Le mystère du jour disparu...
Pour changer du microscopique coronavirus, star incontestée des médias depuis 9 mois, cet article va aborder un phénomène beaucoup plus distrayant que très peu de gens ont vécu : la disparition pure et simple d'un jour de la semaine, tout en leur faisant respirer l'air des tropiques.
Même si cela s'explique facilement avec quelques schémas, l'expérience est toujours perturbante.
Vous prenez un avion le mardi soir tard. Après le décollage, le dîner est servi, puis vous regardez un film pour passer le temps (le vol dure 12 heures) pendant que l'avion traverse la nuit. Au petit matin, alors que le jour se pointe, vous arrivez à votre destination. Mais surprise : c'est le jeudi ! Le mercredi a donc disparu !
Cela se passait sur le trajet Tokyo-Tahiti et retour, au début des années 1970.
Avant d'aborder l'explication, voici quelques précisions :
– Tout le monde connaît l'expression « heure GMT, » qui n'est pratiquement plus utilisée par les professionnels ; mais le méridien de Greenwich sert toujours d'origine aux autres méridiens.
– En aéronautique, on entend parfois les expressions « heure TU » (temps universel) en France, voire très rarement UTC (temps universel coordonné), « Z » (Zoulou) ailleurs dans le monde. En pratique, les pilotes n'utilisent aucune de ces précisions puisque, sur toute la planète, ils parlent par défaut en heure TU. En revanche, il est fortement conseillé à tout voyageur de mettre son horloge en heure locale à l'arrivée.
Note : le site météo allmetsat est très utile car il donne des observations (metar) et prévisions (forecast) décodées pour chaque terrain de France (voir carte sur le site) et du monde entier, renouvelées jusqu'à 10 fois par jour, et transmises en HF et VHF (ou Acars) pour informer les pilotes avant qu’ils puissent écouter l’Atis (exemple) à proximité du terrain
Le signe UTC est employé dans les metar/taf décodés ; en revanche, dans la formulation codée destinée aux pilotes, qui apparaît en dessous, la lettre “Z” est toujours utilisée.
Explications sur les nombreux schémas utilisés :
– ils représentent tous la Terre vue « de dessus, » à la verticale du Pôle Nord ;
– pour plus de simplicité, c'est le Soleil qui tourne autour de la Terre ;
– Tahiti étant dans l'hémisphère Sud, n'est pas représenté ; son méridien (en bas à droite) servira de repère ;
– Tokyo est aussi représentée par son méridien (en bas à gauche) ; les deux villes sont matérialisées par une petite sphère rouge ;
– le méridien supérieur est le méridien 0°, celui de Greenwich ;
– dans son prolongement, vers le bas, se trouve la clé de notre mystère : la ligne de changement de date, qui, pour l'essentiel, est le méridien 180° ;
– le Soleil est représenté par une sphère jaune très proche de la Terre pour que l'on voit sa direction ;
– une sphère grise matérialise un soleil fictif, symétrique du vrai soleil, dont le "méridien" décrit le nouveau jour ;
– les quartiers teintés en rouge, et commençant au méridien 180°, indiquent que la zone se situe dans un nouveau jour J+1. Tant qu’il reste une zone bleue, elle indique le jour J.
À 12H 0 min 0 sec TU, toute la Terre est au même jour J (figure de gauche) ; mais 1 seconde plus tard, un nouveau jour J+1 commence à partir du méridien 180. La figure du centre représente la Terre à 13H TU, pour que le nouveau jour (le croissant en rouge) soit visible.
Celle de droite, prise 12 heures plus tard, donc à 1H00 TU du matin montre que Greenwich est passée en J+1 ; mais tout le reste de la Terre en bleu est toujours au jour J.
Cette zone rouge ne cessera d’augmenter pendant 24H jusqu’à 12H TU ; où toute la Terre sera passée en J+1.
Première étape : Tokyo-Tahiti
Sur ce trajet, départ de Tokyo le vendredi soir vers 20H locales (11H TU). Après la nuit sur le Pacifique et 12H de vol, atterrissage à Papeete le vendredi vers midi...i.
Cette étape est représentée par les 6 schémas ci-dessous.
Une vidéo en 3D donnera une vision plus réaliste.
Fig 1 : Lorsque l'avion quitte Tokyo à 11H TU (20H locales), il est vendredi sur presque toute la Terre ; seul un petit quartier (bleu) de 15° est encore au jeudi.
Fig 2 : le soleil ayant franchi le méridien 0°, toute la Terre est passée au vendredi (donc en bleu), et le samedi commence à faire son apparition en rouge entre le méridien 180 et le soleil fictif.
Fig 3 : sans le savoir, les passagers de notre avion volent le samedi (zone rouge)
Fig 4 : ils continuent le samedi, mais se rapprochent de la ligne de changement de date.
Fig 5 : en la franchissant, ils retournent dans la zone bleue du vendredi
Fig 6 : fin du vol, avec un atterrissage à Papeete le vendredi,vers 12H locales (22H TU).
Sur la vidéo, les lettres G, W, P et H désignent les terrains de secours Guam, Wake, Pago-Pago, et Hao qui était le terrain de dégagement (à 1H30 de Papeete !).
Devant l'impossibilité de trouver le code pour insérer une vidéo, je ne poste qu'une image de chaque animation.
Deuxième étape : Tahiti-Tokyo
Le retour Tahiti-Tokyo est un peu plus complexe puisque l'avion va se trouver successivement dans trois jours différents :
– Fig. 1 : il est 22H à Papeete, le mardi soir, donc 8H TU. Une grande partie de la Terre est en rouge car il est déjà mercredi presque partout, en dehors du quartier de 60° en bas à droite où se trouve notre avion au décollage ; le soleil fictif va mettre 4 heures pour arriver au méridien 180°, alors qu'il faudra environ 6 heures pour l'avion ;
– Fig. 2 : la zone du mardi, où se trouve encore l'avion, se rétrécit, et le jeudi va bientôt commencer à l'ouest du 180° ;
– Fig. 3 : le soleil fictif se "déplaçant" à près de 1700 km/H à l'Équateur (contre 900 pour l'avion), a “rattrapé” l'appareil qui vole désormais dans une zone où il est mercredi pour très peu de temps (environ 2 heures) ;
– Fig. 4 : le soleil fictif a dépassé la ligne de franchissement de date : le jeudi a donc commencé, à l’ouest de cette ligne, et l'avion ne va pas tarder à entrer dans cette zone ;
– Fig. 5 et 6 : l'avion termine son vol dans la zone rouge de ce nouveau jour, et atterrit à Tokyo aux alentours de 5H locales, le jeudi. Il aura volé 2 heures le mercredi.
Psychologiquement, l'expérience est toujours perturbante et peut s'avérer gênante : que dire à la jolie petite Japonaise à laquelle on avait donné rendez-vous ce mercredi pour qu'elle nous montre ses estampes ? Il est inutile de partir À la Recherche duTemps Perdu, et d'espérer LeTemps Retrouvé, mais il restera de nombreuses occasions pour s'amuser à L’ombre des Jeunes Japonaises en Fleurs.
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