Le Vatican et l’antisémitisme
Pie XI (1857-1939, élu Pape en 1922) : « « Le communisme est intrinsèquement pervers ». « L'antisémitisme est inadmissible. Nous, chrétiens, sommes spirituellement sémites. »
Au lendemain de la guerre qui prend fin en 1918, l’Action Française, une partie des élites catholiques, est en plein essor : cette organisation nationaliste et royaliste appuya constamment l’Union sacrée autour de Clemenceau et elle reçut après guerre un hommage public de Raymond Poincaré. Elle anima en toutes circonstances les combats contre les anticléricaux. Le groupement et la revue d’Action française sont aussi ouvertement « antijuifs » et luttent, sans nuance, contre ce qu’elle appelle l’« ennemi de l’intérieur ». Elle a d’autres détestations : les Francs-maçons, les protestants, les étrangers en général.
Le Pape Pie XI accéda au pouvoir en même temps que Mussolini en 1922. Sa première encyclique Ubi arcano Dei consilio constitue un programme de son action future. Il signale en premier lieu la lutte de classe qui est comparé à un ulcère mortel. Et aussi : « Dans le domaine de la politique, les partis se sont presque fait une loi non point de chercher sincèrement le bien commun par une émulation mutuelle et dans la variété de leurs opinions, mais de servir leurs propres intérêts au détriment des autres. ». Le Pape soutient Mussolini pour faire face au communisme, mais il s'irrite des exactions fascistes contre l'Action catholique.
En 1926 le Pape Pie XI exige que les catholiques rompent avec l’Action Française et publie un décret de la congrégation, datant de 1914 mais tenu secret, qui jugeait « vraiment très mauvaises et méritant censure » sept œuvres de Charles Maurras, journaliste, essayiste, poète. Charles Maurras se définissait comme agnostique ; il soutenait cependant le catholicisme afin de maintenir l’unité de la Nation Française. Il devint ainsi le principal animateur de l’Action Française. Le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française sont interdits de sacrements. En 1936, la guerre d’Espagne ravive l’anticommunisme au sein de l’Église. De nombreux ecclésiastiques font alors campagne à Rome en faveur d’une réconciliation avec l’Action française, ce qui aboutit en juillet 1939 à la levée de l’interdit par le nouveau pape Pie XII.
Les accords du Latran furent signés le 11 février 1929, entre Benito Mussolini, et le Saint-Siège. Les accords définissaient la nature d’un concordat qui faisait du catholicisme la religion officielle de l'État italien. Cependant l’État italien était écarté du choix des évêques tandis que toute activité politique était interdite au mouvement Action catholique. Le pape perdait aussi ses anciens États et ne régnait plus que sur une Cité du Vatican de 44 hectares. La République italienne de 1946 reconnut les accords de Latran, mais instaura une stricte séparation entre l'Église et l'État.
L’encyclique Mit brennender Sorge (Avec une brûlante inquiétude) a été écrite exceptionnellement en allemand plutôt qu'en latin et a été , publiée le 10 mars 1937. Elle condamne le néo-paganisme imposé à l’Allemagne, le rejet imposé de l’Ancien Testament, le mythe du « Sang et de la Race » et le culte du chef, le primat du naturalisme et des caractéristiques génétiques sur le principe de grâce et de dignité humaine opéré par le régime nazi. Les critiques de l'idéologie national-socialiste sont claires et la condamnation du racisme et de l’antisémitisme parfaitement explicites.
Hitler doit être à Rome le 3 mai 1938 en visite d'État auprès de Benito Mussolini. Le pape Pie XI sort ostensiblement de la Ville Éternelle, entouré de toute la Maison pontificale, de la Gendarmerie pontificale et de la Garde suisse, et se retire au palais de Castel Gandolfo à 20 km de Rome. Le Saint-Siège fait savoir publiquement qu' « il n'y a pas de place, à Rome, pour deux croix, la Croix du Christ et une autre croix » (la croix gammée du nazisme). Le Pape ordonne également la fermeture des musées et l'extinction de toutes lumières à la moindre fenêtre de la Cité du Vatican. Pie XI décida de prolonger de plusieurs mois son séjour à Castel Gandolfo, ce fut la plus longue absence d'un pape hors de Rome du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
Le 6 septembre 1938, Pie XI déclare à un groupe de pèlerins belges :
« Par le Christ, et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d'Abraham. Non, il n'est pas possible aux chrétiens de participer à l'antisémitisme. Nous reconnaissons à quiconque le droit de se défendre et de prendre les moyens de se protéger contre tout ce qui menace ses intérêts légitimes. Mais l'antisémitisme est inadmissible. Nous, chrétiens, nous sommes spirituellement des sémites. »
La messe est dite…
Après le soudain décès de Pie XI, Pie XII, un de ses proches collaborateurs, lui succède. Il ne continuera pas cette sorte d’héroïsme dont avait fait montre son prédécesseur. Il tenta, avec le succès que l’on connait, de promouvoir la paix et essaie de maintenir le Vatican dans une certaine neutralité en condamnant les excès de la guerre, mais il ne dénonce pas explicitement, probablement par prudence, le nazisme. Il maintient des liens diplomatiques avec les régimes qui collaborent à l'antisémitisme et à la déportation des juifs. Le pape condamne en 1942 l'existence des camps d'extermination mais en restant dans les généralités. Après la seconde guerre mondiale, le Congrès juif mondial déclarera cependant :
« Au nom de toute la communauté juive, nous exprimons une fois de plus notre profonde gratitude pour la main protectrice tendue par Sa Sainteté aux juifs persécutés pendant ces temps terriblement éprouvants ».
Les plus hautes autorités de l’église catholique ne peuvent pas être soupçonnées d’antisémitisme. La dénonciation du fascisme comme du communisme fut constante par le Vatican mais pour des raisons différentes. Le fascisme donnait aux multitudes un maître qui se voyait comme un dieu terrestre et remplaçait l’ancien, ce qui était pour le moins incompatible avec la foi chrétienne et sa substance. Le communisme lui menaçait les avoirs d’une bourgeoisie chrétienne empreinte de respectabilité. C’est donc plus l’intérêt des ouailles que la doctrine qui motivait le rejet du communisme.
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