Le peuple peut-il prendre le pouvoir ?
Le peuple peut se définir comme représentant ceux qui subissent leur sort sans qu’ils puissent décider de leur destin de quelque façon que ce soit. Dans ces conditions, comment pourrait-il prendre le pouvoir ? Dans une lutte, c’est d’évidence le plus puissant qui gagne. Le peuple peut-il se mettre dans la situation d’être le plus fort indépendamment d’improbables révolutions ?

Le peuple peut-il avoir raison des professionnels de la politique et des magnats formés pour acquérir le pouvoir et le façonner à leur image pour le garder ?
Le premier point à souligner, c’est que le plus fort n’est pas forcément, et c’est même extrêmement rare, le plus apte pour concourir au bien commun. La hargne, la ténacité, la rage de vaincre sont les qualités requises pour terrasser un adversaire, pas pour conduire un peuple. Les exemples dans l’histoire sont si nombreux qu’il est inutile d’en faire la liste, on ne retient que les exceptions.
Être fort seul n’a aucun intérêt pour régner sur une multitude, il faut donc s’entourer de militants, de supporters, d’aficionados qui conforteront la ‘cheffitude’ du principal intéressé. Le charisme est souvent invoqué pour expliquer l’emprise du chef sur ses sujets. Il s’y mêle forcément l’intérêt et l’opportunisme, car tous les assujettis n’ont pas profondément ancrés en eux les idéaux professés par leur mentor. Lorsqu’une masse critique est atteinte, le clan peut faire régner ‘son’ ordre. La seule façon d’échapper à l’ordre ainsi imposé est de faire une révolution, presque toujours sanglante.
Les Anglais, souvent précurseurs en toutes choses, ont montré la voie pour mettre un terme à un régime monarchique. La Grande Rébellion, qui se déroule de 1642 à 1651, conduisit à l'exécution du roi Charles Ier le et à l’abolition de la monarchie puis à l’instauration d’une ‘République’. La révolution française suivit 150 ans plus tard le même chemin. Il faut forcément violenter les puissants si l’on veut qu’ils abandonnent leur puissance… quoique…
Les processus électoraux devraient normalement éviter les débordements pour conduire une société dans une direction uniquement conforme aux intérêts de ceux qui la dirigent même s’ils habillent leur habileté sous des manteaux idéologiques, philosophiques voire philanthropiques. Leur professionnalisme dans la rouerie est tel qu’un microcosme peut se perpétrer en toute quiétude indépendamment des évènements fâcheux qu’il a lui même engendrés. Ce petit monde a pris soin d’ancrer dans le sentiment général une vive répulsion pour tout changement qui ébranlerait leur édifice.
Si on s’essaie aux processus révolutionnaires, on héritera d’un dictateur. Si on essaie les processus électoraux, on est condamné à la marginalité. La résignation est-elle de mise pour la multitude ?
La société Coca-Cola est une entreprise américaine surtout connue pour une boisson devenue un symbole de l’Amérique. En 2012, elle est la 3e entreprise agroalimentaire du monde, en termes de chiffre d'affaires (48 milliards de dollars). Le résultat net la même année est de 9 milliards de dollars. Le groupe utilise des paradis fiscaux, notamment aux îles Caïmans, pour dissimuler ses profits. Il s’agirait d’une somme de plus de 30 milliards de dollars. La société a fait l’objet d'un redressement fiscal de 3,3 milliards de dollars pour ce qui concerne les années 2007 à 2009. Mais la qualité d’âme de cette entreprise n’a pas à être tenue en compte dans le raisonnement. La compagnie Coca-Cola est inscrite comme ‘représentant d'intérêts’ auprès de l'Assemblée nationale Française. Elle a précisé que les coûts annuels liés aux activités de représentation d'intérêts auprès du Parlement s'élèvent à 65 000 euros. Les deux principaux actionnaires sont ‘Berkshire Hathaway’, une société d’investissement dirigée par Warren Buffet cotée à la bourse de New York et une autre société d’investissement du même type, ‘The Vanguard Group’.
Coca Cola est un des sponsors de l’Euro 2020, il a investi plus de 30 millions d’euros dans cette compétition de football. Durant celui-ci, Cristiano Ronaldo donne une conférence de presse. Devant lui sont ostensiblement disposées deux bouteilles de Coca Cola, il écarte celles-ci et indique sa préférence pour une bouteille d’eau. Immédiatement les actions de Coca Cola ont plongé à la bourse de New York jusqu’à perdre 4 milliards de dollars de leur valeur. L’Union européenne des associations de football (UEFA), l'instance dirigeante du football en Europe, a affirmé que Ronaldo ne serait (toutefois) pas sanctionné.
Il faut être bien conscient que les jeux boursiers sont des châteaux de cartes prêts à s’écrouler à chaque instant car ils reposent sur de l’émotion, sur rien de concret. Ils s’effondrent d’ailleurs quelquefois : on nomme ceci une crise tout en la déplorant et en émettant des projets de régulation.
Et alors ?
Par prudence, il faut faire mention du fait que ce qui suit ne concerne aucune marque en particulier, ni aucune société, et qu’il s’agit d’une spéculation purement intellectuelle. Chacun est conscient que des bataillons d’avocats sont prêts à bondir si vous égratignez la fortune de leurs clients.
Imaginons que les consommateurs veuillent utiliser la seule arme dont ils disposent : ne pas consommer. S’ils se dispersent en recommandant de ne pas acheter des produits non conformes à une certaine éthique ou à une philosophie, les conflits feront qu’il ne se passera rien de concret. Vouloir faire de l’éducation populaire par ce biais est louable mais désespéré. Le peuple ne peut gagner qu’en se battant contre plus faible que lui, l’objet considéré doit être simple et parfaitement circonscrit. À aucun moment il ne faut évoquer une quelconque nocivité, dénigrer sa saveur, sa qualité diététique. Pour bien faire, il serait judicieux de choisir la cible par tirage au sort parmi une multitude d’autres pour montrer que c’est un rapport de forces que l’on souhaite établir. Une fois l’ordre lancé, on décide de ne plus jamais acheter le produit ciblé.
La consigne de boycott ne doit évidemment pas être donnée par un individu isolé ou un groupe restreint qui se verraient instantanément accuser des pires maux de la terre et trainer devant les tribunaux. Il faut encore qu’une revendication extrêmement claire, et une seule, soit mise en avant : libérer Edward Snowden, établir des droits sociaux identiques dans l’Union Européenne, mettre fin à l’extraterritorialité du droit américain, développer industrie solaire ‘autochtone’ au Maghreb... Il faut impérativement qu’une seule revendication concerne une seule cible sans qu’il existe un lien quelconque entre l’une et l’autre.
Bien entendu, il faut obtenir une certaine discipline des uns et des autres pour mener à bien ce combat. Les efforts consentis sont toutefois minimes par rapport aux résultats escomptés.
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