Le programme de Mélenchon en 8 mn chrono
Ceci est la retranscription du discours prononcé par M. Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010.
Le programme !
Regardez votre montre. Vous vous dites, il va parler combien de temps ? Il y a cinq points. Allez ! C’est le moment d’apprendre !
D’abord on va rendre le pouvoir au peuple. Et il va se le reprendre tout seul. Donc nous allons procéder à la refondation républicaine des institutions et de la société.
Nous allons donc convoquer une constituante comme l’ont fait tous nos frères en Amérique latine. Parce que la constituante, c’est la manière, pour le peuple, de s’approprier ses institutions. Le peuple s’est auto-dissous. Et nous voulons mettre en place des institutions qui rendent impossible l’élection d’un président comme celui que nous avons et même d’un autre ! Et si c’est l’un des nôtres qui est élu, qu’est-ce qu’il fait ? Il rentre, il fait sortir tout le monde, il prend la clé, il la jette à la Seine ! C’est clair ?
La révolution citoyenne, elle repose sur deux piliers.
L’éducation car c’est un peuple libre. Un peuple n’est libre que s’il est formé, éduqué à l’esprit critique, capable de comprendre les enjeux du temps dans lequel il vit. Par conséquent nous expulserons le capitalisme de l’éducation. Nous unifierons cette éducation. Ce sera le premier budget du pays, celui qui passe avant tous les autres pour que chaque enfant de ce pays sache lire, écrire, compter et pas seulement ça ! Pas seulement ça ! Rire ! Chanter ! Ecrire des poèmes ! Comprendre les sciences ! Comprendre l’économie ! Savoir se rendre autonome socialement !
Et nous ferons la révolution dans les medias avec la méthode de la citoyenneté. Déjà chez nous, là, où ça nous occupe : le service public. C’est fini, ce n’est plus le monarque qui désigne le président, ce sont les gens qui cotisent, qui vont voter, qui vont l’élire.
Voilà comment on va remettre de l’ordre là-dedans.
Deuxièmement : le partage des richesses.
Ca va aller vite.
Il y a 195 milliards à récupérer. De la restitution sociale. Ce sont les dix points qui sont passés des poches du travail à celles du capital au cours des 25 dernières années. Retour à la maison. Avec 195 milliards, tous nos problèmes sont réglés. Tous ! Evidemment pour ça il faut désintoxiquer la finance. J’ai dit tout à l’heure comment mais il y a une chose que je ne vous ai pas dite à propos du revenu maximum et que je veux vous dire.
La révolution citoyenne, c’est une révolution dans les têtes et dans les cœurs et pas seulement dans le quotidien de la lutte sociale et politique.
Mes amis, les hyper-riches sont hyper nuisibles. Ils sont irresponsables socialement. Vous l’avez vu, ils ne savent plus où mettre leur argent. Ils en ont tellement qu’ils le placent dans la bulle et leurs dépenses sont par définition, des dépenses ostentatoires. C'est-à-dire anti-écologiques qui contreviennent même à l’idée de la décence et de la dignité.
Bon.
Troisième point : la planification écologique.
Ca , c’est le programme. L’idée économique.
Qu’est-ce qu’on va faire ensemble ?
Ce peuple a l’intelligence collective, les capacités pour faire bifurquer son système productif du productivisme où il est aujourd’hui, des modes de consommation de l’énergie et notamment de l’énergie nucléaire vers un autre mode de consommation. Un autre mode de production. Nous sommes capables de le faire.
C’est pourquoi la planification écologique, ni l’un, ni l’autre des eux mots ne doit faire peur. En tout cas, nous sommes là pour l’expliquer. Pour montrer que c’est ça le grand défi de notre temps pour lequel les Français doivent marcher devant parce qu’ils sont capables de faire la démonstration qu’on peut vivre, et travailler et produire autrement.
Bon. J’espère que ça vous plaît tout ça !
He bien, je n’ai plus que deux choses à dire sur le programme.
« Alors, ballot, comment vous allez faire tout ça ? » Parce que vous savez des lettres au Père Noël avec dix kilomètres de promesse, j’en connais. J’en ai fréquenté pendant trente ans dont c’était la spécialité !
Ah ! Mes amis, rien de tout cela n’est possible tant que vous resterez dans le cadre du traité de Lisbonne. C’est impossible. Donc il faut sortir du traité de Lisbonne. Il faut sortir. Mais cela doit être conduit avec de l’ intelligence politique. Il ne s’agit pas d’aller dire, de déclamer comme ça : « Nous sortons du traité de Lisbonne ! » Il faut savoir le faire. Il va falloir entrer par des questions qui concernent tous les Français. Par exemple : « Nous ne voulons plus qu’on marchandise le service public. » Pas de bol. C’est prévu dans le traité de Lisbonne qu’on le fasse. Alors on vote. On dit aux Français : « Qu’est-ce que vous en pensez ? » Et si les Français disent : « Vous avez raison, nous ne le voulons pas ». Opt out ! comme disent les Anglais ! Vous faites ce que vous voulez chez vous mais nous, non, nous n’en voulons pas ! Le service public n’est pas de la sphère de la concurrence libre et non faussée !
Voilà, nous avons un mandat. Nous pouvons aller discuter. Nous pouvons dire : « Voilà, on se retire de tout ça. Faites ce que vous voulez chez vous ! »
Mes amis, c’est pour vous dire qu’aucun mot d’ordre ne vaut par lui-même. Il ne vaut que par la méthode qui permet de le rendre intelligible au plus grand nombre !
Parce que nous ne pouvons pas faire la révolution citoyenne, nous ne pouvons pas culbuter le pouvoir de la finance si le peuple tout entier ne s’y met pas lui-même à travers des questions qu’il maîtrise, qu’il comprend. Il faut qu’il voie les enjeux. Ce n’est pas un schéma théorique abstrait, la révolution citoyenne. C’est une démarche concrète dans laquelle il est fait appel à l’intelligence de chacun, non pas pour dire ce qui est bon pour lui, mais pour dire ce qui est bon pour tous.
C’est pourquoi il faut exiger un grand niveau de conscience politique qui se forge dans la lutte et dans la compréhension de problèmes qui se posent réellement au pays. Raison pour laquelle il faut les présenter sans barguigner et avoir le courage de se soumettre ou de se démettre devant le suffrage universel. Comme on fait nos camarades en Amérique du Sud.
Je suis certain que devant une telle question, qui troquerait les services publics pour aller lécher les pattes de la concurrence libre et non-faussée !
Tout au contraire, sitôt que nous aurons levé le fanal de combat, c’est vers nous que se fera le grand mouvement qui rassemblera le peuple tout entier vers les solutions qui sont celles de la gauche !
Bon.
Maintenant, j’en viens au point final de ce programme et je vous demande d’y réfléchir mieux qu’en disant « Ah ! Oui. C’est bien. »
La paix !
Beaucoup maintenant se figurent que c’est un état de nature, la paix, oubliant quelles ont été les fureurs de l’Europe, comment bien des plaies ne sont pas cicatrisées et comment ce qui nous a été montré dans l’explosion de l’ex-Yougoslavie, puis dans la création de l’état croupion du Kosovo est un signal extrêmement dangereux ! En même temps nous voyons que les Etats-Unis d’Amérique dont la position économique et politique est si fragilisée, ne justifie sa puissance que par la présence de 600 000 hommes de troupe sur les cinq continents et de 700 bases dans le monde !
Un tel monde est une poudrière. La paix est une construction politique. Et nous, pour notre compte, nous devons dire, non pas dans cette langue embarrassée de ceux qui prétendent débrouiller les talibans d’aujourd’hui avec ceux d’hier, et je ne sais quelle autre fumée que nous ne sommes pas d’accord pour conduire les guerres des Américains le long des pipe-lines et qu’il faut quitter l’Afghanistan et qu’il faut quitter le commandement intégré de l’Otan !
Parce que nous sommes pour une défense indépendante placée sous le contrôle de la souveraineté populaire des citoyens, une défense efficace qui fasse réfléchir tous ceux qui voudraient s’en rendre à la révolution citoyenne !
Moi, je ne barguigne pas avec ces choses-là !
Parlant de sa campagne, Mélenchon, porté par les circonstances a parlé de « Kairos ». Le Kairos est le temps de l'occasion opportune. En mathématiques, on pourrait dire : un point d'inflexion. Dans le langage courant on dirait :" Maintenant est le bon moment pour agir."
Les anciens Chinois disaient que rien ne se faisait sans « le mandat du Ciel ». Cette « baraka », cette chance qui nous honore rarement et sur les flots de laquelle il importe, ne laissant pas passer ce moment si rare, de se jeter et de flotter jusqu’à l’espace de sa réalisation.
Plusieurs évènements uniques sont favorables à M. Mélenchon :
-D’une part la détestation de l’ancien président Sarkozy. On n’en a jamais vu de telle. Il ouvre un boulevard à ses adversaires malgré toutes les manœuvres, toutes les ruses, tous les spectacles qu’il nous concocte. Il est pour toujours, comme Louis-Philippe et sa tête de poire, Naboléon le sarkome .
-D’autre part l’apocalypse d’une période où les pouvoirs politiques sont abandonnés à des mafias financières et ce d’une manière de moins en moins discrète. De moins en moins supportable. De moins en moins humaine. Les pauvres, tous les jours, sont jetés dans des fosses où l’on laisse la misère les achever.
-D’où la naissance d’une prise de conscience planétaire. De Fukushima où l’on a vu les Japonais, si respectueux de l’autorité, se dresser contre une politique achetée aux intérêts du capital, aux Etats-Unis, monde que l’on croyait endormi, en passant par l’Afrique et l’Europe, les peuples se révoltent. Dans la rue. Combien de morts sont déjà tombés ? Ce mot « Les indignés » est devenu la bannière de ce combat.
-Un combat relayé par internet. C’est la première fois que le Web, Facebook, Twitter jouent un tel rôle politique. Or ces moyens qui permettent de fonder des groupes, de créer entre eux des interconnections, de transmettre des liens est on ne peut plus favorable à M. Mélenchon. Si le net et lui seul devait élire un président de la république, M. Mélenchon serait élu à 65% de votes. Au moins. Ceci s’explique car les gens qui vont sur le web sont une nouvelle classe qui est informée et excellemment informée, malgré tout ce que ses détracteurs veulent dire.
-L’existence d’échéances tragiques pour le pays. La question n’est pas pour qui allons-nous voter mais, en votant, allons-nous nous abandonner à de purs esclavagistes qui ne veulent que détruire notre société ? Allons-nous nous faire entuber par des medias mensongers qui répètent à n’en plus finir, qu’il faut payer ses dettes, qu’il faut se soumettre, que c’est normal, alors que nous sommes sous le coup d’une dette odieuse et de hold-up quotidiens et assassins !
-L’existence d’échéances tragiques pour le monde : une planète qui fond sous les intérêts particuliers, un nucléaire ingérable, des nanotechnologies angoissantes, une médecine qui tue, une nourriture qui empoisonne, du travail qui manque, une société qui après avoir construit des cathédrales n’a d’autre utilité que de faire les supermarchés pour consommer des produits fades, dangereux, fabriqués par des esclaves pour des demi-pauvres. Car ceux qui paient aux caisse aujourd’hui, demain feront les poubelles des mêmes lieux.
-Face à ce monde détruit les candidats à la fonction de président de la République Française sont fades : Un Sarkozy vieilli, amoché, dévitalisé. Un Hollande mollasson, que tous ceux de son camp ont copieusement critiqué, qui court ridiculement après les électeurs, changeant d’avis comme de cravate. Un Bayrou égal à lui-même, c’est à dire égal à un homme inexistant, sans parti, qui réapparaît pour les élections et souhaite un premier ministre comme Monti. Il s’est tué sur ce mot là, croyant briller au contraire. Une Eva Joly courageuse mais pâlichonne. Et des petits candidats… Marine Le Pen est la seule a avoir une personnalité qui retient. Malheureusement, même si ses opinions propres sont différentes, elle est l’otage du parti de son père, parti fasciste, ultra dangereux, qu’une grande partie des Français ne saurait tolérer.
-Le dernier point et non le moindre qui fait de cet Aikos un instant d’une rare puissance est la personnalité même de M. Mélenchon.
Ceux qui ne sont pas séduits par les idées ou le personnage , certes, existent. Vive la démocratie.
Mais la clarté de son discours, la force de sa conviction, la machine de guerre qu’il présente contre un monde qui ne veut que la fin de la démocratie, ses dons immenses d’orateur, sa simplicité d’homme qui prend le métro comme beaucoup et ne souhaite le pouvoir que pour le peuple, tout ceci le porte irrésistiblement.
Jusqu’où ?
Il est aidé par les mille et mille rames de tous ceux qui hésitants ou toujours indifférents à la chose politique se découvrent une âme de citoyen et ne sont pas prêts de l’abandonner. Ils sont de tous les partis. Il est difficile d’entendre M. Mélenchon et de ne pas avoir le cœur qui bat en se disant :« Enfin ! Ces mots là, je souhaitais tellement qu’un homme politique les prononce. »
Sa rareté est celle d’un homme courageux, debout, volontaire, face à un monde agonisant.
L’instant est précieux. L’instant est unique.
L’autre jour, allant en voiture chercher des amis à la gare, le temps étant merveilleux, l’alléluia du requiem de Mozart ajoutant à la beauté du moment, je suis passée devant un pilier d’autoroute où une affiche de M. Mélenchon avait été collée.
Je ne peux dire la joie, l’émotion que j’ai ressentie alors.
Quoi, cela existait vraiment, ce moment-là, cet homme-là après cette année de terribles malheurs, ces pauvres Japonais de Fukushima dont les enfants vivent avec des dosimètres éternellement autour du cou, ce silence qui est tombé sur cette catastrophe nous montrant que nous vivons dans une période plus étouffante que celle de Tchernobyl, après ces indignés matraqués à tous les coins du monde, cette Eurogenfor qui est une armée payée par le peuple contre le peuple, après le vol de nos biens et de nos libertés par la clique des Goldman Sachs, après le règne putride de Sarkozy, toujours impuni, quelles que soient ses fautes, après nos médias muselés par le capital, dans cet oeil du cyclone qui est une campagne électorale, dans ce moment si rare où la parole de candidats inattendus peut se faire entendre, il y avait tout à coup une voix et quelle voix, qui parlait de liberté , d’égalité et de fraternité et c’était, aussi fragile que cet espoir soit, un moment de bonheur aussi intense que le ciel bleu et l’alléluia qui me portaient alors.
On me taquine en me disant que je suis amoureuse de lui. Je l’avoue. Comme de la beauté de ce monde. Des belles phrases, des belles pensées, des belles formes, de la belle musique, des belles âmes, des grands sentiments. Du grand art.
Car en face de nous, en ce moment, naît un grand homme politique qui donne à ce mot tout son sens. Car il n’y a pas de politique digne de ce nom qui n’ait pour message : « Aidez-vous, aimez-vous les uns les autres et construisez ensemble un monde dont, tous, nous pourrons être fiers ».
Oui, cela nous le voulons.
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