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Le paradigme d’autorité et de confiance mutuelle dans la gestion et la protection des ressources naturelles

Qu’est-ce que c’est ?

Les ressources naturelles sont à ce jour menacées par une pluralité de paramètres sociaux, économiques et environnementaux qui questionnent sur l’attitude des populations locales, la pertinence des politiques publiques et les actions des ONG. L’équilibre entre « conservation » et « prise en compte progressive » de la situation par l’intermédiaire du développement durable et ses trois piliers apparait précaire. Pour cause, les moyens limités que possèdent les Etats des pays en développement pour assurer des politiques publiques environnementales cohérentes et soucieuses des dynamiques locales font face à une ambition de ces derniers de s’insérer dans le débat environnemental mondial. Cet équilibre fragile renvoie à deux modes de gouvernance s’appuyant sur deux paradigmes distincts : le paradigme d’autorité et le paradigme de confiance mutuelle. Le paradigme d’autorité se réfère au rôle des autorités publiques dans la gestion et l’évaluation des risques. Les réglementations sont élaborées de manière centralisée et cela pour chaque type de risque. La mise en place de ces réglementations trouve sa légitimité à travers l’analyse d’experts scientifiques. A l’inverse, le paradigme de confiance mutuelle met en avant des processus de décisions décentralisées où une multitude d’acteurs prennent part à la gestion des ressources et l’analyse des risques. Le savoir scientifique n’est pas le seul critère décisionnel. La confiance mutuelle prend son sens dans la multiplicité des parties prenantes (stakeholders). Ces dernières représentent une entité, une institution, un groupe de personne, une entreprise, qui ont un intérêt en jeu. Les médias, les bailleurs de fonds, les actionnaires ou encore les ONG sont des parties prenantes dans le domaine de l’environnement. Les décisions qui en découlent relèvent d’une autorité collective et reposent sur les bases d’une confiance sociale entre les parties prenantes. Néanmoins, les diverses autorités présentes dans ce paradigme amènent à une surreprésentation de certaines parties prenantes dans les initiatives de gestions des ressources naturelles. Dans certains pays en voie de développement (ex. Madagascar) les ONG joueraient un rôle capital dans la gestion des ressources naturelles. « Ces rôles démesurés des ONG tendent non seulement à éroder l’autorité de l’Etat, mais de plus ne donnent pas suffisamment de place aux communautés locales, à travers un « simulacre » de participation  » (Dahou et Weigel, 2004).

Une complémentarité certaine dans ces deux modes de gouvernance

D’un point de vue pratique, l’approche « autoritaire » est pertinente dans un contexte de décision simple dans la mesure où l’identification d’un risque (qui rappelons-le, représente la convergence entre un aléa et une vulnérabilité) et les solutions qui en découlent entrainent un bénéfice certain à la société dans sa globalité. En outre, l’approche de « confiance mutuelle » est utile dans des contextes spécifiques et caractérisés par une complexité marquée par la présence d’une multitude d’acteurs et d’enjeux avec des intérêts différents. Ces distinctions entre ces deux paradigmes permettent de les définir et de les appréhender, mais n’engagent pas une différenciation totale. Pour cause, ils s’entremêlent souvent dans la gouvernance environnementale et se succèdent mutuellement quand l’un des deux est dans l’impasse.

Ces types de gouvernance se retrouvent par exemple dans la gestion des Aires Marines Protégées (AMP). Ces dernières ont été généralisées par la Convention sur la diversité biologique et visent à protéger une partie ou la totalité de l’environnement qu’elle délimite. 3 types d’AMP peuvent être identifiés et définis.

  • L’AMP « réserve » qui est une réserve intégrale, une zone de conservation totalement protégée où les prélèvements sont interdits. Cette définition est utilisée par l’UICN.
  • L’AMP « multi-usage » est un espace utilisé par différents acteurs, mais qui a une vocation de conservation. Les usages sont présents sur la totalité ou partie de la zone conservée. De plus, une partie de leur surface est entièrement protégée.
  • Les « Restrictions Spatio-Temporelles » (RST) incluent les zones de pêche et la protection d’une ressource halieutique et l’optimisation de la pêche. 

 La mise en place de ces espaces protégés accumule 4 intérêts majeurs :

  • Un intérêt écologique évident qui oblige une protection et une restauration du patrimoine naturel.
  • Un intérêt touristique comprenant des composantes culturelles et pédagogiques.
  • Un intérêt halieutique dans la multiplication du nombre de poissons et de crustacées compte tenu de l’interdiction d’accès de ces zones. En conséquence, les populations locales ont du mal à pêcher selon leurs besoins.
  • Un intérêt critique dans la mesure où ces interdictions viennent enrailler les habitudes culturelles et économiques des populations locales. De plus, la pression sur les ressources n’est pas exclusivement due aux rendements qu’exercent les pêcheurs locaux sur les réserves de poisson (certaines compagnies de pêche frigorifique utilisent des techniques de pêche aux rendements destructeurs).

Aussi, ce type de protection renvoie à des approches environnementales, mais également historiques et culturelles. Les zones ainsi protégées recouvrent un ensemble de paramètres physiques, liés à des zones intertidales (relatives à l’estran), mais aussi métaphysiques (rapport à la nature).

Les Aires Marines Protégées doivent donc assumer plusieurs types de gouvernance qui se succèdent ou s’entremêlent selon les contextes et qui nécessitent des approches pluridisciplinaires afin d’appréhender tous les enjeux relatifs à cette zone sans uniquement se focaliser sur des problématiques environnementales.

Il en est de même pour d’autres espaces vulnérables qui doivent faire face à l’évolution de leurs paysages et des pratiques (humaines ou non) qui y sont associées. L’important est d’augmenter son niveau de pertinence en tenant compte de la multiplicité des facteurs et des enjeux tout en s’assurant de suivre un objectif commun, souvent corrélé aux populations locales. En effet, le principe de subsidiarité doit être mis en avant : les décisions doivent être prises par le plus petit niveau d’autorité compétente pour résoudre un problème. Une fois de plus, la géographie, par son rapport à l’espace, est un des outils les plus pertinents pour tenter d’appréhender ces problématiques.

Pierre Benjamin GIRARD, géographe consultant, géoGIR (www.geogir.fr)


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3 réactions à cet article    


  • baldis30 20 janvier 2017 21:20

    « (qui rappelons-le, représente la convergence entre un aléa et une vulnérabilité) »

    eh bien c’est faux et archifaux ce n’est pas une des définitions du risque ..

    La définition du risque selon l’Unesco est

    « le risque est le croisement ( ET NON PAS LA CONVERGENCE) entre l’aléa et la vulnérabilité (donc deux articles définis et non pas indéfinis) »

    Il y a trois autres définitions antérieures dont plusieurs articles ont montré les recouvrements selon le type de distribution auquel on se rattache : Poisson, Bernoulli ou Gauss. La définition de l’Unesco elle se rattache à la logique floue et au langage des possibilités.

    On ne modifie pas les définitions pour les faire coller a postériori à des propositions !

     Je n’ignore pas qu’une certaine école de pensée , celle des psychologues de l’environnement ( mais si mais si cela existe ...) se débarrasserait volontiers de cet ensemble et des distributions sous-jacentes mais jusqu’à présent, hors des discours et des bureaux je ne les ai jamais vus sur le terrain


    • GIRARD Pierre Benjamin GIRARD Pierre Benjamin 20 janvier 2017 23:52

      @baldis30

      Je vous remercie pour votre précision.

      Cependant, il me semble que vous n’ayez pas bien saisi le sens de cet article qui explique qu’une solution, voire une définition, ne peut s’appliquer à toutes les situations…Et c’est bien là tout le problème, ne soyons pas manichéen (vous parlez en effet de vrai et de faux voire même d’archifaux).

      En effet, je suis géographe et la définition d’un risque se trouve également dans la perception qu’en a une société sur un espace donné (je vous recommande de lire certaines définitions présentes sur géoconfluences ou hypergéo notamment). Aussi, et dans le cas de mon article qui traite des pays en voie de développement (je cite Madagascar, un terrain que je connais particulièrement) et les AMP, il est possible de parler de convergence. Dans d’autres situations il est utile d’employer le terme de confrontation (Institut français des formateurs : Risques Majeurs et protection de l’environnement : http://www.iffo-rme.fr/le-risque-majeur ou encore sur l’UVED) voire effectivement de croisement (UNESCO). Dans certains cas une formule peut même être employée : risque = aléa x vulnérabilité.

      Enfin, il serait peut-être pertinent de se tourner vers le PNUE (programme des Nations Unies pour l’environnement) plutôt que vers l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) pour parler d’environnement bien que l’UNESCO propose une définition du risque, mais dans des contextes différents.

      Encore une fois, les transferts de modèle, les raisonnements brouillons et les définitions à source unique peuvent altérer l’espace, les milieux, les populations locales et parfois même la pertinence de certains commentaires.

      Je vous remercie cependant d’avoir soulevé le débat.

       Pierre Benjamin GIRARD


    • baldis30 21 janvier 2017 11:53

      La pseudo-psychologie des risques quand en plus il ne s’agit pas de psychosociologie de la même matière NON MERCI ! j’en ai trop vu et j’en vois encore pour savoir qu’entre angélisme e(t catastrophisme on conduit tout droit à des dérapages incontrôlés ... parce que le problème est là !

      En toutes matières .... y compris pour les plus récentes : le risque en communication avec toutes les informations sur un conflit récent au Moyen-Orient ...

      il en va de même pour trop de domaines et ceci est la perte de crédibilité du public dans les méthodes d’approche... qui résultent de la définition de l’Unesco, mais aussi sur celles de l’Encyclopédie de Diderot ou des juristes en écartant complètement celle CATASTROPHIQUE ( au plein sens du terme) des assurances qui relève d’une distribution gaussienne.

      Même la définition de l’Unesco n’est pas suffisante, il est nécessaire de la compléter par les deux autres dans toute approche .... qu’il s’agisse de risques naturel, industriel ou social ....

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