre ddacoudre 21 mars 2013 19:36

                    bonjour uleski

                    Pas grand chose à rajouter si ce n’est un lienTélévision : de l’info sans infos
                    ddacoudre.over-blog.com cordialement.


                    • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 mars 2013 07:48


                      Merci Serge Uleski pour cet article de grande utilité pour la démocratie.

                       

                      Je crois que la dictature du « fascisme langagier » est beaucoup plus ancienne que ce que vous dites mais, ce qui est pour moi certain, c’est que le pire qu’il a produit depuis très longtemps est dans la malhonnête utilisation, par les « journalistes » installés devant les micros et les caméras des « grands » médias, ceux du « service public » compris, c’est celle du mot « islamophobie », laquelle est systématiquement confondue par eux avec le racisme et la xénophobie. Voir ici :

                       

                      http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/lettre-ouverte-a-l-ambassadeur-des-82314 


                      • lloreen 22 mars 2013 09:05

                        A l’auteur.
                        Excellente analyse.Je vous livre un bel exemple de ce fascisme langagier qui consiste à présenter les criminels comme sauveurs de l’humanité : en l’ espèce, le « génial » Bill Gates...

                        http://www.alterinfo.net/Bill-Gates-finance-un-programme-d-ensemencement-des-nuages-avec-des-particules-toxiques_a88144.html


                        • Inquiet 22 mars 2013 09:18

                          Merci pour cet excellent article.


                          A sa lecture, j’en viens à comprendre davantage la difficulté qu’il y ait à convaincre son auditoire par rapport à la connivence médiatico-politico-financière (théorie du complot ?).

                          Le complot existe effectivement, mais la grande majorité du temps il n’y a pas lieu à faire de grande assemblée entre puissants et connivents, mais de se référer à ce « fascisme langagier » puisque d’une certaine façon « tout est déjà dit ».
                          Ce complot est implicite, on ne se réunit éventuellement que pour les grandes occasions.


                          • Folacha Folacha 24 mars 2013 10:47

                            Saviez -vous que maintenant il ne faut plus dire « personne handicapée » mais « personne en situation de handicap » ?

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