« Le roi (fainéant) est mort, vive le roi (Soleil) ! »
La France vit un traumatisme. Elle est passée d’un règne de "roi fainéant" (pour reprendre le mot aimable de Sarkozy à l’endroit de son prédécesseur) au règne du roi Soleil, deuxième du nom. Par son désir d’éblouir le monde par ses fastes dispendieux et ses actions éclair, Sakozy a imposé au pays un changement radical, et pas seulement de rythme. A demi assommé, le peuple ne sait comment réagir, l’opposition encore moins. Sauf Bayrou peut-être qui suit sa ligne et n’en dévie pas.
Qu’est-ce qui a donc changé en France qui l’a marquée pour longtemps ? Est-ce seulement la victoire d’une droite plus libérale, plus nationaliste et plus alignée sur l’Amérique ? Ou est-ce davantage ? Les Français étaient habitués à vivre sous une présidence qui, traditionnellement, déléguait à son premier ministre. C’est ce dernier qui allait en première ligne et qui prenait les risques. Mais cette tradition a été bousculée. C’est une forme de violence qui a été infligée au pays par le nouvel hôte de l’Elysée.
Roi-Soleil ? Pas vraiment...
L’une des propiétés du soleil, c’est d’éclipser. Il se trouve que Sarkozy veut éclipser tout le monde et pas seulement son premier ministre : il veut éclipser tous ses ministres, le président de l’Europe, celui des Etats-Unis, les opposants, les manifestants (que l’on n’"aperçoit plus"). Et même le peuple ! Puisqu’il s’arroge sans vergogne le privilège de parler en son nom sans jamais le consulter.
Tout comme le soleil, Sarkozy veut briller, tout comme le roi-Soleil, il veut en imposer au monde par les fastes. Le roi Soleil a fait construire Versailles, Sarkozy fera exploser le budget de l’Elysée ! Comme le roi soleil, Sarkozy aura ses courtisans. Celui-ci n’hésite pas à renier ses convictions et à réviser sa conception de la morale pour estimer qu’il est tout à fait normal de faire des affaires sous l’image d’un humanitaire, celui-là juge utile de faire du zèle pour être accepté de la cour : il remet au goût du jour la délation et les tests ADN pour les étrangers (et ce n’est qu’un début, il commence à peine son ministère...).
En dépit des fortunes considérables déployées pour mettre en scène la grandeur du président, on ne peut pas dire que le raffinement et le goût soient au rendez-vous. La grossièreté et l’injure présidententielles ne peuvent concurrencer avec l’esprit et l’art et les manières qui régnaient à la cour des Bourbons. Le mécénat du roi Soleil l’amena à protéger des artistes et des hommes de lettres comme Molière, Racine, Boileau, Lully, Le Brun, Le Nôtre et, dans une moindre mesure, La Fontaine, Blaise Pascal, Madame de Sévigné, La Bruyère, Saint-Simon. Sarkozy, lui, c’est plutôt : Enrico Macias, Johnny Hallyday, Gilbert Montagné, Didier Barbelivien...On ne peut comparer, vous dis-je ! Même en remontant plus loin, quand on songe à François 1er, roi très fastueux mais qui accompagna la Renaissance et fit venir De Vinci à la cour. Sarkozy, lui, préfère attirer des despostes (Khadafi) qui étalent leur luxe sous le nez de la république dont ils se moquent effrontément.
On a aussi coutume d’associer Louis XVI à l’absolutisme et de comparer Sarkozy à ce monarque pour sa conception personnelle du pouvoir. Mais on ne peut guère parler d’absolutisme dans notre république et la comparaison ne peut être poussée au-delà.
Mais alors, en quoi consiste le rayonnement sarkoziste ?
C’est entendu, il ne rayonne pas sur le monde des arts et des lettres. Mais Sarkozy rayonne ! Comment fait-il ce diable d’homme ? Et bien, par des moyens moins nobles : le fric - au sens le plus décomplexé du terme. "Décomplexé" est le mot officiellement admis désormais pour remplacer l’adjectif "vulgaire" qui faisait trop commun. En se disant décomplexé, on s’affirme et cette posture déterminée dissimule habilement le caractère commun et vil des intentions et des actes. C’est "décomplexé" que l’on emploie les caisses vides de l’Etat et les emprunts contractés sur le dos du peuple pour enrichir les riches contribuables, l’affairiste Bernard Tapie, les banquiers douteux...Le postulat effrontément affirmé est que plus les riches amassent et plus notre pays rayonne et prospère. Or, le contraire est démontré depuis des décennies : les écarts ne font que se creuser. Pire, on nous dit que c’est parce que nous avons des PDG que le monde entier nous envie. D’où ces parachutes dorés, les plus fantastiques d’Europe. Mais les autres pays s’arrachent-ils Bernard Tapie ?
Tout dernièrement, le président Sarkozy a voulu illuminer la politique de la famille en énonçant ses brillantes idées. Reprenant en réalité à son compte des propositions de sa ministre qui envisageait un raccourcissement du congé parental d’éducation mais dans le cadre d’un droit de garde opposable et moyennant une augmentation substantielle de l’allocation versée, Sarkozy a annoncé la réduction de ce congé mais en supprimant toute référence à ces deux conditions. Il faut croire que n’est pas ministre qui veut !
Mais c’est ça l’ennui avec Sarkozy, il veut rayonner dans tous les domaines, même (et surtout) là où il n’a aucune compétence particulière. On l’a vu ainsi se planter dans d’autres disciplines, telles que l’éducation avec sa fulgurante idée de faire partager la Shoah par tout élève français. Mais, peu importe, il veut rayonner et pense y parvenir par ce moyen...
Autre moyen : surprendre son monde à tout moment. Dernier exemple en date, l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle. Son camp n’était pas préparé et n’avait donc pas réfléchi aux solutions pour compenser les 28 milliards d’euros de perte que cela suppose. Sarkozy veut épater en permanence ; c’est son côté artiste. Car, là où les rois Bourbons savaient leurs limites et ne se piquaient pas de faire de l’art, Nicolas prend des poses et adopte des attitudes dignes d’un artiste capricieux et volage. Or, le peuple ne l’a pas élu comme premier artiste de France.
Pas un phare : un gyrophare !
L’action éclair fait aussi partie de la panoplie du président Soleil. Il se voudrait un phare pour le monde et a annoncé sans rire qu’il volerait à l’aide d’Obama pour sauver le monde. C’est encore Super Sarko qui s’exprime quand le président vole à Gaza puis au secours du fleuron national de notre industrie et se fait taper sur les doigts dans les deux cas pour avoir fait cavalier seul. La crise est mondiale ? Il va tenter d’y remédier par des solutions franco-françaises !
A défaut d’être un phare pour le pays et pour le monde, Sarkozy est doté d’un bon gyrophare. Le patron de la police perce encore trop sous le président qui est l’auteur du plus grand nombre de textes sécuritaires que la Vème République ait connu. Pour utiliser une image parlante pour notre président, dont la culture est faite de programmes télés, ce comportement tient davantage de Starsky et Hutch que de Superman ou de J.F Kennedy !
Surveillance partout et même en prévision dès l’âge de tois ans dans les Maternelles ! Est-ce une méthode digne de quelqu’un qui chercherait à rayonner ?
Posons-nous la question en conscience : Sarkozy a-t-il pris, depuis son élection, autant d’envergure que Jacques Chirac en Europe, à l’ONU, en Afrique ? En Europe, il a cassé le moteur politique franco allemand. A l’ONU, il est loin d’avoir la prestance et le retentissement d’un Villepin annonçant les motifs du non engagement de la France dans la guerre contre l’Irak. Sarkozy a, lui, décidé de s’en remettre entièrement au commandement américain de l’OTAN. En Afrique, le discours de Dakar est très mal passé chez les peuples de ce continent, et le mépris actuel envers nos compatriotes noirs des DOM TOM ne contribue pas à faire remonter son estime. Quand Jacques Chirac débutait de façon rituelle ses discours par "mes chers compatriotes", il se posait en rassembleur. Quand Sarkzoy dénigre telle ou telle catégorie de français, il se pose en diviseur et en semeur de zizanie. Bref, arrêtons-là, il est manifeste que Sarkozy n’a pas l’étoffe du "roi fainéant" qui le précédait et dont il devrait s’imprégner des leçons. Le "roi fainéant" avait des défauts mais le peuple commence déjà à le regretter...
Mais revenons à la question de départ : ne serait-ce que le style qui a changé ? Le pays n’est-il pas bouleversé plus durablement après le choc de ce changement radical de la pratique politique, à savoir un président qui s’investit en tout et qui éclipse son premier ministre ? Les observateurs qui passent à la télé n’osent plus parler de la méthode de Sarkozy qu’en usant d’euphémismes, en disant que c’est un nouveau style, un style bien à lui. Mais, ils font erreur puisque justement Sarkozy n’a aucun style. Il peut adopter une attitude un jour et la renier le lendemain pour une posture opposée. Et ce n’est pas que le style qui est en cause, c’est bien plus dangereux que ça. Sarkozy est en train de chambouler les valeurs en profondeur. En charriant la terre sans ménagement pour en tirer le plus grand profit personnel et immédiat, Sarkozy ne fait que mixer toutes les valeurs et les vide de leur substance.
Après Sarkozy, la terre de France ne sera plus jamais comme avant...
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