Les chemins étranges de l’école publique
« Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrirez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment. »
Ce texte est le libellé d’un sujet de rédaction proposé en octobre dernier par un prof de lettres à ses élèves. cela s’est passé dans un lycée français du département de la Charente. L’affaire a fait grand bruit récemment. L’enseignant vient de se voir notifier sa suspension.
La sanction est sévère. Mais le sujet choisi par ce professeur est pour le moins étrange. La littérature doit certes user de subterfuges pour proposer un récit de fiction ou un portrait sociologique. Un auteur doit bien imaginer ses personnages, y compris des criminels, des sadiques, des délinquants. Il n’est pas pour autant lui-même un criminel sadique et délinquant. Le sujet proposé pourrait même être un exercice acceptable pour tenter de comprendre les gestes dramatiques de certains adolescents. Plus : en suggérant aux élèves d’anticiper l’acte fictif, ceux-ci pourraient réaliser qu’il existe peut-être des signes avant-coureurs et ainsi venir en aide, qui sait, à des camarades en détresse dont personne jusque là n’avait su décoder les appels à l’aide.
Mais quelques questions tout de même. Un tel sujet pour des adolescents d’une quinzaine d’année n’est-il pas quelque peu morbide et incitant à l’auto-dénigrement (« vous décrirez tout le dégoût que vous avez de vous-même ») ? Ce sujet a-t-il été choisi par l’enseignant en concertation avec des collègues, attendu son contenu sensible ? Ce choix est-il la conséquence d’un événement propre à la vie de l’enseignant ?
Enfin, et surtout, demander de parler d’événements personnels dans un sujet fictif n’est-il pas un étrange mélange des genres (« Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment. ») ? Est-ce une manière d’inciter l’élève à analyser sa propre vie sous l’angle de « ce qui aurait bien pu l’amener à se suicider », donc supposer qu'il donne à certains événements de sa vie une connotation suicidaire, et ne peut-on voir dans ce procédé comme une possible incitation subliminale ? L’élève a-t-il le recul psychologique nécessaire pour traiter le sujet sans s’identifier personnellement ? N’y a-t-il pas également une indiscrétion du professeur à l’égard de la vie privée de l’élève à qui l’on demande de produire des informations réelles et intimes sur sa vie personnelle et de les interpréter dans une direction précise ? N’y a-t-il pas une forme d'intrusion morale excessive dans ce procédé ?
Et ne serait-il pas plus opportun de donner des sujets qui développent la confiance en soi et la vision d’avenir de l’élève et de positiver sa vie ? Faut-il que l’école cautionne les univers glauques plutôt que les sentiments positifs ?
Certains enseignants semblent avoir pris l’école pour le lieu de leur politique et du conditionnement qu’ils exercent sur les élèves. Les deux scènes suivantes ont été rapportées à sa mère par une adolescente de 13 ans, fille d'une famille réfugiée d'une république russe musulmane, et élève d’un Cycle d’orientation à Genève. La première se passe en classe d’éducation sexuelle. A la fin de la leçon, le professeur aborde l’homosexualité. Sujet sensible sur lequel il est juste de prévenir toute stigmatisation. Cependant, aux questions des élèves, le professeur répond que ceux-ci ne peuvent pas connaître ce qu’est l’homosexualité tant qu’ils ne l’ont pas essayée.
Ce qui revient à dire : pour en parler, essayez-la. Heu... ce professeur faisait-il du prosélytisme ? L’homosexualité est un choix personnel qui n’a pas à être jugé en bien ou en mal. Je partage l'idée et soutiens le droit de chacun à user de son corps comme il l'entend. La stigmatisation de l'homosexualité est une cause de souffrance, de violence et d'injustice. La qualité de l'humain n'est pas dépendante de son orientation sexuelle. Cela posé, je ne me sens pas pour autant privé du droit de critique à l'égard de l'homosexualité comme à l'égard de différents choix de vie. Par exemple, en regard de la norme hétérosexuelle de reproduction et de la survie de l’espèce, doit-on suggérer d’en faire l’expérience ? Allant dans cette logique, faut-il dire aux élèves qu’ils doivent se brûler eux-mêmes pour parler du feu ? La position de l’enseignant a été jugée logique par les élèves, car elle offre les apparences de la neutralité. En réalité elle n’est pas neutre. Parler du vécu d’une chose demande en effet de la vivre. Mais on peut parler de cette chose de bien d’autres manières. Par exemple du fait que l'homosexualité n'est pas un modèle de sexualité reproductive (sauf à passer par des substituts). Doit-on également faire l'économie de décrire une forme de sexualité par époque débridée dans les milieux homosexuels et ses liens avec l'expansion de la pandémie du VIH (fait objectif) - forme dont les personnes hétérosexuelles pourraient parfois, pourquoi pas, s'inspirer dans leurs relation - et en analyser les causes : méconnaissance de la maladie dans ses débuts, multiplication des partenaires, comportements à risque ? Clore le sujet, fermer le débat en suggérant que seule l’expérience personnelle légitimera notre parole, n’est pas de la neutralité : c’est au minimum une forme de conditionnement, voire d’incitation subliminale.
La deuxième scène se passe dans un autre cours. L’enseignante parle d’égalité, et annonce aux élèves filles qu’elles doivent se préparer à gagner 27% de moins que les garçons. Imaginez qu’à 13 ans on vous donne cette information, sans moyen de la vérifier, dans un cadre scolaire où normalement l’enseignant transmet des connaissances valides. On vous formate en tant que filles à être des victimes, et des révoltées contre la société et contre les hommes. On alimente dès l’adolescence la frustration et une attitude revendicatrice.
Et l’on vous ment : car on sait pertinemment que ce chiffre n’est pas réel. Les différences de salaires globaux, mesurées non au cas par cas mais dans une statistique générale, sont la conséquence de choix professionnels. Les femmes optent librement pour des métiers plus sociaux, moins bien payés mais qui donnent plus de satisfaction personnelle et de dimension relationnelle. Rappelons-nous qu’en Norvège les campagnes incitatives destinées à pousser les femmes vers des métiers plus techniques et mieux rémunérés ont échoué. Une autre raison est que moins de femmes que d’hommes choisissent de faire des longues carrières car elles désirent avoir des enfants et s’en occuper. Il ne s’agit donc pas d’une discrimination mais d’un choix.
J’ai récemment lancé un appel à m’informer de cas où pour un même travail, dans la même entreprise, avec la même formation, ancienneté, niveau de responsabilité, une femme gagnerait de 20 à 27% de moins qu’un homme. Je n’ai reçu aucune plainte dans ce sens. Soit le mensonge est énorme, soit s’il y a des cas de différence ils sont marginaux tant en nombre qu’en pourcentage de différence et ne valent pas d’être dénoncés publiquement.
Enfin, dans cette même école, un professeur a demandé aux élèves de 13 ans lesquelles auraient envie d’avoir des enfants plus tard. Résultat : dans la classe aucune fille d’origine européenne n’a levé la main. Les seules à répondre positivement étaient les élèves musulmanes. Dans les trois exemples d'enseignants que je cite, je n'en vois aucun qui puisse motiver la préservation de notre civilisation.
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