Le TGV chinois, la concurrence globalisée et l’avenir des Européens
Le 24 juin 2008 a eu lieu aux environs de Pékin le test à vitesse maximale du train CRH3 qui est un parmi plusieurs types des « TGV chinois ». La vitesse de 394 km/heure à été dépassée.
Les premiers trains à grande vitesse chinois de la série CRH3 seront mis en service à partir du 1er août 2008 entre deux villes olympiques Tianjin et Pékin et la distance de 118 km entre les deux gares sera parcourue à vitesse commerciale en 27 minutes. Le train CRH3 sera alors, avec sa vitesse de croisière de 350 km/heure, le plus rapide parmi les « TGV chinois » mis en service.
Sur les 60 trains de la première série des « TGV chinois » qui portent l’indication CRH3 seulement 3 ont été produits en Europe, par Siemens à Krefeld en Allemagne, les 57 autres sont assemblés en Chine par le groupe industriel « China Northern » dans l’usine « Locomotive and Rolling Stock Works » à Tangshan et Siemens ne fournira plus pour ces 57 trains qu’une partie mineure des pièces d’assemblage. Le premier train CRH3 a été produit en Chine en avril 2008 et la série de 60 premiers trains CRH3 doit être mise progressivement en service jusqu’à fin 2009. Ces trains sont du type dénommé « Velaro CN » ou « ICE3 » par Siemens mais qui est en Chine désigné par « CRH3 ». Le sigle CRH signifie China Railways High Speed et 3 désigne la version selon le type de technologie. Parmi les adaptations on note que pour offrir plus d’espace la version chinoise CRH3 est 30 cm plus large que le modèle allemand Velaro CN. Le train CRH3 assemblé en Chine a une structure en alliage d’aluminium et transporte 557 passagers.
Plusieurs lignes de chemins de fer pour trains à grande vitesse sont planifiées en Chine et certaines sont en cours de construction, par exemple :
- Pékin - Shijiazhuang sur 281 km qui sera mise en service en 2012,
- Pékin - Shanghai sur 1318 km qui sera mise en service en 2013 (la plus longue ligne de train à grande vitesse au monde).
CRH3
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Les Chinois ont acquis un ensemble de technologies de trains à grande vitesse : leur CRH1 est basé sur la technologie cédée par la firme canadienne Bombardier, le CRH2 est le nom donné par les Chinois à la technologie japonaise Shinkansen, le CRH5 correspond au type Pendolino vendu par le groupe français Alstom... Toutes ces « coopérations » sont caractérisées par des contrats de transferts en général complets de technologies.
CRH5
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Après la coopération initiale, concrétisée par les contrats qui ont été largement médiatisés en Europe comme autant de succès de l’économie européenne, les Chinois sont devenus autonomes. Ils ont la capacité non seulement de fabriquer les trains et les chemins de fer modernes mais aussi de faire de la recherche et développement et leurs bureaux d’études, où travaillent les ingénieurs payés avec des salaires chinois, peuvent - à cause notamment des charges salariales très inférieures - déjà envisager de concurrencer les bureaux d’études européens sur les marchés européens.
Dans le même ordre d’idées on apprenait il y a quelque temps qu’EADS a délocalisé une partie de sa production d’avions hors d’Europe, dans divers pays y compris en Chine dans l’usine d’assemblage à Tianjin.
Dans le contexte de mondialisme il n’y a aucun obstacle à ce que pas seulement les usines mais aussi les bureaux de recherche et développement de l’avionneur « européen » EADS soient également délocalisés en Chine ou en Inde, deux pays qui actuellement forment respectivement 350 000 et 450 000 ingénieurs par an et où les salaires ainsi que les systèmes de retraite et de protection sociale sont plusieurs fois inférieurs aux niveaux européens. D’ailleurs, indépendamment d’EADS, les Chinois ont commencé la production de leur propre avion moyen courrier, le ARJ21 qui a 80 sièges, et sans doute le jour viendra où ils seront en concurrence avec EADS y compris sur le marché européen.
Ce ne sont que quelques exemples qui illustrent un mouvement général de délocalisation dans tous les domaines d’activité et à tous les niveaux de compétence scientifique ou technologique. En dehors des contrats d’achats d’équipements avec des transferts de technologie, une autre technique qu’utilisent les pays émergents pour s’approprier une part de marché et pour acquérir la technologie qui leur fait défaut peut être illustrée par l’OPA Mittal Steel : des ensembles industriels européens sont rachetés par les Indiens ou les Chinois.
On peut noter que les délocalisations de recherche et développement et en général des services à haute valeur ajoutée sont facilitées par les nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) de sorte que les multinationales, auxquelles les États européens n’imposent pas - par exemple par les barrières douanières - l’ancrage de leurs activités, n’hésitent plus à répartir leurs usines et leurs centres de recherche et développement partout sur la planète, là où sont disponibles les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs et les chercheurs les moins chers.
Les politiques de « gauche » et de « droite » qui alternent au pouvoir en Europe, en France et dans les autres pays membre de l’Union européenne, ont participé depuis des décennies à la mise en place de la globalisation mondiale des économies que désormais les Européens subissent.
La globalisation des économies a sa source idéologique dans la doctrine politique du mondialisme. Le mondialisme est une idéologie qui domine actuellement dans les milieux politiques au pouvoir dans les pays européens, qu’ils soient de « gauche » ou de « droite ». Il faut insister sur ce fait. Le mondialisme cherche à uniformiser les populations de la planète. Le mondialisme se soucie avant tout de gérer les populations de la planète globalement et il est contre la préservation des intérêts ainsi que des particularités de telle ou telle population. Le mouvement issu du mondialisme est la mondialisation, qui agit pour homogénéiser la planète par un ensemble de procédés : flux migratoires massifs au niveau planétaire, uniformisation culturelle par la répétition incessante des idées destinées à s’imposer au niveau mondial, dénigrement de toute forme de nationalisme etc. La globalisation des économies, qui est un aspect de la mondialisation, agit donc contre la préservation des intérêts et des particularités des Européens.
Les politiques de « gauche » et de « droite » qui alternent au pouvoir en Europe agissent donc conformément aux préceptes de l’idéologie mondialiste, dont l’objectif final est la suppression des frontières de tout point de vue : libre circulation des biens, des services et des personnes. Dans ce contexte la souveraineté des États se réduit progressivement. Les citoyens de ces États n’ont pas été consultés pour donner leur accord avec ces orientations mondialistes. Et notamment les faits confirment que l’Union européenne n’a pas pour objectif principal la défense des intérêts des Européens, ne s’organise pas en forteresse défensive, mais cherche à imposer la suppression de toutes les barrières protectrices.
Dans le monde constitué de vases communicants, le petit vase dénommé « Europe » voit son niveau (de vie, d’emploi, de revenu global, de retraites, de protection au travail, de sécurité sociale etc.) baisser en liaison avec la montée du niveau des autres vases aux volumes plus grands. Les Européens sont les perdants des processus de globalisation des économies.
Les politiques au pouvoir en Europe évitent de faire ce constat réaliste sur le résultat de la mondialisation, mais les dirigeants des principaux pays émergents, de la Chine et de l’Inde, expriment ouvertement qui sont les gagnants de la globalisation des économies.
Lors de sa visite en Chine, en janvier 2008, le Premier ministre indien Manmohan Singh a déclaré que « La Chine et l’Inde devraient être au centre du nouvel ordre mondial qui se dessine au XXIème siècle, qui est un tournant passionnant de l’histoire. Alors que l’économie mondiale a largement été le fait des nations occidentales au XXème siècle, elle pourrait être largement celui de l’Asie au XXIème siècle ».
Pendant ce temps-là les politiques qui sont au pouvoir en Europe ne veulent pas reconnaître que les conséquences du mondialisme sont nuisibles eux Européens, dans le domaine économique comme dans les autres domaines, mais au contraire aiment répéter « qu’en Europe pour chaque emploi détruit à cause de la globalisation plusieurs sont créés » et ils tiennent à peu près ce discours : « Chers Européens, la globalisation est bénéfique, elle vous pousse à progresser, vous serez bénéficiaires de la globalisation pourvu que vous fassiez des efforts pour faire mieux que les concurrents : vous devez vous investir dans la recherche, dans les technologies de pointe, vous devez faire des efforts pour innover dans un monde en compétition libre sans barrières et sans protections ! ».
Mais la vérité est que quoi que fassent les Européens, on peut le faire aussi bien et moins cher ailleurs.
La mise en application de l’idéologie mondialiste touche tous les domaines économiques et tous les aspects de la vie des Européens. Dans le domaine économique par exemple cela conduit à la redistribution planétaire de la production agro-alimentaire.
La répartition des productions spécialisées sur certaines régions de la planète, comme l’impose l’idéologie mondialiste, veut que la production agro-alimentaire soit concentrée dans certaines régions de la planète alors que les populations consommatrices sont dans d’autres régions de la planète. En effet c’est une aberration par exemple que le Brésil devienne le producteur de l’agro-alimentation destinée à l’Europe pendant que les champs agricoles en Europe sont mis en friche. Et c’est effectivement un exemple concret de ce que mettent en place les mondialistes.
La règle de bon sens, la règle que préconisent les écologistes, est qu’il faut essayer d’être le plus autarcique possible et surtout en ce qui concerne les besoins vitaux primaires (nourriture, eau etc.) d’une population, en respectant donc le principe que la production agro-alimentaire doit être implantée le plus près possible des consommateurs, mais aussi il faut essayer d’être le plus autarcique possible en ce qui concerne la production industrielle car le bon sens nous dit que les productions diverses doivent être réparties sur l’ensemble de la planète (pour toute une série de raisons, dont une est la réduction des gaspillages liés aux transports).
La globalisation des économies a pour conséquence en Europe d’une part la destruction des moyens de production industriels et bientôt agricoles qui sont transférés vers d’autres continents, et surtout d’autre part la dégradation des conditions de travail et la précarisation de l’emploi. Lorsque par exemple les entreprises implantées en Europe délocalisent des emplois vers d’autres continents, au Maroc, en Chine ou ailleurs, les représentants des partis au pouvoir font parfois un déplacement électoraliste sur le lieu de la catastrophe économique européenne et dans des discours de circonstance déplorent publiquement ces conséquences nocives de la globalisation. Mais en vérité ces personnalités politiques appartiennent aux partis politiques qui au fil des 30 dernières années ou plus, en cherchant imperturbablement à réaliser l’ensemble des préceptes idéologiques du mondialisme, ont également mis en place la globalisation économique de l’Europe.
Ces orientations vers la globalisation ont par exemple été confirmées et renforcées lors du Sommet du Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, puis lors de la signature du Traité européen à Lisbonne le 13 décembre 2007. Le Conseil européen réunit quatre fois par an les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne. Toutes les orientations importantes de l’Union européenne sont décidées lors de ces sommets périodiques.
Les politiques qui alternent au pouvoir en Europe sont donc personnellement responsables de la situation dans laquelle vivent les Européens. Quand les politiques disent « Ce n’est pas notre faute, c’est la Commission européenne qui impose les directives que nous devons respecter... » ils oublient de dire que c’est eux, les politiques qui au fil des ans se réunissent aux Sommets du Conseil européen, qui ont d’une part fixé les orientations mondialistes de l’Union européenne et d’autre part donné le pouvoir à la Commission européenne pour mettre en application ces orientations.
Mais sur ces questions fondamentales les citoyens européens n’ont pas été consultés, il ne leur a pas été demandé s’ils sont d’accord pour que les Européens avec leur civilisation soient dissous dans le processus de mondialisation. Dans le système politique actuellement mis en place dans les États membres de l’Union européenne les politiques sont élus, ensuite ils prennent des décisions, écrivent des lois, signent les traités internationaux, engagent des dépenses que des générations futures devront rembourser etc., sans vérifier si la majorité des citoyens est d’accord avec chacun de leurs actes, et même souvent en sachant que la majorité des citoyens n’est certainement pas d’accord avec certains de leurs actes. Autrement dit : les Européens ne vivent pas en démocratie.
Il n’est jamais superflu de rappeler ce qui a été oublié par la majorité des politiques européens : la démocratie est dans le contrôle du pouvoir par les citoyens, puisqu’en démocratie le pouvoir doit en permanence, dans chacune de ses actions, refléter la volonté de la majorité des citoyens.
Mais les politiques qui alternent au pouvoir n’écoutent pas la volonté démocratique des Européens et, tout en jouant sur les antagonismes mineurs entre « gauche modérée » et « droite modérée », les politiques au pouvoir sont systématiquement d’accord pour conduire les Européens vers le mondialisme et à l’opposé se déclarent systématiquement ennemis de toute forme de nationalisme. Quel en est le résultat pour les Européens et vers quel avenir les conduit-on ?
Les citoyens européens ne sont certes pas souvent des experts diplômés en économie, mais ils sont cependant doués de bon sens et ceux qui ont la chance d’avoir un emploi salarié ne font-ils pas un constat réaliste quand ils estiment qu’ils sont obligés de consacrer de plus en plus de leur temps au travail afin de gagner de quoi faire vivre leur famille et que leur emploi est devenu précaire ? Dans l’Europe d’il y a 50 ans un salaire moyen suffisait à une famille de cinq personnes : les parents avec trois enfants. Aujourd’hui deux salaires sont devenus nécessaires à cette famille. Est-ce cela le progrès ? Il y a 50 ans l’Europe était protégée par des barrières douanières. Il y a 50 ans les citoyens européens ne savaient pas vraiment ce qu’est le chômage et donc avaient la foi en l’avenir. Les Européens ont-ils aujourd’hui la foi en l’avenir ? Vers quel avenir les conduisent les politiques européens ?
Les orientations de Lisbonne se situent dans le cadre de la globalisation planétaire des économies et leur but déclaré est d’améliorer la compétitivité des entreprises de l’Union européenne en s’alignant sur les façons de procéder qui sont courantes dans les pays tels que la Chine ou l’Inde, où sont très minimalistes ou même n’existent pas la protection sociale et la réglementation des conditions de travail des salariés. Cela signifierait reculer vers les conditions sociales qui étaient normales en Europe au début du XIXème siècle. En résumé à la place du libéralisme économique modéré par des lois sociales on vise le libéralisme avec le moins de contraintes légales, ou en d’autres termes, à la place du capitalisme avec visées sociales, on veut le capitalisme que je qualifie de « pur » ou de « dur », c’est-à-dire sans modérations sociales.
Il se trouve qu’un fait nouveau apparaît : la mondialisation, par la demande croissante au niveau planétaire, provoque une augmentation des prix des matières premières, lesquelles sont disponibles en quantités limitées, et qui sont devenues objet de compétition. La machine mondialiste, faute de combustible, risque fort de s’arrêter.
Mais entre temps les Européens ont transféré les technologies aux concurrents redoutables et ils sont à présent à leur merci.
Les Européens, dans un monde sans barrières protectrices, pour être compétitifs avec les Chinois ou avec les Indiens, devraient donc désormais accepter que leur niveau de vie baisse et atteigne les niveaux de vie des concurrents mondiaux, comme ils devraient accepter de devenir dépendants des autres continents y compris pour la production agro-alimentaire. En fin de compte si les Européens acceptaient ce déclin ils perdraient toute souveraineté car ils deviendraient politiquement dépendants des autres continents puisque ces derniers, dans le rôle de fournisseurs incontournables de produits vitaux, seraient en position d’exercer des chantages politiques. Pour qu’un État ou une union d’États soient souverains, pour qu’ils ne soient pas en position de subir des chantages, ils doivent atteindre le niveau maximal d’autarcie. Ceux qui gouvernent en Europe ont décidé de rendre les Européens dépendants et faibles face au reste de la planète, ils ont décidé que les Européens avec leur civilisation doivent être dissous dans le processus de mondialisation. Les Européens devraient-ils accepter ce en faveur de quoi ils n’ont jamais été appelés à voter ?
Si on veut remplacer les orientations mondialistes de Lisbonne par les orientations économiques européennes que souhaite majoritairement la population européenne, quelles que soient ces orientations souhaitées par la population, il faudrait que des mécanismes existent pour permettre aux citoyens d’exprimer et d’imposer leur volonté aux politiques. La démocratie véritable devrait être mise en place [1] (consulter les notes en fin de l’article).
Car en attendant, les politiques qui alternent au pouvoir en Europe n’agissent pas dans l’intérêt à long terme des Européens. Au contraire : ils conduisent les Européens à leur perte. Vous pouvez lire d’avantage dans l’article publié sur AgoraVox : « Mondialisme, croissance économique et avenir des Européens ».
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- Notes :
Précision : après la publication de mes précédents articles il est arrivé que des lecteurs demandent s’ils peuvent copier un extrait de mon article, à quoi je réponds « oui ». Les lecteurs qui partagent les idées développées dans mes contributions peuvent utiliser les textes de mes articles pour propager ces idées sur d’autres forums, dans d’autres médias ou autour d’eux. Si vous partagez mes opinions alors vous pouvez traduire mes contributions, vous pouvez utiliser mes textes tels quels, vous pouvez les copier entièrement ou en partie, ou vous pouvez les adapter de la manière qui vous convient. Si j’écris c’est pour que les gens lisent, donc plus il y a de lecteurs meilleur c’est. L’important ici est la propagation des informations et des opinions.
Si les idées qui sont exposées dans cet article vous plaisent assez, alors n’hésitez pas : distribuez ce texte autour de vous, aux personnes connues ou inconnues. Chaque personne qui lit ce texte peut en faire des copies et les distribuer à son tour à d’autres lecteurs potentiels.
Si dès demain vous donnez la copie de cet article à au moins cinq personnes qui ont l’air d’être intelligentes, vous aurez fait beaucoup pour la propagation d’une nouvelle conscience collective. Chacun qui aura reçu ce texte pourra à son tour le distribuer à au moins cinq personnes de plus. Et ainsi de suite. Cette méthode de propagation d’idées est une nouvelle démarche citoyenne : la pyramide des idées.
On constate que l’endoctrinement officiel, qui est constamment appliqué sur la population par des moyens multiples, obtient des résultats notamment par la technique de répétition incessante des idées et des faits que le pouvoir veut favoriser. En parallèle le pouvoir en place cherche, par tous les moyens dont il dispose, à empêcher la propagation des idées qui ne lui conviennent pas.
Tous les citoyens peuvent lutter contre cet endoctrinement officiel en utilisant les circuits qui sont à leur disposition pour propager à leur tour la vérité sur certains faits que le pouvoir en place cherche à masquer.
[1] La démocratie est dans le contrôle du pouvoir par les citoyens, puisqu’en démocratie le pouvoir doit en permanence, dans toutes ses actions, refléter la volonté de la majorité des citoyens.
Il ne faut pas, comme c’est très souvent le cas, confondre la démocratie avec le fait de pouvoir élire les représentants. Être représentés par des députés, élus selon la règle de la majorité des citoyens s’exprimant dans le secret, ne signifie pas qu’on est en démocratie.
Examinons cette question centrale du pouvoir politique d’un coté et de la volonté de la majorité des citoyens de l’autre coté.
Tout d’abord revenons aux fondations de la démocratie.
Le concept de démocratie est ancien. La définition en a été donnée en Grèce il y a des millénaires.
Toutes les redéfinitions, des variantes de sens, qui ont depuis été attachées au mot « démocratie » ne sont donc que des falsifications. La démocratie technocratique, la démocratie des élites, la démocratie des oligarques, la démocratie parlementaire, la démocratie participative, la démocratie représentative - tout cela sont des tentatives de masquer les diverses formes de l’oligarchie sous des dénominations « démocratie quelque chose ».
Lorsqu’on n’est pas d’accord avec la véritable définition de la démocratie, on peut toujours citer tel personnage politique qui aurait donné une autre définition de ce qu’est la démocratie, mais ce n’est que sa définition de la démocratie, une définition fausse fabriquée pour correspondre au système politique qu’il souhaitait voir mis en place.
Rappelons la définition de la démocratie, définition qui est sans doute connue de presque tous les participants à AgoraVox. Cette définition fait partie de l’héritage culturel des Européens.
La première mention écrite connue, une définition courte de ce qu’est la démocratie, a été donnée par l’historien Thucydide (470 à 395 avant JC), même si d’autres mentions de la démocratie existent antérieures à Thucydide (notamment Hérodote).
La définition qui répond exactement et entièrement à la question « qu’est-ce que la démocratie ? » a été donnée par Aristote (384 à 322 avant JC).
Définition de la démocratie par Aristote (dans La Politique) :
« Le principe de base de la constitution démocratique c’est la liberté (c’est, en effet, ce qu’on a coutume de dire parce que c’est seulement dans une telle constitution que les citoyens ont la liberté en partage ; c’est à cela, en effet, que tend, dit-on, toute démocratie). Et l’une des formes de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant. En effet, le juste selon la conception démocratique, c’est que chacun ait une part égale numériquement et non selon son mérite, et avec une telle conception du juste il est nécessaire que la masse soit souveraine, et ce qui semble bon à la majorité sera quelque chose d’indépassable [...] De sorte que dans les démocraties, il se trouve que les gens modestes ont la souveraineté sur les gens aisés ; ils sont en effet plus nombreux, et c’est l’opinion de la majorité qui est souveraine. [...] »
Voici donc ce que disait cet Athénien il y a plus de 2000 ans, bien avant la Révolution française, laquelle quoi qu’on en dise n’a pas mis en place la démocratie véritable.
Exprimées en termes modernes les deux conditions de la démocratie véritable sont :
- La liberté d’opinion doit être garantie : cela signifie que les citoyens sont libres d’exprimer et de propager toutes les opinions quelles qu’elles soient.
- Chaque décision politique doit être conforme aux désirs de la majorité des citoyens qui désirent prendre part à la décision.
Il est certain qu’aucune des deux conditions n’est respectée ni en France ni dans l’Union européenne.
Les politiques ne doivent pas imposer aux citoyens la dictature de ce qu’il est permis de croire et de ce qu’il est interdit de penser : ils ne doivent pas imposer les opinions qui seules peuvent être propagées et ils ne doivent interdire la propagation d’autres opinions. Mais la première condition de la démocratie n’est pas respectée en France comme à des degrés divers elle n’est pas respectée non plus dans l’Union européenne. Sur le thème de la première condition de la démocratie un article a été publié sur AgoraVox : « La liberté d’expression est une condition de la démocratie ».
En France et dans l’Union européenne nous vivons dans un système oligarchique qui est au mieux une « pseudo-démocratie » de façade, qui utilise le vocabulaire de démocratie mais qui dans les faits est une oligarchie technocratique.
En démocratie véritable chaque décision politique doit être conforme aux souhaits de la majorité des citoyens qui désirent exprimer leur volonté sur la décision.
Cette deuxième condition de la démocratie n’est pas respectée en France et n’est pas non plus respectée dans l’Union européenne.
Dans le système politique actuel les politiques sont élus, ensuite ils prennent des décisions, écrivent des lois, signent les traités internationaux, engagent des dépenses que des générations futures devront rembourser etc., sans vérifier si la majorité de la population est d’accord avec chacun de leurs actes, et même souvent en sachant que la majorité de la population n’est certainement pas d’accord avec certains de leurs actes.
Cependant, la démocratie véritable n’est à présent plus une théorie mais est depuis plus d’un siècle devenue une réalité. Certes pas en France, ni dans aucun des États membres de l’Union européenne. Mais il existe pourtant un État européen qui poursuit l’idéal de se rapprocher le plus possible de la démocratie véritable.
Avec son système politique basé sur la démocratie directe et avec son organisation fédérale, la Confédération Helvétique pourrait être un modèle pour les États membres de l’Union européenne et pour les instances de l’Union européenne (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne) qui ont pris l’habitude de prendre des décisions non conformes à la volonté de la majorité des Européens.
Sur les questions fondamentales – la constitution etc. – les citoyens suisses ont la garantie que toute décision sera prise uniquement et obligatoirement après le vote direct des citoyens. Sur les questions qui ne sont pas fondamentales, les citoyens suisses ont la garantie que sur leur demande, donc suite à une initiative des simples citoyens, toute loi peut être soumise à la votation directe de tous les citoyens.
La démocratie véritable, qui est donc dans la pratique basée sur la démocratie directe – avec la possibilité donnée aux citoyens de déclencher les référendums – n’élimine pas les éléments de « démocratie représentative » ni les éléments de « démocratie participative ». La démocratie directe laisse aux uns et aux autres la possibilité de faire des propositions et laisse aux politiques la responsabilité de gérer les affaires de la communauté au quotidien. Mais elle exerce sur les politiques et sur les lobbies (c’est à dire sur les groupes de pression) le contrôle permanent du respect de la règle démocratique : « pour chaque question qui touche la communauté c’est la volonté de la majorité des citoyens qui se sentent concernés qui décide ».
La démocratie véritable, la démocratie directe, cela ne signifie pas une société qui est gérée uniquement par référendums. Le droit aux référendums d’initiative citoyenne est le droit donné aux citoyens d’intervenir lorsqu’ils estiment que la règle fondamentale de la démocratie n’est pas respectée, la règle qui est la suivante : « pour toutes les questions qui touchent la communauté c’est la volonté de la majorité des citoyens qui décide ». Lorsqu’il y a un doute, toute décision politique doit POUVOIR être soumise à la validation. Mais cela NE signifie PAS que toutes les lois sont OBLIGATOIREMENT rédigées d’après les référendums. Il suffit d’observer le système politique suisse pour comprendre les mécanismes de prise de décision : les politiques professionnels (exécutif/législatif, gouvernement/ parlement) et leurs décisions y ont leur place et les votes directs (« référendums ») d’initiative citoyenne n’interviennent que lorsque les citoyens ont un doute et veulent vérifier concernant certaines décisions politiques quelle est la volonté démocratique de la majorité des citoyens.
Dans le contexte de démocratie directe, dont un dispositif important est la garantie de référendums, y compris les référendums d’initiative citoyenne, les politiques ne s’aventurent pas à prendre des décisions qui sont manifestement contraires à la volonté démocratique de la majorité des citoyens. Les politiques sont ainsi obligés d’agir en respectant la démocratie. Et quand ils ne la respectent pas ils s’exposent au risque d’être rappelés à l’ordre au moyen de référendum déclenché suite à l’initiative des citoyens.
Les opposants à la généralisation des référendums utilisent des arguments variés pour essayer d’empêcher l’instauration de la démocratie véritable. Ces anti-démocrates pensent que la prise des décisions politiques doit être réservée à une élite. Je ne vais pas énumérer tous leurs arguments, mais en voici un : les référendums sont peut-être faisables dans les petits pays mais dans les grand pays ils sont difficiles à organiser et ne feraient que bloquer le processus de décision. Cet argument, comme tous les arguments que les anti-démocrates opposent à la démocratie véritable, ne tient pas. Le système politique qui fait appel aux référendums de façon généralisée peut être mis en place quelle que soit la taille ou le poids économique ou démographique du pays. Les États Unis d’Amérique sont un exemple de grand pays – par le nombre d’habitants et par le poids économique – qui pour certains types de décisions met en œuvre les référendums ce qui prouve que les référendums peuvent être gérés dans tout pays pourvu qu’on le veuille.
Pour recueillir les questions à trancher par référendum, ou pour recueillir les « signatures » des supporteurs afin de déclencher le référendum d’initiative citoyenne, il est possible avec les moyens techniques dont on dispose en Europe, de créer par exemple des sites internet, comme pour le vote aux élections par internet. Il faut signaler qu’au niveau des votations locales en Suisse (niveau équivalent aux municipalités françaises) il est parfois possible de voter même par SMS sécurisé. La gestion de ces sites dédiés aux référendums devrait incomber à l’État. Tout individu isolé devrait pouvoir déposer une proposition sans avoir à passer par des associations ou par des partis politiques.
Sur ces sites les idées devraient pouvoir également être exposées librement sans restrictions en éliminant uniquement les expressions vulgaires et les insultes personnelles. Cela permettrait de faire le contrepoids aux médias qui sont actuellement en position quasi monopolistique du « laveur de cerveau » des citoyens.
La véritable démocratie ne se situe ni à droite, ni à gauche, ni à l’extrême droite, ni à l’extrême gauche. La véritable démocratie ne cherche pas à favoriser telle ou telle autre idéologie économique, la véritable démocratie met en application de façon impartiale uniquement les décisions voulues par la majorité des citoyens, quelles qu’elles soient, ainsi en Suisse certaines décisions peuvent d’après les actuels critères français être qualifiées de gauche, d’autres de droite.
Par exemple les Suisses ont voté contre la libéralisation du marché de l’électricité pour protéger leurs sociétés cantonales de production d’électricité et de gaz qui sont publique et le resteront. L’infrastructure de distribution de l’eau est presque entièrement dans la main des communes, c’est-à-dire est publique. Grâce à la démocratie directe, les citoyens suisses peuvent garder le contrôle sur les infrastructures et tout en étant contre leur privatisation exigent simultanément que les entreprises publiques travaillent de manière efficace. En même temps le capitalisme n’est pas mis en cause en Suisse : les citoyens ne proposent pas et ne votent pas des lois pour privatiser à tout va.
Les citoyens de l’Union européenne sont victimes du lavage permanent des cerveaux de la part des politiques, qui parsèment constamment leurs discours du mot « démocratie », mais ne la mettent pas en pratique, et pour brouiller les pistes inventent des nouvelles définitions du mot « démocratie » pour se maintenir au pouvoir sous des déguisements de démocratie, eux et les cercles de pression qui les entourent. Pour ces raisons les citoyens n’y voient en effet souvent plus très clair dans ces discours à propos de « qu’est-ce que la démocratie ».
Pour évoluer vers la démocratie, il faudrait déjà que les citoyens européens sachent ce que signifie « démocratie ». Ils doivent connaître la définition de la démocratie véritable et non pas une autre définition de ce qu’est la démocratie, une définition fausse fabriquée pour correspondre au système politique que telle ou telle autre personnalité politique souhaite voir mis en place.
On peut être pour ou contre la démocratie véritable, mais lorsque l’on est contre, lorsqu’on préfère un autre système politique, il ne faut pas abuser en lui donnant le nom de « démocratie ».
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