J’ai été plongé depuis ma plus tendre enfance dans le syndicalisme, porté encore en couches à la bourse du travail sur les fonts baptismaux de la CGT, j’avais donc dans le sang la culture syndicale et en connaissait les moindres rouages. D’ailleurs la médaille ci-contre est un héritage familial. Cette distinction était une reconnaissance envers les vieux syndicalistes, et mon grand-père l’arborait fièrement comme un étendard, de façon symptomatique dans les grande occasions, à l’évidence beaucoup plus facilement que sa croix de guerre de 14/18 ; il avait d’ailleurs l’habitude de dire qu’il avait gagné l’une en combattant le capital et que l’autre était une foutaise reçue pour avoir combattu pour le capital, servitude et don de sa personne qui lui était resté un peu en travers de la gorge…, d’autant que Jaurès était son maître à penser.
N’étant plus concerné de façon participante par ce monde-là, mon regard venu de l’extérieur s’arrête moins sur les questions revendicatives particulières, mais est plus scrutateur quant à l’action syndicale en général, et ceci me laisse en proie à maintes interrogations.
Donc, si l’un des buts des syndicats est de défendre au jour le jour les intérêts particuliers des travailleurs, mais aussi de faire valoir plus généralement les prérogatives de classes salariales diverses quand ce n’est pas celles de l’ensemble des travailleurs. Et c’est bien là que quelque chose me gêne car j’ai l’impression que de plus en plus les actions sont devenues trop catégorielles au lieu de faire bloc face au patronat qui lui est uni dans le même but, celui d’exploiter le travailleur pour faire fructifier son capital.
Sans nier que le syndicalisme est issu directement des coalitions ou groupement corporatifs proprement dits, lors du vote de la loi Olivier, mais surtout celle de Waldeck-Rousseau en 1884, on a senti dans le fait d’officialiser les syndicats comme une arrière-pensée politique ; à l’évidence la défense des travailleurs passait par une farouche opposition à une classe dirigeante conservatrice et ancrée à droite de l’échiquier politique. Cette tendance aura pour conséquence d’amener les syndicats en quête d’indépendance à se détacher des partis politiques traditionnels, mais en restant néanmoins très proches de la contestation de gauche, comme la CGT à tendance marxiste au départ, voire révolutionnaires, et a contrario on verra arriver un syndicat qui affichera ouvertement son obédience sociétale, la CFTC, qui mélangera syndicalisme et religion, ce qui cette fois n’est pas, à mon avis, le moindre des paradoxes ! Donc, l’empreinte politique était bien marquée ainsi que les affirmations philosophiques et morales. Quoi de plus logique lorsque l’on est en constante opposition à des politiciens et patrons soudés dans un seul but, préserver le système capitaliste.
Bref, j’en suis donc venu à constater que, avec l’état d’esprit qui règne de nos jours, une certaine apathie, un consensus mou, un plongeon inconscient dans la pensée unique s’articulant autour du capitalisme, cette façon nouvelle d’orientation de plus en plus apolitique des syndicats allait les mener vers un syndicalisme à l’américaine, faisant table rase de la vieille tradition syndicale de notre pays. Je sais bien : « du passé faisons table rase », mais j’eus préféré que ce fût dans l’autre sens.
On pourrait chercher diverses explications à ce phénomène en explorant les mutations de nos sociétés, mais, sans aller plus loin, l’une des causes est sans doute la période où la gauche fut au pouvoir et les syndicats se sentant proches des gouvernants n’ont pas su à cette époque garder l’esprit critique. Ils se sont donc endormis et finalement ont pris l’habitude d’entrer dans une contestation parcellaire et souvent peu vindicative. Comme le patronat conscient de cet état de fait qui l’arrange bien, et comme il a l’intention que cela se perpétue, il a demandé à ce gouvernement, complètement à sa botte, d’accentuer le fait que la revendication devait être essentiellement catégorielle, discussions secteur professionnel par secteur professionnel, quand ce n’est pas entreprise par entreprise, diviser pour mieux régner étant une devise qui a toujours porté ses fruits.
Cela dit, on peut constater que l’attitude des syndicats se complète aussi avec l’attitude des partis politiques traditionnels comme le PS et le PC qui ne font plus œuvre d’opposition sur le fond, mais ne cherchent plus qu’à tenter de modifier la forme des initiatives du gouvernement. Si peut-être SUD fait preuve d’un peu de virulence sans qu’il soit d’ailleurs facile de comprendre sa stratégie. Pour parachever le tout, on sent une lutte fratricide de plus en plus exacerbée entre les différentes composantes du mouvement syndical et comme cela n’est pas dû essentiellement à l’approche des élections prud’homales car j’ai bien peur que le mal ne soit plus profond que cela, et la désaffection des travailleurs vis-à-vis de leur syndicat en est sans doute la meilleure preuve.
Le pire de l’affaire c’est que les instances dirigeantes des divers syndicats ne font rien pour renouer un dialogue constructif dans cette période où pourtant cela s’avérerait être une nécessité. J’entends d’ici les réactions : « Oui mais, tu comprends !, Untel ne veut pas faire d’efforts », et pour Untel, c’est l’autre qui est indécrottable, on est donc pas près d’y arriver si chacun tire à hue ou à dia. Cela a donc eu pour conséquence le « démantibulage » du Code du travail sans qu’il y ait eu une véritable opposition de l’ensemble de la classe ouvrière, et je ne cite que cet exemple car, en réalité, c’est le plus important. En effet, le reste des revendications ne seront que le résultat d’une appréciation liberticide de la législation que permet ce nouveau code. Donc peu à peu s’instaure un diktat salariale de la part des patrons qui va être difficile de remettre en question en contestant de façon insipide.
Voilà l’une des interrogations que je me suis posée sur l’avenir des syndicats. Regard de l’extérieur qui certes est incomplet et demande sans doute à être parfois contesté par ceux qui baignent en plein dans le vif du sujet. Mais c’est aussi le but recherché afin d’agiter les consciences.
Ce sujet s’inscrit aussi dans la continuité des autres : « La pensée unique », « La disparition du monde ouvrier », car ce sont ces questions essentielles qui doivent animer la réflexion à l’heure où notre société pourrait être à un tournant si l’on aide quelque peu en portant fort la rébellion.
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Quand les syndicats arrêteront de vouloir enfoncer les portes ouvertes, ils gagneront en crédibilité. Pour ma part, une seule fois j’ai eu à faire à eux ; passée la porte d’un CGtiste, il a téléphoné à mon directeur pour l’informer de ma ligne de défence. Résultat : je l’ai eu dans l’os. J’ai téléphoné aux responsables parisiens, fais des courriers : silence, très grand silence. Chacun pense à son petit poste, quant à la lutte des classes, j’en rigole encore.
Je comprends ceux qui n’ont plus confiance dans les syndicats, ils n’ont pas tort.
Les syndicats au lieu de lutter non seulement pour les intérêts des salariés mais aussi pour plus de démocratie dans les entreprises, ont tout simplement accompagné la régression sociale qu’implique l’économie de marché pour les salariés.
Le MEDEF rêvait de mettre en toute priorité l’entreprise au coeur de la société. Soit disant elles apportent les richesses au pays,pas les travailleurs. Sarkozy l’a fait et ce n’est pas terminé, le meilleur est à venir. Les élites syndicales ne bougent pas pour autant : voiture de fonction, petit personnel, costume cravate vous change un homme, surtout ramolissent ses convictions.
Beaucoup de syndicalistes militants de base sont écoeurés de voir ce qui se passe au sein des sections. La seule solution c’est que les salariés se prennent par la main et fasse eux mêmes des actions. D’ici peut, il faudra payer la dîme au patron pour avoir le droit de travailler. "Tu travailles 10 h mais je ne t’en paye que 8 h" faut comprendre avec toutes les charges et frais que nous avons, il faut que les salariés y mettent du leur. C’est déjà comme ça dans beaucoup d’entreprises et je n’entends pas les syndicats contester haut et fort cet état de fait.
pour sourire ,en Mai 68 ,nous bossions dans une usine désaffectée que notre client avait racheté pour en faire des bureaux ,le portail en fer était fermé ,et pour avoir la paix ,il avait accroché des calicots " USINE OCCUPEE " et des drapeaux rouges .....
vers 13 heures ,on allait tous pour aller déjeuner au petit café resto du coin ,derriére le portail ,on entendait de la musique ,c’était l’internationale en Russe ,ce devait être les choeurs de l’armée rouge ,on ouvre ,..........
il y avait une camionnette tube Citroen ,avec des drapeaux Cgt ,des drapeaux Soviétiques ,et des hauts parleurs .....
un gars en descend avec un porte voix " camarades ! nous sommes ici pour vous soutenir dans votre combat contre le patronnat ,ne vous souciez plus du lendemain ,la Cgt va subvenir à vos besoins ,nous allons vous nourrir ,vous et vos familles ! "
et hop ,un gus nous distribue à chacun ,un paquet de bonbons La Pie qui Chante ,et un paquet de café Mokarex .....
ils sont partis brailler les mêmes trucs face à un vrai piquet de grève du bout de la rue ,c’était une imprimerie en grève,et on ne les a plus revus !
Moi j ’ aime bien les syndicaliste purs , durs , qui ne transigent pas avec les principes , et qui sont
vraiment pour la défense de travailleurs . Mais voyez plutot :
que penser du fait que les ploutocrates des syndicats etaient au courant de la retraite a 70a depuis mai ?
et quel est le dirigeant de syndicat qui a un boulot a 9000€ pour finir sa retraite ?
Moi j ’ aime les responsables syndicaux purs , durs , exemplaires , en permanence à l ’ écoute
des souffrances ouvrières ... comme LeDuigou (CGT) bien connu des telespectateurs de
C dans l ’ Air d ’ Yves Calvi .
Contentez vous de googler " retraite LeDuigou " ( j ’ arrive pas à passer le lien , sais pas pourquoi )
et vous verrez pourquoi le syndicalisme " à la Française " se casse la gueule et est devenu un repaire
de papys fièrement grassouillets ...
Mais c ’ est certainement un exception , certainement ... !
Le syndicalisme, une belle idée. La liberté d’association, défendu en France par le libéral Bastiat. Qu’est-ce devenu ? Des organisations désignés par l’état comme représentative, qui vivent de la gestion de la Sécu, de l’unedic, de la médecine du tavail, etc.., de l’argent du patronat, des élus, et très peu de celui des adhérents. D’ailleurs, les adhérents, ils s’en foutent. Sauf dans quelques bastions, et où ça ? Education Nationale, Impôts, Magistrature, SNCF, EDF.... Favorable au salaire minimum qui prive de nombreuses personnes du droit de travailler. Les insinders contre les outsiders. Travail protégé contre travail précaire, ou, mieux, pas de travail du tout.
Une réussite.
un syndicaliste m’a proposé pendant x temps de me syndiquer en me faisant comprendre que je risquais gros en faisant à moi et à quelques collègues un harcèlement journalier insistant assorti de menaces...
résultat charette et la silence plus d’info de la part du type sensé rep les employés, plus souvent en réunion avec les cadres qu’avec le personnel... il s’agit de Queb numéric, il se reconnaitra j’espère !! lui s’attribue tous les stages et les formations possibles alors que rien pour les autres !! nous sommes proche du siège à Montreuil, ce monsieur n’est pratiquement jamais la , surtout au moment des bouclages...
un jour je reçois ma lettre de licenciement, à moitié surpris, vu les ricanements et les messes basses de ce meme "syndicaliste" qui ne défend que lui meme comme beaucoup de jeunes syndicalistes malheureusement... il m’interpelle devant tout le monde en ricanant avec le délégué du personnel, autre planqué, nommé maitrise et bien payé pour suivre et faire passer les pillules et les décisions d’en haut !!
je laisse dire, il est évident que ces sales types sont restés malgré plusieurs charettes, mais je me suis défendu par mes propres moyens et j’ai obtenu gain de cause par mon avocat...
si cela était un cas isolé, mais dans la plupart des boites ou j’ai travaillé il y avait toujours un petit mole en général cgtiste qui se gardait toutes les infos qui ne diffusait qu’aux amis et favorisait "les élus" pour les stages...
résultat les deux dernières boites ou j’ai bossé, après licenciements de gens bosseurs impliqués, au profit de protégés des syndicats ont fermé !! je ne suis pas mécontent d’etre parti vu l’ambiance déplorable qu’il règnait en fin de course...
mais je l’ai constaté dans beaucoup de boites, si la France en est la c’est en grande partie parce que les syndicats ne jouent pas le role et sont des repères de petits accapareurs d’avantages facilement achetables ! la représentation est nulle...
je reconnais aussi que l’implication des gens est faible voir inexistante, s’il y avait un peu plus de monde et moins de petits chefaillons locaux cela aurait peut etre plus de sens...
meme problème que dans les partis politiques français, système de petits barons locaux, copinage, pistonnage, manque de monde impliqué de concurrence saine pour faire apparaitre des leaders locaux impliqués dans leur branche et pas une armée de perroquets qui naviguent entre le pouvoir central et la peur de perdre sa petite place et un comportement à voile et à vapeur, par manque de conviction... quand ce n’est pas une mise à dispo de cadres industriels comme ce fut le cas pour la métallurgie... et la presse !!
Je pense en effet que les anciens syndiqués doivent se retourner dans leur tombe ; voyant le nombre de moutons de panurge que sont devenus les salariés dans leur ensemble.
Comme l’indique Sampiero, il est courant de constater que par une expérience vécu, la plupart des salariés en font un cas général qui leur permet de justifier un non engagement qui pourrait leur coûter leur évolution de carrière ; individualisme oblige, les syndicats ne sont bons , pour beaucoup, que pour les sortir d’un problème auquel ils sont confrontés.
Pourtant il faut peut-être rappeler que les syndicats sont fait par des femmes et des hommes et non le contraire.
Comme Appoline parle d’enfoncement de portes ouvertes, je lui conseille d’aller lire un livre blanc transmis par une organisation syndicale aux élus. J’aimerai que notre intervenant mette en exergue toutes les portes ouvertes qui y sont enfoncées.
Cher auteur, vous avez raison d’exprimer que le syndicalisme ne se comporte plus comme autrefois. Mais encore faut-il rappeler que le taux de syndicalisation était élevé en France à l’époque des gens auquel vous faites référence, ce qui a conduit à l’acceptation du paritarisme, incompatible avec les fondements propres de toute organisation syndicale, la défense des intérêts de ses adhérents.
Aujourd’hui, en effet, croyant sans doute que toute chose acquise est pérenne, nous constatons un délitement total du monde syndical par une carence certaine de syndiqués. Là où ils restent forts, ils sont même dénigrés par des salariés qui conteste le fait qu’ils puissent défendre leurs intétêts de syndiqués, de gens engagés, sans défendre les intérêts de ceux qui ne s’engagent en rien. Une critique très confortable si il en est.
Nous pourrions relever aussi les propos du Péripate qui parle de choses qu’il ne connait pas, sauf à préciser que ce qu’il avance ne s’applique qu’au paritarisme et aux négociations avec les intances publiques, mais nullement dans les entreprises ; à savoir que n’importe qui peut monter une structure syndicale et, par ses actions syndicales, se faire reconnaître comme représentatif (droit du travail).
Il existe un autre système dérogatoire à la défense exclusive des salariés non syndiqués, ce sont les petites structures où souvent des syndiqués de plus grosses structures interviennent afin de régler des conflits.
Comme je le disais, la critique est facile. Mais dites-moi, qui d’entre vous a participé si ce n’est qu’une fois à une négociation sociale où les intérêts entre la direction de l’entreprise et ceux de ses salariés étaient divergents ?
Nous avons affaire avec de belles images de syndicats corrompus, le tous pourris. Il existe des cas où je conçois qu’il faut agir pour erradiquer ce type de comportement, mais ce n’est pas de l’extérieur que nous y parviendrons. Alors que les courageux qui daignent critiquer se mettent enfin à l’ouvrage pour changer les choses ; sauf si bien entendu, la critique n’est pas très constructive et a pour unique but la recherche de destruction ! Je vous conseille, en effet, dans ce contexte, d’aller à Sud !
Tu as l’air d’avoir la critique facile...
Petite question : es tu syndiqué ? participes tu au syndicalysme ?
ou es tu de ces gens qui crachent en permanence sur les syndicats (et syndiqué) et receuillent sans un merci ce qu’ils ont gagné, et ne font appels au syndicat que pour leur intéret personnel ?
je ne sais pas qui tu es, mais ton commentaire me fait penser à ce genre de personne.
Ceux qui ont le droit de critiquer le syndicalisme sont ceux qui participent.