Le revenu Universel : Utopie ou changement de société ?
L’approche des élections présidentielles et le cortège de promesses électorales qui va avec, met sur le devant de l’actualité le revenu de base ou revenu universel.
En une semaine, 3 articles sur le sujet sont parus sur Agoravox (Moderatus, Luniterre, Touriste). Article pour le moins critique, mais malheureusement pas assez renseignés. Je vais donc, apporter ma contribution sur :
- Ce qu’est le revenu universel, son origine
- Le pourquoi de la nécessité d’une telle mesure
- Son financement
- Le bouleversement sociétal d’une telle mesure
Qu’est-ce que le revenu universel, son origine
Le revenu universel aussi appelé « revenu de base » est un revenu versé au montant unique (ou variant selon l’âge) par l’état à tous ses habitants, quels que soient leurs revenus ou leurs situations professionnelles. Il est versé automatiquement de la naissance jusqu’à la mort et s’additionne avec tout autre revenu (salaire, certaines allocations…). Le premier pays à avoir mis en place ce revenu est l’état d’Alaska aux USA avec « L'Alaska Permanent Fund » qui est un fonds d’investissement tiré des revenus du pétrole, créé en 1976 et qui, aujourd’hui, avoisine les 28 Milliards de $. Les dividendes sont versés à tous les habitants d’Alaska. En 2014 chaque habitant de plus de 5 ans a reçu 1884 $. L’Iran et Macao ont adopté le même système avec les revenus du pétrole pour les uns et du jeu pour les autres. Quelques réserves indiennes ont créé un RU plus évolué avec les revenus des casinos.
La création d’un revenu universel est-il utile et nécessaire en France ?
Pour répondre à cette question, il faut déjà comprendre comment fonctionne le système de protection sociale actuel, dans son mode de rétribution et de financement.
Le système de protection sociale français est un système évolué qui protège le travailleurs résident en France, en cas de maladie, d’accident du travail, de chômage. Ce même système offre des allocations aux familles et des pensions aux retraités. Ce système qui est réparti en plusieurs caisses de recouvrement gérées par les syndicats est en grande partie financé par un prélèvement sur les salaires. Ce système s’adresse donc aux salariés et à leur famille.
Il existe d’autres moyens de protection sociale tel que le RSA, minimum vieillesse ou CMU, mais ceux-ci sont financés par l’état ou les collectivités et sont versés à ceux qui n’ont pas droit aux premières allocations.
Ce système de protection sociale créé par le Comité National de la Résistance à la fin de la seconde guerre mondiale, n’a grosso modo pas évolué depuis (sauf pour le montant des cotisations et le niveau de remboursement des allocations). Ce qui fait dire à certain qu’il est devenu obsolète. Il faut cependant noter qu’au prélèvement des cotisations sur les salaires on y a ajouté une Cotisation Sociale Généralisé qui n’est rien d’autre qu’une taxe qui a d’abord été prélevée sur les salaires et ensuite sur certains revenus financiers et certaines allocations versées comme les retraites et le chômage.
Aujourd’hui, le montant total des prestations sociales versées pour le paiement des frais de santé, des accidents du travail, du chômage, des retraites et des allocations familiales s’élève à 624.6 milliards d’euro, alors que le montant des cotisations sociales est de 498.6 milliards d’euro. L’Etat paie la différence soit 126 milliards d’euro en prélevant sur la TVA et diverses taxes sur le tabac et l’alcool. L’état paie aussi les assurances complémentaires comme le RSA, la CMU et le minimum vieillesse qui ne sont pas compris dans ce calcul.
Pour répondre à cette question, il faut aussi connaitre à quel niveau économique se situe la France et surtout quels sont les besoins et les attentes des français en matière de protection sociale.
Depuis la seconde guerre mondiale, la France a toujours été dans le top 5 des économies les plus puissantes, avec les USA, la Chine (qui a remplacé le Royaume Unis, jusqu’à devenir la première puissance), Le japon et l’Allemagne. Depuis la seconde guerre mondiale, la France a toujours été dans le top 3 des pays les plus inventif et innovant (plus grand nombre de brevets déposés et inventions créées) avec les USA et le Japon. (Le quatrième pays est l’Allemagne très loin derrière la France). En matière de protections sociales, la France a économiquement les moyens de ses ambitions. Pour tous les français, la protection sociale fait partie de leur ADN. De la même manière que l’esprit d’entreprendre est dans la culture de l’américain, la protection sociale et familiale l’est dans la culture du français. Pour le français le « Egalité » de sa devise est avant tout une égalité de droit et protection face aux accidents de la vie comme le chômage ou la maladie, mais aussi pour garantir un avenir confortable aux familles françaises.
Mais la France demeure encore pour quelque temps, un pays économiquement stable dans un monde qui ne l’est pas. Si jusqu’aux années 70, la France pouvait se satisfaire d’un système de protection sociale financé par les salaires dans une économie florissante mais tournée sur elle-même (car à part le pétrole on n’importait pas grand-chose), la mondialisation et surtout la concurrence des pays en voie de développement a complétement changé la donne. Depuis 1970, la France voit disparaître des pans entiers de son industrie comme le textile, les mines, la sidérurgie, la construction navale, l’électroménager etc. Avec des disparitions d’entreprises, disparaissent les emplois, augmentant inexorablement le nombre d’ayants droit au chômage et diminuant d’autant les cotisations sociales pour les payer. A cela vient s’ajouter un paramètre prévisible, mais que l’on a caché sous le tapis pendant longtemps, à savoir les augmentations de production dues au progrès industriel. Si en 1950 une usine Renault fabriquait 100 000 4CV avec plus de 4000 ouvriers, aujourd’hui elle fabrique 5 fois plus de voitures nettement plus sophistiquées avec 5 fois moins de personnes.
Aujourd’hui la France doit faire face à un chômage chronique et aucune solution économique pour le résorber. La France est d’autant plus touchée que les cotisations sociales prélevées sur les salaires augmentent à mesure que les emplois diminuent, rendant le cout du travail toujours plus cher.
Un autre problème vient s’ajouter à celui du chômage grandissant. Avec la mondialisation, un pays ne peut plus se développer seul. Il lui faut obligatoirement s’unir avec d’autres pays pour se renforcer économiquement et financièrement et ainsi, faire face à la concurrence. Et c’est valable pour tous les pays du monde, même les plus grands. Comme on calcule toujours la solidité d’une chaine à la solidité du maillon le plus faible, il faut que ces pays, unis dans un groupement d’intérêts, avancent ensemble et soient sur le même niveau économique. Pour avoir du crédit auprès des états comme des établissements financiers, ils se doivent d’être solides économiquement. Et s’endetter pour financer un système social ou des dépenses d’états non justifiées n’est pas, aux yeux de beaucoup de monde, un gage de solidité. On a vu ce qu’il s’est passé pour la Grèce, mais aussi l’Argentine et le Venezuela. A ce jour il est moins risqué de prêter de l’argent à l’Irak et à l’Ukraine qu’à l’Irlande et à la Grèce. Et si la situation de l’Irlande et de la Grèce bien que plus dramatique soit plus enviable que celle du Venezuela, c’est uniquement parce que ces deux pays sont accrochés à l’UE et à l’euro, alors que le Venezuela est tout seul à gérer sa crise.
Donc la France a la lourde tâche, car c’est sa raison d’être, de maintenir à flot un système de protection sociale perfectible mais dans l’ADN du français tout en garantissant une stabilité économique pour pouvoir se développer économiquement, créer de l’emploi, réaliser des dividendes. En l’état actuel des choses, la tâche est insurmontable !
Certains militent pour un changement radicale de société afin d’adopter un système collectiviste où tous les biens sont mis en commun (nationalisés) et où l’état gère jusqu’à notre avenir personnel. Il est aussi évident que si ces personnes veulent nous imposer ce système, car ce système ne peut être qu’imposé par la force, elles ont tout intérêt à laisser se détruire de lui-même le système de protection sociale actuelle et par voie de fait le système politique de notre pays tel qu’il est. Mais l’histoire a prouvé que "L'échec économique du communisme, avec ses gaspillages, sa pénurie, sa misère, son oppression, sa tyrannie bureaucratique, a réglé le sort de l'extension indéfinie d'une forme unique d'organisation. Tout comme les excès d'une orthodoxie néolibérale, accompagnée elle-même de son cortège de détresses matérielles et morales, d'exclusion, de violence, d'injustices, de sa tyrannie de la marchandisation, qui détruit toutes les solidarités et dévalorise le don de soi et toutes les formes de civilité, a signé, à son tour, l'échec de l'extension indéfinie du domaine du marché. »
Avec un système économique qui a trouvé ses limites et aucun autre système sérieux pour le remplacer, il est évident que les améliorations du système de protection sociale actuelle pour le rendre plus juste (retraites fonctionnaire et privé, remboursement des soins etc.), ou pour l’adapter à la réalité économique (réduction des allocations chômages, augmentation de l’âge de départ en retraite etc.) sont en matière d’économies réalisées, anecdotiques et ne font seulement que retarder l’échéance. Car il faut se rendre à l’évidence, avec des cotisations qui vont en diminuant et des besoins en allocations qui augmentent, notre système de sécurité sociale tel qu’il est va disparaître, et notre société avec.
Il faut donc qu’on remette à plat ce système. Et sur la base de ce qui a été fait et qui a pendant pas mal de temps fait ses preuves, observer comment on peut adapter ce système de protection sociale à la réalité économique d’aujourd’hui en garantissant les deux socles immuables à savoir :
- Egalité de traitement pour les français
- Financement stable et pérenne
L’idée d’allouer un revenu universel à tous les français fait alors son chemin, car elle a l’avantage de proposer une alternative originale pour la protection sociale des plus démunis tout en donnant une égalité de traitement à tous les français. Elle est financièrement simple à calculer puisque c’est le nombre de français multiplié par le montant du RU.
Mais avant d’énumérer les avantages et les inconvénients de ce système, cherchons à savoir combien il va couter
Concept d'un revenu universel qui concerne les personnes de 4 ans jusqu'à leur mort et quel que soit leurs situations financières. En dessous de 4 ans, pas de revenu sinon on aura à faire à une démographie galopante. Cette mesure ne peut concerner que les français vivant en France, sinon on devra faire face à une immigration non contrôlée
Donc pour toutes les personnes françaises habitants en France, à l’exclusion de toutes les autres :
- de 4 à 18 ans : 400 euro par mois (concernés 11.6 millions de personnes)
- de 18 à 65 ans 800 euro par mois (concernés 39.4 millions de personnes)
- plus de 65 ans 1000 euro par mois (concernés 11.4 millions de personnes)
Le budget total de ce RU est de 570.72 milliards d'euro par ans. Actuellement, nous dépensons 624.6 Milliards d'euro en prestations sociales. Dans ces prestations il y a : les arrêts maladie, les allocations familiales diverses, le chômage, les retraites. Toutes ces prestations sont bien sûr supprimées. Il reste la consommation de soins et de biens médicaux (les soins, frais hospitaliers optiques dentistes etc.) qui représentent environ 191 milliards d'euro. Les accidents du travail doivent être financés à 100% par les entreprises, ne serait-ce que pour les responsabiliser sur cette question Donc on arrive avec un total de 760.72 Milliards d'euro et donc un écart par rapport à maintenant de 136.2 milliards d'euro.
760.72 Milliards d’euro, c’est le tiers de notre PIB et quasiment le double des dépenses de l’état. Ça n’est pas anodin et il y a 136.2 milliards d’euro à trouver pour compléter le budget.
Le revenu universel n’est qu’un complément de salaire et n’a pas pour but de se substituer au salaire. Il permet donc de compléter un revenu pour assurer un revenu décent, mais aussi et c’est là l’essentiel de la mesure, pour offrir une liberté d’action aux personnes.
Il est aussi évident qu’avec un revenu universel, on supprime :
- Les allocations chômage,
- Les arrêts maladies
- Les allocations diverses (logements, familles etc.)
- Le RSA
- Les retraites (qui devront se faire par palier échelonné dans le temps)
Le changement de société opéré par la création du revenu universel.
800 euro par mois n’est pas suffisant à une personne, pour vivre décemment. C’est une évidence. Donc 800 euro par mois n’est pas une prime à l’oisiveté. Par contre, avec 2000 euro par mois pour une famille de 4 personnes (2 adultes, 2 enfants) on n’est pas très loin de revenu moyen d’une famille française. Et 2000 euro par mois pour un couple de retraité et un peu au-dessus de la moyenne actuelle.
Le premier changement opéré par le RU qui sera autant spectaculaire, que non-maitrisable est : la vie en communauté, car il est évident que les gens vont se grouper en collocation ou autre pour pouvoir mutualiser les dépenses de la vie courante. Ce n’est ni utopique ni marginal, car les gens trouveront très vite leurs intérêts à vivre ensemble, et il est évident que les maisons communautaires, les maisons de familles vont essaimer un peu partout
Vient automatiquement le second changement : la diminution importante des emplois de services. Si avec 2000 euro par mois, une famille française arrive à vivre et si l’un des deux parents reste chez lui pour s’occuper des enfants, c’est autant de crèches, de cantines, d’assistantes maternelles en moins.
Les plus grands changements s’opéreront dans le monde du travail. Avec le RU on supprime :
- Tout ou partie du code du travail
- L’emploi à vie pour les fonctionnaires
- La date de départ à la retraite
- Les 35 heures, le 32, 30 ou même 48 heures par semaine
- Les licenciements économiques.
- Les arrêts maladies
- Les congés payés, RTT et jours fériés
- L’interdiction de travailler le dimanche
- Les ruptures conventionnelles
La liste n’est pas terminée, mais rien qu’avec cela, le choc sociétal sera rude pour beaucoup de personnes qui auront l’impression de vivre dans un autre monde.
Les rapports du français avec le monde du travail vont aussi changer, car il est évident que si les conditions de travail et de salaire ne sont pas convenables, l’employeur aura du mal à trouver du personnel. Mais surtout certains travails pénibles auront du mal à trouver des salariés. Le RU va apporter une flexibilité totale dans le monde du travail, tant niveau employeur qui devra faire face à des cas d’absentéisme constants et importants, que du niveau salarié qui considérera encore son salaire important pour vivre mais (c’est là qu’est toute la différence) plus indispensable.
De plus le niveau de chômage (sera-t-il encore nécessaire de s’en inquiéter) sera historiquement bas, car avec une flexibilité pareille, comment en serait-il autrement. Et un pays où le code du travail se résume à une série de règles sur la sécurité et les conditions de vie au travail, est un pays rêvé pour les investisseurs. Beaucoup d’entreprises risquent de migrer vers la France et d’employer des français. Et je ne doute pas que ces société trouveront très vite des solutions pour l’absentéisme (ne serait-ce que des primes).
La taxation sur les salaires sera brutale, car pour financer le RU on prélèvera sur les salaires et sous forme de taxe, ce qui veut dire que le salarié touchera entre 30 et 40% de ce que l’employeur lui versera. L’état devra combattre le travail au noir, car avec ce système il va fortement se développer.
L’immigration galopante sera aussi problématique, car avec le RU beaucoup d’emplois pénibles ne trouveront de volontaires. Comme le RU ne s’adresse qu’aux français vivant en France. Il y aura dans ce pays deux monde avec les français d’un côté et les laissés pour compte de l’autre. Et un système d’apartheid comme celui-ci n’est pas viable. Il faudra trouver des solutions pérennes pour ce problème.
Cette mesure va aussi mettre un coup d’arrêt à la désertification des campagnes. Avec des mesures incitatives, il sera facile d’implanter des PME dans les campagnes et avec le RU beaucoup de personne vont migrer vers les campagnes où la vie est plus facile et moins cher qu’en ville à la condition d’avoir un revenu. Il y aura forcément une dévaluation du coût des logements en ville et centre-ville et des besoins en transports plus forcément nécessaires.
L’éducation va aussi être bouleversée et le cursus classique (bac et études supérieures) risque d’être remplacé par une formation professionnelle continue.
Le RU est un changement radical de notre mode de vie et de notre société car on quitte ce système fallacieux basé sur le sacrifice économique, c’est à dire de cette obsession des coûts au détriment de tout le reste, pour entrer dans un système plus "égalitaire". Mais cela va mettre une sacrée pagaille dans "l'économie financière" notamment dans l'immobilier, les crédits, bref, tout ce qui fait le bonheur des banques. C'est peut-être pour cela que nos politiques, banquiers, syndicalistes pensent que lorsqu'on aborde ce sujet on ouvre la boite de pandore.
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