Le Pen, Mélenchon, Fillon ; entre ressentiments, punitions et passions tristes

Cette campagne présidentielle 2017 me plonge dans l’ennui et même l’aversion. C’est la première fois que je prends une distance critique avec les politiciens autant qu’avec les citoyens. Plus précisément ceux qu’on appelle militants politiques et que pour ma part je considère comme des partisans, des fidèles, voire des adeptes. Quelques-uns sont ouverts à la discussion mais la plupart sont incapables de répliquer à la moindre critique et se contentent de répéter des préjugés et autres clichés. Ce constat n’a rien d’un détail et explique pour une partie pourquoi les élites politiques semblent coupées des citoyens. Quand on est entouré d’adeptes, on n’est pas incité à se remettre en cause et on se sent confirmé dans ses convictions partisanes. Les sectarismes des discours politiciens sont souvent repris par les adeptes militants. Et parfois dans les articles des médias citoyens. Jamais lu autant de pages moyennes ou médiocres que cette année 2017.
Je m’autorise à exagérer les traits. L’un des styles politiques du 21ème siècle, c’est le ressentiment, la colère, le désir de punir et se venger. C’est ce qui caractérise pour partie ce que les intellectuels nomment populisme. Cette notion étant un piège parce que le populisme ne définit pas le contenu du discours mais juste un thème central présent dans les discours démagogiques des candidats se réclamant du peuple. On dirait presque qu’ils se considèrent comme les seuls représentants du peuple et les incarnations de la volonté populaire, bref, des saints rousseauistes s’il en est. Il y a sainte Marine de l’amer, la mère du peuple laminé par la mondialisation. Il y a saint Jean l’insoumis, fils spirituel de Robespierre, de la Commune et de Trotski qui récemment s’est fait baptiser dans les eaux de la transition énergétique et le long fleuve du réchauffement climatique.
Les positions du FN et de France insoumise versent dans une forme de manichéisme avec un camp du mal et un camp du bien. Le mal, c’est la finance, c’est l’Europe. Le populisme joue sur les ressentiments et les penchants presque punitifs exprimés par la colère du peuple. Ces passions ne mènent guère loin comme l’a très bien vu Nietzsche qui aurait pu inclure ces deux formations politiques comme objets d’étude dans une nouvelle généalogie de la morale.
Les passions tristes et revanchardes, on les trouve dans le camp radicalisé de Fillon. Une certaine droite bourgeoise veut sa revanche sur les lois votées par la gauche, les 35 heures, les aides sociales, le mariage pour tous. La critique est de raison, le ressentiment est de passion. L’optimisme aussi est de passion. La vengeance est un ressentiment contre le passé, l’optimisme est une passion pour l’avenir. Placer les élus sous le spectre de la révocation n’amène rien et n’a aucune valeur en terme d’Etat de droit. C’est offrir en pâture les élus aux caprices vindicatifs de citoyens ressemblant à des gamins se révoltant contre le père Noël qui pendant son mandat n’a pas apporté les promesses dans sa hotte. Bien plus grave est la vengeance de Marine contre l’euro et l’Europe. Mon opinion est que les électeurs du FN et de la FI sont respectables dans le choix qu’ils font pour exprimer une colère et une défiance à l’égard des partis qui n’ont pas été à la hauteur des défis contemporains. Ces gens en colère sont les enfants de Hegel et participent à une ruse de la raison. Par contre, ceux qui pensent que sortir de l’euro, révoquer les élus ou établir une constituante représente une solution sont des crétins. Méfions-nous des populismes. Les crétins au pouvoir, ça donne des résultats assez piteux.
Le populisme n’est pas tourné vers l’avenir lorsqu’il persuade les citoyens d’être des victimes. Le populisme est aussi machiavélien lorsqu’il fait croire aux citoyens que leurs problèmes seront solutionnés. Le génie du populisme, c’est ce faire croire au peuple qu’il peut avoir la place du prince. Sur ce point, le FN est le parti par excellence des victimes. La FI est plus nuancée sur ce point. Bien que pour Mélenchon, les vieux soient par exemple pris pour victimes. L’espérance de vie a diminué et vous savez quoi, c’est la faute au recul de l’âge de la retraite. Chez Fillon, la passion se fait triste avec son côté martyr des médias et des juges. Fillon humilié, Fillon martyrisé, Fillon accusé, Fillon contesté, mais Fillon résisté, libéré, qui a 63 ans, n’a pas l’âge d’être un putschiste. Quel art du recyclage gaullien ! Un mot sur Hamon avec aussi des passions tristes. Que j’ai croisées l’autre dimanche sur le marché en discutant avec des militants du PS.
J’aimerais écrire des pensées plus profondes sur cette campagne politique. J’en ai la possibilité mais je n’en vois pas l’intérêt. Je suis tout ça d’assez près mais avec de la distance. La vie politique de la France m’ennuie et la lucidité m’indique qu’il n’y a aucune solution dans tous ces programmes qui additionnés ne valent même pas un quart de projet pour la France. Le pays est laminé par les prédateurs et autres cadres bien placés pour capter les richesses alors que le peuple est divisé en communautés, tribus, tout en étant agité par les ressentiments. Un seul cri émerge de tout ce cloaque de campagne présidentielle : de l’argent, du pognon ! Ceux qui crient le plus fort ne sont pas forcément les plus démunis. Je préfère laisser tomber, je vais finir par devenir célinien.
Pourtant, j’aimerais bien contribuer à l’avenir mais sans tomber dans les querelles partisanes ni défendre des intérêts catégoriels, communautaires ou professionnels. Mais l’avenir est inquiétant, avec plusieurs facteurs favorisant un effritement de la société. Disparités de revenus, migrations, colères, communautarismes, frénésie technologique, bureaucratique, écologiste, financière. Bref, une situation de guerre civile moléculaire sur fond de mauvaise gouvernance. Il faudra s’habituer aux accidents de la société comme on s’est accommodé des accidents de la route. Si les tensions civiles s’accentuent, il faudra composer avec un système policier autoritaire. Je ne dis pas que c’est bien ou c’est mal. C’est juste la conséquence des défections citoyennes et politiques en masse.
Cela dit, il n’y a pas de raison d’être plus pessimiste que de raison. Dans nos entourages, on trouvera des tas de gens de confiance, des gars et des girls bien comme il faut. Les médias renvoient une image brouillée et assombrie de la société. Et diffusent une culture de merde.
Mon dernier mot sera d’imaginer la constitution d’une sorte de nouvelle maçonnerie, libre, vouée à l’invention, la gnose. Bref, des frères de la sagesse et les apôtres d’une divine humanité qui possède l’instinct de la liberté et la conscience de la responsabilité. Une confrérie amicale sans ordre politique ni religieux. Et un goût profond pour les grandes œuvres, en science, en philosophie, en art. Nous sommes les fils de Platon, des Pink Floyd et de la Physique quantique. En marche… vers le gai savoir et la profonde éternité !
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