Selon de nombreux médias européens, le TCE (Traité Constitutionnel Européen), devrait être ratifié par la République tchèque, ce qui permettrait sa mise en action d’ici peu de temps. Comme disait un citoyen irlandais ironique : « Tiens, le Traité pour lequel on a voté n’est déjà plus le même puisqu’y a été rajouté une vraie jurisprudence anti-humanitaire sur la légalité des décrets discriminatoires Bénès ». Bien vu !
Qui est aujourd’hui capable, parmi les citoyens et les politiques français, de dire clairement tout ce que contient exactement ce TCE qui n’a cessé d’être modifié depuis le début de son long processus de ratification, sans les peuples, sans les citoyens, à l’opposé de toute démocratie ? C’est à cette question et celles qui en découlent que cet article souhaiterait essayer d’apporter des réponses.....
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Un Traité si souvent modifié qu’il faudrait maintenant le re-voter ou le re-ratifier
Premier problème : une question fondamentale de droit élémentaire et de légalité pure pour les gouvernements de l’Union européenne, dont celui de la France : le TCE actuel n’est PAS CELUI qui a été RATIFIE par les parlements. Il n’est même plus le même qui fut soumis à référendum une seconde fois en Irlande.
Dans toute démocratie normale, un texte de portée internationale engageant le pays qui a été modifié- peu ou prou- n’est PLUS le texte voté.
En effet, c’est un autre TCE, modifié assez sensiblement sur différents thèmes et aspects, qui existe à ce jour.
Il serait donc naturel que, conformément à la tradition démocratique et aux principes de l’état de droit, soit les pays souhaitant un référendum aient à se prononcer par ce moyen sur le NOUVEAU TEXTE, soit les Parlements soient derechef réunis pour ratifier ce dernier né du TCE d’origine, bien modifié depuis sa version initiale.
Ne pas agir ainsi serait une nouvelle atteinte grave aux principes démocratiques et à l’état de droit, surtout s’agissant d’un texte qui a suscité des majorités citoyennes qui lui ont signifié un non très clair et massif dans le passé.
Le TCE, que personne n’a publié intégralement en français à ce jour, afin, au moins, d’informer les citoyens de SA DERNIERE VERSION, est devenu totalement étranger aux habitants de tous les pays membres de l’Union Européenne. Ce qui constitue déjà en soi un fort mauvais point de départ, d’une portée plus que symboliquement forte.
Il serait d’une extrême dangerosité politique d’avoir fait voter deux fois le peuple irlandais sur deux textes différents et de ne pas appliquer la même méthode aux 26 pays de l’UE qui n’ont pas RATIFIE CE TCE ACTUEL FINALISE.
Il en résulte que, pour s’arrêter ici à la France, afin de respecter l’état de droit juridique français et européen, le TCE dans sa version définitive devrait, soit être soumis à référendum, ce qui serait la méthode la plus démocratique et salutaire dans ce dossier, soit au minimum validé par le Congrès qui réunit députés et sénateurs.
Faute de quoi, au mépris général dans ce processus de validation du TCE des peuples, de leurs droits et opinions, on rajouterait le mépris le plus ostentatoire vis-à-vis des élus de la République, députés et sénateurs, ET UNE GRAVE ATTEINTE A L’ETAT DE DROIT !
Le TCE : un nouveau Traité de Versailles qui prépare un avenir conflictuel en Europe
Le dernier additif à ce TCE fourre-tout, celui exigé par les autorités tchèques, est à lui seul le plus intéressant de ce qu’est devenu ce texte ouvert à toutes les modifications les plus dangereuses en termes de relations internes au sein de l’Union européenne : il s’agit d’une inscription dans le Traité d’une clause selon laquelle les décrets Bénès de 1948 ayant abouti à l’expulsion et à la perte de citoyenneté collective de près de 3 millions d’Allemands des Sudètes et de 800.000 Hongrois au sud du pays ne pourront pas être remis en cause !!!
En Allemagne et en Hongrie, déjà, l’annonce de l’inclusion de cette clause dans le TCE a levé des sentiments justifiés d’indignation. Il s’agit là en effet de la création, dans le corps même du TCE, d’une véritable jurisprudence en faveur des déplacements forcés de population appelés aussi, depuis 1992, « nettoyage ethnique ». Il n’est pas certain que cette dernière clause soit aussi appréciée au Kosovo ou en Bosnie-Herzégovine, voire en Croatie.
En clair, le TCE grave dans son marbre le fait que les massacres d’après guerre, les expulsions massives de populations civiles, les mesures les plus inhumaines prises par des gouvernements EUROPEENS de l’époque sont ainsi couverts, admis et validés par l’Union européenne. Pour le futur de l’UE, le signal envoyé est on ne peut plus négatif.
L’acceptation par la Commission européenne de la clause imposée par le gouvernement tchèque ne fait pas vraiment la promotion de la démocratie et des droits humains, civiques, sociaux, économiques et politiques. Il ressemble plus à un cercueil des droits humains fondamentaux !
Pire, cette acceptation par les autorités de l’UE de cette clause de dernière minute contredit totalement la fameuse CEDH (Charte Européenne des Droits de l’Homme) et la méprise ouvertement.
De par ce type de clause ayant valeur d’accord européen, la Commission européenne introduit, comme le fit le Traité de Versailles en 1919, les germes de conflits entre pays membres, fondés sur des injustices non résolues, des actes de barbarie non sanctionnés, des avantages substantiels accordés aux uns et refusés aux autres.
Sur ce dernier point, il suffit de relire les « avantages » de nature dérogatoire au TCE obtenus par l’Irlande et d’autres pays qui ont farouchement négocié leur acceptation du Traité avec Bruxelles pour comprendre que le TCE n’est plus la construction d’une Union européenne à égalité de droits et de devoirs, mais l’addition désordonnée de différences entre Etats membres qui vont inévitablement générer des conflits politiques, juridiques, économiques et financiers.
La dernière clause sur le caractère immuable et légitime des décrets Bénès de 1948 suit tous les autres ajouts dérogatoires qui ont jalonné l’histoire douteuse de cette course à la ratification du TCE par des procédés d’où les citoyens ont été totalement EXPULSES et EXCLUS.
En excluant d’office le vote démocratique populaire, les dirigeants de l’UE ont créé une boîte de Pandore d’où émergent déjà des dangers sérieux de future dislocation du Traité et de l’UE..
Il résulte des faits qu’en courant derrière la ratification des seuls parlements nationaux ou des gouvernements, la direction de l’UE, non seulement, s’est coupée complètement des citoyens qu’elle prétend représenter en refusant le principe COLLECTIF IMPRESCRIPTIBLE du VOTE POPULAIRE qui aurait donné, SEUL, une légitimité démocratique au TCE, mais qu’elle a organisé elle-même un avenir conflictuel au sein de l’Union européenne.
En ce sens, la ratification du TCE par la République tchèque est une victoire à la Pyrrhus pour la Commission européenne, c’est à dire un apparent succès de celle-ci, mais une victoire d’abord contre la démocratie, mais aussi contre la stabilité et les équilibres futurs de l’ensemble qu’elle dirige.
La question des élus du peuple et de la démocratie comme noyau désintégrateur du TCE
S’il est bien un fait que le TCE dans son ultime version souligne avec force, c’est la régression démocratique et la perte du contrôle du citoyen sur leurs élus.
Le processus de ratification du TCE- fermé aux citoyens, sauf en Irlande- est de ce point de vue une vraie démonstration des dérives déjà engagées contre la démocratie et les droits civiques élémentaires des citoyens des pays membres de l’UE.
Ce qui se passe est un processus à double niveau ;
1) au niveau national de chaque Etat, les élus directs des citoyens seront moins nombreux au profit apparent de plus de députés européens dont leurs droits sont quasi-inexistantes dans les faits, car dans le mode de fonctionnement de l’UE, le Parlement n’est qu’un appendice sans pouvoir concret. C’est la Commission européenne qui tranche, décide, fait appliquer, sanctionne via ces fameuses directives européennes dont le nom dit tout de la forme et du contenu (une directive de la Commission européenne n’est pas une loi votée, elle n’est pas même soumise aux députés du pseudo-parlement sans pouvoir de Strasbourg).
Les députés européens de Strasbourg coûtent effectivement cher à la collectivité, mais les citoyens des pays de l’UE n’ont jamais vu une loi venue de ces députés onéreux contredire, interdire, refuser, abroger une seule directive de la Commission européenne !!!
Il est ainsi évident que le Parlement européen est un théâtre d’ombres, une façade trompeuse de démocratie, sans aucune réalité démocratique. D’où le désintérêt massif et légitime des électeurs pour ce pseudo-parlement sans pouvoir, sans droits, ni volonté d’en avoir un jour contre la Commission !
De fait, le fonctionnement de l’Union européenne est le contraire absolu de la démocratie parlementaire.
Les députés européens ne peuvent ni décider, ni légiférer, ni contrôler. Ils ne servent que de faire-valoir, d’alibi d’apparence démocratique. L’UE est un régime autocratique où une Commission, non-élue par les citoyens, décide de leur avenir et de leur vie réelle, sans rendre de compte à personne.
2) au niveau national : les élus qui survivront à la destruction des cadres démocratiques dans leur pays ne pourront plus être, même en théorie, les « représentants » de la volonté populaire puisque le TCE aura enfermé les 27 pays de l’UE dans sa camisole juridique de soumission totale aux décisions de la Commission européenne, voire de son Président.
Ces élus survivants ne seront plus que des « intermédiaires », des « relais », des « applicateurs » des directives européennes contre leurs électeurs, au nom du fameux principe -lequel puise son origine dans la soumission hiérarchique de principe des structures de l’Eglise catholique au pape, autorité suprême pour elles- de la subsidiarité.
Ce système hyper-centralisé pour les décisions essentielles aura comme corollaire nécessaire une apparente décentralisation semblable à celle que la France a connue depuis 1983, donc, en réalité, le transfert sur le dos des régions, départements et communes des charges et missions de l’Etat.
Le processus n’est pas nouveau, mais il va, avec le TCE, se développer et devenir un principe européen.
Ainsi, chaque région, chaque département, chaque commune va devoir assumer et appliquer les directives centrales européennes, ce qui, en fait, va se traduire par de fortes augmentations de la fiscalité de ces diverses structures dont la liberté de gestion sera réduite à néant.
De là s’ouvrira une processus de dislocation progressive des Etats eux-mêmes, mais surtout de concurrence de tous contre tous, entre les 27 Etats, entre les régions de toute l’UE, entre tous les départements, entre toutes les communes, avec des élus dont la seule mission -difficile- sera de ne pas écraser d’impôts leurs électeurs tout en prenant en charge tous les problèmes que l’Etat et l’UE ne traiteront plus.
Dans un tel contexte, la couleur politique des élus n’aura plus qu’une importance négligeable, puisque, au final, tous seront obligés d’appliquer les décisions de la Commission de Bruxelles.
Le TCE : un processus de régression démocratique général pour 27 pays.... et les autres alentour.
Voilà en résumé, car tout cela est bien entendu noyé dans des pages de texte complexe au vocabulaire abscons, ce que constitue dans son fond concret le TCE.
Sa nature essentielle est de promouvoir une immense et rapide régression démocratique en mettant en place des structures non-élues et incontrôlables, en organisant un pouvoir hyper-centralisé fonctionnant comme une autocratie sans opposition possible à ses dérives.
Si ce TCE se met réellement en place, ou même si l’actuel fonctionnement de l’UE se perpétue, les crises internes ne peuvent que s’exacerber à terme rapide.
Par ailleurs, les voix, qui ici ou là, prônent la sortie de leurs pays respectifs de l’UE vont, face aux dérives qui sont déjà en cours de cristallisation et aux atteintes multiples à l’état de droit et à la démocratie, être de plus en plus entendues et écoutées par les citoyens.
La Commission de Bruxelles tient peut-être son TCE comme assuré, mais, telle qu’elle l’a fabriqué par SON REFUS ACHARNE DE TOUTE DEMOCRATIE, elle a surtout entre ses mains la genèse de crises futures dévastatrices.
Le mot de la fin sera la phrase d’une citoyenne allemande : « Le Mur de Berlin est tombé voici 20 ans et la Commission européenne veut déjà reconstruire un mur de l’autocratie : ceci est une folie ! ».