Le mérite et l’égalité expliqués aux présidents et aux Libéraux (I) – L’héritage et l’environnement
Lors d’un discours aux étudiants de l’université de Columbia, notre Président a une fois de plus fait l’apologie du mérite et livré une bien curieuse conception de l’égalité. « L’égalité n’est pas l’uniformité ; l’égalité c’est à chacun selon son mérite. Ce que j’aime dans le modèle américain, c’est justement la récompense du travail, du mérite, de l’effort, de l’initiative, de l’audace » a-t-il déclaré sans ambages. Outre l’insulte envers les milliards de « loosers » - américains ou non -, qui n’ont pas fait l’expérience de la récompense malgré d’indéniables qualités, ces propos sont tout simplement mensongers. C’est ce que je vais démontrer à travers trois billets. Le premier abordera le problème de l’héritage et de l’environnement comme facteurs consacrant des inégalités de fait en l’absence de tout mérite personnel. Le second traitera de l’école comme observatrice ou accélératrice des inégalités. Le dernier nous conduira dans le monde du travail, de l’entreprise, après avoir décrit les mécanismes de la prise de décision.
L’héritage
Nous naissons avec un patrimoine génétique qui affecte notre système immunitaire, influe sur notre plastique et est responsable pour moitié de notre intelligence, indépendamment de nos initiatives et responsabilités personnelles. La qualité de ce système immunitaire nous protège ou nous expose à certaines pathologies qui auront une incidence sur tous les paramètres de notre vie. Et même en l’absence de pathologie, nous sommes si différents qu’il n’est pas question de parler d’égalité ou d’uniformité. Par exemple, le besoin en sommeil varie de 5h à 11h selon l’individu, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences. Quant à la plastique, inutile de dire que les hôtesses d’accueil du Bourget ne sont pas choisies parmi les femmes les plus laides, conditionnant les autres à se terrer, pardonnez l’emploi à peine abusif de ce dernier verbe. Mieux vaut naître beau, intelligent et en bonne santé, que laid, bête et malade, cela va de soi ; je n’y vois pourtant nul mérite dans l’acte de naissance.
Outre l’héritage génétique, nous bénéficions également d’un héritage social qui, lui aussi, joue un rôle capital sur notre devenir. Héritage de la fortune familiale, mais aussi des relations et de l’éducation. L’étude de la nuptialité montre de surcroît une forte propension à l’endogamie sociale : on se marie entre gens de la même classe. Le mariage n’est donc pas un moyen de s’élever.
L’environnement
Si l’héritage social ou génétique exerce une influence majeure sur notre futur, il en va de même pour l’environnement.
Ainsi le professeur Stephen Suomi a-t-il mis en évidence la capacité du matériel génétique à se reprogrammer en fonction de l’environnement ; tel est également le cas pour notre cerveau comme le rappelle la neuroplasticité.
On comprendra alors aisément qu’être élevé dans un milieu et dans des conditions peu propices augurent mal un avenir radieux. Des études sur de vrais jumeaux élevés dans des familles différentes ont prouvé l’influence du milieu sur le développement de l’intelligence et des facultés cognitives.
Hygiène de vie, qualité du sommeil, de l’alimentation et des relations sociales, enfin nourriture intellectuelle participent au bon développement du cerveau.
On sait par exemple que la malbouffe frappe davantage les classes populaires et moyennes que les classes aisées. Or, le sucre raffiné que l’on retrouve en abondance dans les plats préparés et les sodas sont néfastes pour le cerveau, d’après de nombreuses études indépendantes, que nie encore l’OMS. En revanche, des recherches menées sur plus de 25 ans (par Pollitt, Gorman, Watkins et Husaini) ont conclu que l’enrichissement nutritif entraînait d’importantes conséquences sur le développement cognitif. De même, la production de dopamine, synthétisée à partir des protéines est nécessaire à la mémoire de travail comme à la cognition.
Le nourrisson puis l’enfant ont besoin de sérénité. Le bruit, les conflits et l’angoisse des parents influent sur leur développement psychomoteur, leurs performances cognitives, leur comportement et leurs résultats scolaires. Un enfant a besoin de sécurité affective et matérielle. Contrairement à une idée reçue, c’est la sécurité qui incite les enfants à prendre confiance en eux, à gagner en autonomie, à développer différentes compétences.
On sait aussi que l’écran (télévision, ordinateur, console) est extrêmement néfaste pour les plus jeunes, car, entre autres choses, le lobe occipital n’a pas fini de se développer. L’écran habitue par exemple aux images en 2 dimensions. Le professeur Ramachandran, spécialiste de la vision à l’université de San Diego est formel. Un slogan à retenir : « pas d’écran avant cinq ans ! »
Je pourrais continuer à énoncer maintes études scientifiques sur l’influence de l’environnement dans le développement de l’enfant et de l’adolescent. L’essentiel est de comprendre que l’enfant hérite de son environnement sans l’avoir demandé. Que cet héritage conditionne grandement sa vie indépendamment de qualités personnelles comme l’audace, le mérite, l’initiative ou encore l’effort ; qualités qui sont d’ailleurs en partie le fait d’un mécanisme biochimique, par exemple l’influence de la sérotonine. La responsabilité personnelle n’est pas si engagée que cela.
On s’attendrait alors à ce que l’école, produit social, réduise les inégalités naturelles. Il n’en est rien, c’est ce que nous allons voir dans le second article.
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