Le salut de l’Afrique ? L’Afrique !
Depuis quarante ans, l’Afrique régresse, car sur ce continent on a toujours été habitué à compter sur un tiers pour améliorer son destin. Illusion, scandaleusement entretenue par les pays riches. Pour se sortir enfin de ce cercle vicieux, une seule solution : l’Afrique doit miser sur ses propres forces.
L’Afrique régresse. Démocratiquement, socialement et économiquement. Un bilan terrifiant, mais criant de vérités. Pendant ce temps, tous les autres continents progressent. Comment l’expliquer ? Une seule cause : les Africains ont toujours été habitués à compter sur un tiers, à s’en remettre à une troisième force, à une « main invisible », pour améliorer leur sort.
Au temps du règne des tribus, les Africains s’en remettaient à la loi du plus fort. Sans résultat. Il surgissait toujours un plus fort, qui ruinait le précédent en violant les femmes, en tuant les hommes, en enlevant les enfants et en détruisant les biens de la tribu déchue. Une suite sans fin. Les maigres résultats obtenus par une tribu étaient réduits en cendres par une autre qui imposait par la force sa loi, etc.
Sous la colonisation, les Africains s’en remettaient à Dieu, à la religion, aux prières, comme le leur avaient si bien enseigné les missionnaires. Sans résultat. Les prières permettent, certes, de supporter la souffrance, d’endurer la loi d’airain, mais sont sans effet sur l’amélioration du quotidien.
Depuis, l’indépendance, les Africains s’en remettent à la manne financière des pays développés. Une façon pour les occidentaux de se laver de leurs pêchés honteusement commis sous le colonialisme corollaire, non sans raison, de pillage des richesses du continent, de servitude des peuples, sans parler parfois de leur massacre à grande échelle, à la seule fin de réaliser leurs desseins économiques et industriels, ce que dénonce pour l’Afrique de l’Ouest Albert Londres dans son ouvrage Terre d’ébène ou l’américain Pipa Scott, plus récemment, dans son film documentaire intitulé Le fantôme du roi Léopold II de Belgique.
A travers cette distribution sans compter, les pays occidentaux ont toujours pensé se refaire une virginité, tenté de se donner bonne conscience face à l’extrême misère, les fléaux, à la fois naturels (sécheresse, famine...) et humains (conflits de frontières, tribaux, économiques) qui accablent l’Afrique et s’abattent régulièrement sur elle. Une aide généreuse, certes, mais sans résultat : elle profite rarement à ses destinataires, car elle est souvent détournée et accaparée par les dictateurs et leurs proches au pouvoir. La corruption, le népotisme et la tyrannie sont les ennemis du développement économique et du progrès social. L’Afrique en est tristement la preuve vivante.
Pourquoi les pays donateurs, au courant de ce détournement et donc de cette inefficacité de l’aide publique, continuent-ils comme si de rien n’était ? Et ainsi inspirent de faux espoirs aux Africains ? Des faux espoirs naissent toujours le ressentiment et un sentiment de trahison. A la longue, cette aide stérile se retourne contre nous. Son avatar : ce flux incontrôlable d’immigrés qui tentent le tout pour le tout pour gagner nos territoires et obtenir une vie meilleure. Une Europe qui, affaiblie économiquement, n’est plus en mesure d’accueillir avec la même générosité que dans le passé. Mais comment le leur dire ? Que peuvent les mots face à ces vies humaines en sursis ? Ainsi, en voulant faire le bien, on engendre le pire. Un cycle sans fin, qui jette à nos frontières des êtres dont la faim, celle de l’estomac et celle de dignité, est leur motivation première.
Quand changerons-nous d’attitude ? Quand nous débarrasserons-nous de cette culpabilité, jadis légitime mais plus justifiée, face aux horreurs de la colonisation ? Une culpabilité mal placée, qui nous conduit à cette absurdité terrifiante : au lieu d’aider, on condamne à la misère, et indirectement à la mort lente, des centaines de milliers de personnes. Encore combien de temps les pays développés porteront-ils leur croix, alors qu’ils devraient depuis longtemps l’avoir déposée ? On pourrait ainsi voir la situation à travers un prisme nouveau, garant d’une une situation gagnant/gagnant, soit une situation qui favorise l’enracinement des populations et non, comme jusqu’à maintenant, leur déracinement. Une politique qui évite ce refoulement à nos frontières de ces milliers de personnes dans des conditions indignes de notre civilisation. Il serait temps de prendre les mesures qui leur garantisse un destin viable chez eux, au lieu de prononcer des promesses d’un avenir meilleur. Donner de l’argent, c’est avoir une vue à court terme. A quoi sert le développement durable, s’il ne reste qu’un concept, loin de toute réalité ?
Poursuivre sur cette voie unique de l’aide en masse est un cache-misère de notre impuissance face à l’ampleur des maux qui sévissent en Afrique. C’est se faire les complices implicites de ces drames humains. C’est entretenir l’Afrique dans le faux espoir que son avenir dépend avant tout de la bonne volonté des puissances étrangères. Un destin dont sa maîtrise lui échapperait. Quand oserons-nous avoir le langage de la vérité face aux Africains ? Quand oserons-nous enfin au discours de vérité faire correspondre nos actes ?
Et quel est-il, ce langage de vérité ? C’est de dire à l’Afrique qu’elle doit apprendre à compter d’abord sur ses propres forces. C’est de dire que le salut de l’Afrique viendra d’abord et essentiellement par l’Afrique. C’est de dire qu’il n’y a qu’une seule loi qui vaille : « Aide-toi et le ciel t’aidera », et non l’inverse, pour améliorer son sort. Voilà le biais originel du malheur qui frappe l’Afrique, et qui, à force de durer, fait croire, même aux plus volontaires, que la fatalité serait inhérente à l’Afrique, et qu’elle serait donc l’exception qui confirme la règle. Or, ce serait la pire des conclusions. Car ce serait la démission même des meilleures volontés, de l’optimisme le plus passionné pour ce continent extraordinaire, si singulier à plus d’un titre. Ce serait le triomphe du découragement, de la lassitude, de la résignation. Donc l’abandon de l’Afrique à sa propre fin, à son propre chaos. Une défaite pour l’humanité. Inexcusable. Impardonnable.
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