Réflexions de Fidel Castro
mercredi 16 décembre 2009
(15h52)
Je vous livre ici la dernière réfléxiions de notre compagnon Fidel
Message au président de la République Bolivarienne du Venezuela
Écrit par Redacción AHORA / [email protected] / Mardi, 15 Décembre 2009 13:42
Cher Hugo :
Ce jour-ci marque le quinzième anniversaire de notre rencontre au Grand
Amphi de l’Université de La Havane, le 14 décembre 1994. La veille, je
t’avais attendu au pied de l’avion qui t’avait amené à Cuba.
J’avais suivi ton soulèvement armé contre le
gouvernement vénézuélien vendu aux Yankees. Des nouvelles au sujet de
tes idées nous étaient parvenues à Cuba alors que tu étais en prison et
que, comme nous, tu t’attachais à enrichir la pensée révolutionnaire
qui t’avait conduit à lancer le soulèvement du 4 février 1992.
Dans le Grand Amphi, tu avais, d’une manière spontanée
et transparente, avancé les idées bolivariennes que tu portais en toi
et qui t’avaient conduit, dans les conditions spécifiques de ton pays
et de notre époque, à te battre pour l’indépendance du Venezuela contre
la tyrannie de l’Empire. Malgré les efforts de Bolívar et des autres
colosses qui, remplis de rêves, avaient lutté contre le joug colonial
espagnol, l’indépendance du Venezuela n’était guère que des dehors
ridicules.
Aucune minute de l’Histoire n’est égale à l’autre ;
aucune idée ni aucun événement humain ne peut être jugé hors de son
époque. Toi et moi, nous sommes partis de concepts qui ont évolué au
fil des millénaires, mais qui sont très en rapport avec l’histoire
lointaine ou récente où la division de la société en maîtres et
esclaves, en exploiteurs et exploités, en oppresseurs et opprimés, fut
toujours antipathique et odieuse. Et elle constitue de nos jours la
pire honte et la principale cause de malheurs et de souffrances des
êtres humains.
Alors que la productivité du travail, aiguillonnée
aujourd’hui par la technologie et la science, s’est multipliée des
dizaines de fois et dans certains domaines des centaines, voire des
milliers de fois, des clivages si injustes auraient dû disparaître.
Toi et moi, et avec nous des millions de Vénézuéliens et de Cubains, partageons ces idées.
Tu es parti des principes chrétiens qu’on t’a inculqués
et d’un caractère rebelle ; moi, des idées de Marx et d’un caractère
tout aussi rebelle.
Il est des principes moraux universellement admis qui sont valides pour un chrétien autant que pour un marxiste.
À partir de là, les idées révolutionnaires ne cessent de s’enrichir de par l’étude et l’expérience.
Il faut dire que notre amitié sincère et
révolutionnaire est née alors que tu n’étais pas encore président du
Venezuela. Je ne t’ai jamais rien demandé. Quand le mouvement
bolivarien a remporté les élections de 1999, le pétrole valait moins de
dix dollars le baril. Je m’en souviens bien parce que tu m’as invité à
la passation de pouvoir.
Ton appui à Cuba a été spontané, tout comme l’a été notre coopération avec le peuple vénézuélien frère.
En pleine Période spéciale, quand l’URSS s’est
effondrée, l’Empire a durci son brutal blocus contre notre peuple. À un
moment donné, les cours du combustible sont partis à la hausse, et nos
approvisionnements sont devenus difficiles. Tu as garanti que notre
pays reçoive des livraisons commerciales sûres et stables.
On ne saurait oublier qu’après le coup d’État politique
contre la Révolution bolivarienne en avril 2002 et ta brillante
victoire sur le putsch pétrolier à la fin de cette même année, quand
les cours ont dépassé soixante dollars le baril, tu nous as offert de
nous livrer du carburant assorti de facilités de paiement. Bush était
alors président des USA : c’est lui l’auteur de ces actions illégales
et traîtresses contre le peuple vénézuélien.
Je me rappelle ton indignation quand il a exigé que
j’abandonne le Mexique comme condition pour atterrir dans ce malheureux
pays où nous assistions toi et moi à une conférence internationale des
Nations Unies à laquelle il devait lui aussi participer.
L’Empire ne pardonnera jamais à la Révolution
bolivarienne d’avoir appuyé Cuba alors qu’il s’imaginait que notre
peuple, après presque un demi-siècle de résistance héroïque,
retomberait dans ses mains. À Miami, la contre-révolution réclamait
trois jours de permis de tuer des révolutionnaires dès que le
gouvernement de transition qu’exigeait Bush se serait installé à Cuba.
Dix années de coopération exemplaire et fructueuse
entre le Venezuela et Cuba se sont écoulées. L’Alliance bolivarienne
entre les peuples de Notre Amérique (ALBA) a vu le jour. La Zone de
libre-échange des Amériques (ZLEA), promu par les USA, a fait fiasco,
mais l’Empire est de nouveau à l’offensive.
Le coup d’État au Honduras et l’établissement de sept
bases militaires en Colombie datent d’après l’entrée du nouveau
président à la Maison-Blanche. Son prédécesseur, lui, avait rétabli la
IVe Flotte, un demi-siècle après la fin de la dernière guerre mondiale,
alors qu’il n’y avait plus de Guerre froide ni d’Union soviétique. Les
intentions réelles de l’Empire sautent aux yeux, derrière le sourire
aimable et le visage afro-américain de Barack Obama.
Daniel Ortega a expliqué hier comment le putsch au
Honduras avait affaibli le Système d’intégration centraméricain et
déterminé la conduite de ses membres.
L’Empire mobilise derrière lui les forces de droite
latino-américaines pour frapper le Venezuela, et, partant, les États de
l’ALBA. S’il s’emparait de nouveau des grandes ressources pétrolières
et gazières de la patrie de Bolívar, les pays des Antilles anglophones
et d’autres d’Amérique centrale perdraient les conditions de livraison
généreuses qui leur offre aujourd’hui le Venezuela révolutionnaire.
Voilà quelques jours, après le discours que le
président Barack Obama a prononcé à l’école militaire de West Point
pour annoncer l’envoi de trente mille soldats en Afghanistan, j’ai
écrit des Réflexions où j’ai qualifié de cynisme de sa part le fait
d’avoir accepté le Prix Nobel de la paix alors qu’il avait pourtant
déjà adopté cette décision.
Le 10 décembre dernier, prononçant à Oslo son discours
de récipiendaire, il a avancé des affirmations qui constituent un bel
exemple de la logique et de la pensée impérialistes : « …je suis
responsable du déploiement de milliers de jeunes Etasuniens appelés à
se battre dans un pays distant. Certains tueront, d’autres seront tués
», a-t-il affirmé, tentant de présenter comme une « guerre juste » la
boucherie brutale qu’il commet dans ce lointain pays où la majorité de
ceux qui périssent sont les habitants inoffensifs des villages écrasés
sous les bombes que larguent ses avions sans pilote.
Après ces phrases-là, prononcées parmi les premières,
Obama a consacré plus de quatre mille cinq cents mots à présenter ses
massacres de civils comme une guerre juste. « Les guerres actuelles –
a-t-il affirmé – tuent bien plus de civils que de soldats. »
Les civils tués en Iraq et en Afghanistan et aux frontières du Pakistan dépassent d’ores et déjà le million.
Obama y a fait l’éloge de Nixon et de Reagan comme de
personnages illustres, sans même se rappeler que le premier a largué
plus d’un million de bombes sur le Vietnam et que le second a fait
sauter par des moyens électroniques, sous les apparence d’un accident,
le gazoduc de Sibérie. L’explosion a été si forte et si destructrice
que les senseurs d’essais nucléaires l’ont captée.
L’allocution d’Obama à Oslo se différencie de celle de
West Point au sens que celle-ci était mieux rédigée et prononcée ; dans
la capitale norvégienne, le visage de l’orateur indiquait bien qu’il
était conscient de la fausseté de ses dires.
Le moment et les circonstances n’étaient pas non plus
les mêmes. Oslo et proche de Copenhague où se tient la très importante
Conférence sur les changements climatiques à laquelle, je le sais, Evo
et toi, pensez participer. C’est là que se livre actuellement la
bataille politique la plus importante de l’histoire humaine. Et que
l’on constate dans toute leur ampleur les dommages que le capitalisme
développé a causés à l’humanité. Celle-ci doit maintenant se battre
désespérément non seulement pour la justice, mais aussi pour la survie
de notre espèce.
J’ai suivi de près le Sommet de l’ALBA. Je vous
félicite tous. J’ai énormément apprécié de voir tant de chers amis en
train de mettre au point des idées et de se battre unis. Je vous
félicite tous.
Jusqu’à la victoire à jamais !
Une forte accolade.
Fidel Castro Ruz
Le 14 décembre 2009