Le pouvoir d’achat en Angleterre
Le discours facile ambiant est de promouvoir une expérience professionnelle en Angleterre qui vise en premier lieu la jeunesse, mais aussi une frange de demandeurs d’emploi mobiles.
Sous prétexte que les jeunes sortant des écoles ou des universités doivent se frotter à un monde anglo-saxon, quelques mois passés en Angleterre ne peuvent leur faire que le plus grand bien dans cette ère de mondialisation.
Les mérites d’un stage en entreprise outre-Manche après des études dans une université française ou anglaise (programme de l’Union européenne) ou d’un travail temporaire pendant les vacances scolaires ne sont plus à vanter.
Si dans le processus, ces personnes arrivent à décrocher un emploi sur place, c’est encore mieux dans une France où le chômage est endémique.
Cette vision simpliste peut en effet être extrêmement salutaire pour les Français qui tentent cette expérience car ils reviendront sans nul doute en France avec une nouvelle détermination : démystifier ce discours. Ils auront été exposés aux valeurs sociales et à l’échelle des salaires en Angleterre. Très peu d’entre eux iront jusqu’à défendre la valeur du Smic anglais.
En France, combien d’études laissent entendre que le Smic anglais est supérieur au Smic français.
Faudrait-il encore le comparer en terme de pouvoir d’achat (ce fameux pouvoir d’achat) et cet examen risquerait de changer du tout au tout cet argument. La comparaison est si facile si on ne tient compte que des chiffres. Le salaire net versé à la fin du mois est certainement supérieur en Angleterre qu’en France. La comparaison s’arrête là.
L’examen de facteurs-clés de la qualité de vie et celle des services mettrait en évidence la différence criante entre les deux pays.
Le système de santé
Tous les salariés ont droit à la sécurité sociale anglaise, le NHS. Il garantit le minimum en cas de maladie et d’hospitalisation. Tout le reste est payant. Les salariés plus chanceux peuvent bénéficier d’un système de santé privé. C’est un des enjeux entre le travail temporaire, le contrat (CDD) et l’emploi stable (CDI).
Les prestations sociales
Les allocations chômage n’existent pas, en tout cas pas au sens tel qu’en France on le comprend. Il s’agit d’un revenu minimum versé à tout demandeur d’emploi inscrit au chômage : "Job seeker Allowance" d’un montant de £46,85 par semaine, qui est la même somme pour tout le monde. Cette allocation est soumise à une enquête de ressources. Le "Jobcentre" (Assedic/ANPE) vérifie que le chômeur n’est pas trop riche pour la toucher. De même pour les allocations logement ou autres aides sociales.
Les transports publics
Le prix des transports n’est pas à la hauteur du service rendu. Les Anglais sont à l’abri des grèves, mais la contrepartie est de taille : des trains et des bus qui ne sont jamais à l’heure. Au moindre changement climatique, un peu de pluie, trop de chaleur, du brouillard et du vent, il faut s’attendre à des retards et des annulations. Sans compter les travaux sur certaines lignes qui occasionnent de sérieux problèmes de régularité de trafic. En fait, les transports roulent mal, ne sont pas pratiques et coûtent cher.
Le logement
Les loyers sont exorbitants. La flexibilité dans les contrats de (co)location n’est pas un écueil au déménagement rapide et à la mobilité géographique - caution d’un mois de loyer d’avance sans requête de preuve de ressources (bulletin de salaires) par le propriétaire - mais cet avantage ne va pas de pair avec un loyer modéré. Les frais de chauffage, l’eau, l’électricité, le gaz et les taxes d’habitation (council tax) font que le logement est un gouffre financier. La cohabitation peut être une option moins onéreuse et plus raisonnable au départ si la vie à plusieurs ne rebute pas. L’expérience peut être sympathique si les colocataires se révèlent aimables. Cependant les conditions de logement laissent souvent à désirer, comme le chauffage en hiver, l’eau chaude, la propreté des installations et l’isolement phonique et thermique. La spéculation et la bulle de l’immobilier ont provoqué une hausse considérable des prix d’achat. Donc les banques proposent des prêts plus chers et les propriétaires répercutent leur hausse sur les loyers. Ces derniers ne se préoccupent pas trop du bien-être de leurs locataires. Ils préfèrent les profits immédiats.
Que dire de plus !
Comment expliquer ce paradoxe : pourquoi tant d’étrangers et en particulier des ressortissants anglais viennent-ils s’installer chez nous. Tous ne fuient pas la vie chère en Angleterre. La plupart nous envie notre cadre de vie, nos services, notre culture et, en particulier, admire notre vision du monde, cette résistance bien gauloise, cette façon d’aborder les débats de sociétés avec nos critiques politiques et nos intellectuels et ce malgré nos syndicats ringards, nos grèves, nos conflits sociaux. Cette particularité ou exception franco-française ne déplaît pas tant que cela ; elle peut aussi inspirer.
Le pouvoir d’achat ne se résume pas à un chiffre de revenu disponible après taxes, mais doit se comprendre en termes de salaire réel et celui-ci tient compte des services et des prestations sociales.
A ce titre l’Angleterre est en retard sur la France.
Tout comme l’indice général des prix n’est pas le seul facteur du pouvoir d’achat, ce slogan, travailler plus pour gagner plus, n’est pas la panacée universelle. Le pouvoir d’achat ne peut être réduit à des heures supplémentaires payées en plus en fin de mois.
C’est bien plus que cela.
Beaucoup d’économistes soutiendraient que les politiques sociales sont un atout pour un pays et aussi une source de richesse.
Le pouvoir d’achat passerait par le maintien d’avantages sociaux plus justes avec des réformes, certes, pour renforcer l’égalité et dénoncer les niches.
La réalité est bien plus complexe encore une fois et les Français le savent et ne sont pas dupes.
Il semblerait que le milieu politique au pouvoir tient à faire son devoir d’éducation auprès des Français pour que ces derniers soient conduits à croire que la vie est plus rose ailleurs.
Les Français pourraient donner une leçon de pédagogie en combattant ce discours immature.
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