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Accueil du site > Tribune Libre > Les civilisations meurent-elles par suicide ?

Les civilisations meurent-elles par suicide ?

"Quand une civilisation arrive à relever des défis, elle croît. Sinon elle décline. Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre"
Arnold Joseph Toynbee 
  

Si l'on s'en tient à la vision de Toynbee, l'histoire se présente comme l'essor et la chute des civilisations et non comme les péripéties vécues par des État-nations ou des groupes ethniques. Pour définir une civilisation, le culturel l'emporte sur tous les autres critères. Toynbee considère que la "civilisation occidentale" embrasse toute l' Europe occidentale et se distingue à la fois de la "civilisation orthodoxe" de Russie et des Balkans et de la civilisation gréco-romaine qui a précédé. Cet historien se dissocie de la représentation que se font les idéologues de la modernité inscrivant la civilisation occidentale née à la renaissance et la civilisation gréco-romaine dans un même continuum historique et culturel. Toynbee réfute cet accolement factice qui depuis cinq siècles n'arrête pas d'amalgamer pensée grecque et modernité. L'Europe de la modernité a toujours voulu puiser dans le passé du continent ce qui pouvait cautionner sa nouvelle position dans le monde, se souciant peu de confondre géographie et histoire. Une telle confusion se reflète d'ailleurs de nos jours dans la construction de l'Union Européenne. Cette dernière prend en effet l'allure d'un lit de Procuste géographique tentant vainement de passer dans le même moule néo-libéral un ensemble de cultures hétérogènes.

 La modernité, en tant que concept philosophique imposant la raison comme norme transcendantale, s'est empressée de préter à la Grèce antique cette même vision du monde. Dans son élan conquérant, l'Occident s'invente ainsi une lignée détentrice exclusive de la rationalité. L'idée d'une supériorité épistémique combinée à l'idée d'une supériorité raciale de l'homme blanc européen vont constituer le ferment idéologique de cette civilisation et mettront en branle toute une dynamique de conquêtes et d'exploitation du reste du monde. Cet élan ne semble malheureusement pas s'essouffler et continue de bouleverser la planète.

Si selon Toynbee les civilisations surgissent en réponse à certains défis d'une extrême difficulté, quelle réponse saurions-nous trouver aux défis actuels ?

Il faut cependant rappeler que bien avant la modernité, l'Occident a du faire face à un défi de taille, celui du désordre provoqué par la déchéance de l'empire romain. C'est la naissance sur plusieurs siècles de l'église catholique qui a résolu le chaos de l'Europe post-romaine en rassemblant l'ensemble des royaumes de l'Europe occidentale dans une communauté religieuse unique. Le catholicisme a constitué ainsi une réponse à ce chaos en échafaudant une nouvelle civilisation. Le dogme de l'incarnation ou la divinisation du Christ va donc être la question centrale autour de laquelle se construiront, lentement, douloureusement, les référents de la civilisation occidentale. L’homme devenu Dieu va constituer le référent fondateur de l’Occident chrétien. Au VIII ème siècle, s'inspirant de la divinisation de Jésus, Charlemagne, soutenu par l'église, imposera à la société l'idéologie du droit divin. A l'image du Christ, l'empereur devient l'expression visible, sur terre, de la volonté divine. A partir de ce moment,l'alliance de l'église et de la monarchie dirigera d'une main de fer, pendant plusieurs siècles la société. Le dogme de l'incarnation marquera alors de son empreinte l'horizon éthique, culturel, social et esthétique de cette civilisation. En réalité, cette divinisation de l'humain imprègnera non seulement les monarques mais toute la classe dominante avec tout un cortège de privilèges au profit du haut clergé et de la noblesse d'épée. Toutefois, les rivalités entre monarchies ainsi que les dissensions à l'intérieur de l'église plongeront pendant le 16ème et 17ème siècle l'Europe dans le chaos le plus total. L'atrocité de ces guerres de religion nous rappelle l'assertion de Toynbee lorsqu'il affirme que les guerres les plus violentes ont été fratricides, contredisant la thèse de Huntington qui considère que les conflits les plus longs et les plus violents ont été causés par des différences entre civilisations. Les contradictions internes de l'Occident chrétien ont fini par ébranler le dogme et pousser les minorités agissantes à relever le défi en tentant d'élaborer des réponses adéquates.

En plein milieu du XVIIème siècle, le cogito de Descartes, faisant fi de la scolastique, vient alors opérer une vraie révolution en plaçant le sujet pensant à l’origine de la connaissance. Ainsi, après la divinisation du Christ, puis celle des monarques, voilà que l'homme ordinaire se trouve élevé de la manière la plus démocratique au rang de démiurge. De l'Homme-Dieu aux hommes divinisés, l'anthropomorphisme atteint son degré ultime d'exacerbation. Cependant, il faut reconnaître que c'est au cogito cartésien que revient le mérite d'avoir remis en question l'idéologie du droit divin. Désormais aucun individu ni aucune caste ne bénéficie plus du privilège de la transcendance. La monarchie, la noblesse et l'église de moins en moins crédibles, de plus en plus contestées seront progressivement mais irrémédiablement balayées par les vents violents de la Modernité.

Le « je » cartésien, après avoir renversé les dogmes de la scolastique, va progressivement verser dans le solipsisme(1) et finira par nier tout ce qui est externe à lui, tout ce qui n’est pas une évidence de son point de vue, de sa subjectivité propre. Cette explosion de l' égo en détruisant la verticalité des transcendances a brisé en même temps l'horizontalité des liens sociaux. le sujet n'a plus le sentiment d'appartenir à un tissu social. Insensible aux solidarités traditionnelles, il ne reconnaît plus la réalité extérieure et s'enferme dans une posture narcissique. Le Moi, disait Lacan ne peut être source de connaissance, mais au contraire source de méconnaissance de l'autre. Cette indifférence à l'égard de l'altérité bascule dans l'impassibilité la plus totale.

 Cet individualisme exacerbé propice à la mobilité de la force de travail s'accompagnera depuis le XIXème siècle d'un universalisme dont le rôle est d'imposer à la planète une pensée unique organisant l'économie mondiale. L' homme nouveau, sans attaches, insensible à toute forme de solidarité mais habité par l'illusion de la liberté et de l'égalité formera le support idéal de l'idéologie du progrès, une conception unilinéaire de l'histoire ou plus précisément une réinterprétation profane de la pensée chrétienne, substituant l'avenir à l'au-delà et le bonheur au salut. Le progrès se présente comme une nécessité historique portée vers le meilleur. C'est dans ce contexte que l'homme-dieu, réduit à sa stricte individualité mais maître de son destin, ira de l'avant vers des lendemains qui chantent. Cependant, cette marche vers le progrès s'inscrit dans un ordre universel hiérarchisant les sociétés selon une linéarité spatio-temporelle. Les civilisations les plus "avancés"( entendez par là, blanches européennes) imposeront ainsi leur modèle aux civilisations les plus "attardées" fût-ce par la coercition. Depuis le XIXème siècle, courants libéraux et courants de gauche, piégés par leur égo, adhéreront chacun à sa manière au mythe du progrès. L'eurocentrisme ethnique et épistémologique, instrument idéologique privilégié de l'hégémonie impérialiste, s'impose alors à toute la planète justifiant racisme, colonialisme, spoliations et massacres. Même les modèles clé en main de lutte anticoloniale et de révolutions prolétariennes n'échappent pas à la domination de l'épistémè occidentale.

Or cette pseudo-philosophie de l'histoire n'aurait pu fonctionner sans une transformation psychologique radicale de la société. Dès le XIXème siècle, l'idéologie change de stratégie en s'interdisant de défendre ouvertement les privilèges d'une caste. L'art du camouflage de l'idéologie bourgeoise réussit alors à masquer toute hiérarchie sociale. Ce raffinement rhétorique fera dire à Kwame Nkrumah (2) que le capitalisme n'étant qu'une réforme de la féodalité, son seul "apport" est d'avoir permis à l'exploitation d'atteindre un niveau supérieur de subtilité. « Comme fait économique, écrit Roland Barthes, la bourgeoisie est nommée sans difficulté, le capitalisme se professe. Comme fait politique elle se reconnaît mal, il n’y a pas de parti explicitement « bourgeois » à la chambre. Comme fait idéologique elle disparaît totalement .. »(3). A l'opposé de la noblesse, exhibitionniste, (l'étalage de son faste créditant sa position sociale), la bourgeoisie opte pour la discrétion, préférant ainsi occulter sa domination. Cette stratégie constituera le trait essentiel de son masque idéologique. Dans cette atmosphère d'apparente homogénéité, un nouveau culte prend forme. En effet, l'énorme béance laissée par la disparition de toutes formes de transcendance sera comblée par une sorte de « religion » désenchantée, où les marchandises seront élevées (à leur tour) au rang de divinités. Elles se transforment magiquement en fétiches nous ramenant aux formes primitives d’idolâtrie. Il semblerait que Dieu, courroucé par la révolte des humains s'est empressé de les transformer en esclaves de leurs propres créatures : les marchandises. Dominé par le marché, l'individu subit la loi de l'échange. Cette régression qu'opère le capitalisme par rapport aux modes de productions qui l'ont précédé rabaisse l'homme à tel point qu'il ne signifie plus que par ce qu'il possède, par ce qu'il vaut sur le marché. L'avoir remplace l'être et la réification s'installe, éliminant toutes valeur authentique et inaliénable au profit de la seule valeur d'échange. On assiste à la naissance d'une nouvelle transcendance, celle du marché. Cette nouvelle divinité impitoyable, aux pieds de laquelle se prosterne toute l'humanité, accumulant sans trop savoir pourquoi mais ne sachant point s'arrêter, a fini par subjuguer l'ensemble de la planète. Une folie productiviste s'empare alors du monde générant ipso facto un délire consumériste généralisé. Pour la première fois dans l'histoire, la production n'est plus déterminée par le besoin, c'est plutôt elle qui stimule et crée de nouveaux faux besoins par le biais de la mode, la publicité et par un tas d'autres moyens. Cette irrationalité frisant l'absurde conduit à des crises périodiques de surproduction au moment même où la majorité de la population manque du nécessaire.

Le mythe du progrès, une temporalité désavouant le passé et situant le bonheur dans une sorte d'ailleurs toujours fuyant emporte à pas de course le monde vers l'inconnu. Une mobilité frénétique du capital, de la main d'oeuvre, des transports et de l'information s'empare de la société. Cette accélération n'aurait pu voir le jour sans l'émergence de nouvelles techniques. En effet, le hasard a voulu qu'à l'aube du XIXème siècle énergie fossile et capitalisme se rencontrent. Ils n'arrêteront pas depuis de faire bon ménage. Pourtant à l'époque de la machine à vapeur et des débuts de la locomotive l'énergie hydraulique et éolienne existaient bel et bien et ne demandaient qu'à bénéficier des nouveautés techniques pour aller de l'avant. Le développement de ces énergies renouvelables non thermiques aurait certainement entraîné un capitalisme d'implantation locale, moins conquérant et plus respectueux de l'environnement. Or le capitalisme opte pour la seule énergie qui soit en harmonie avec sa logique propre. L'énergie fossile s'avère la mieux appropriée à la liberté de mouvement propice à la mobilité du capital. L'essor du chemin de fer en est l'illustration, annonçant ainsi le début de la délocalisation. Charbon, pétrole, nucléaire se superposent et se succèdent pour donner le ton à cette folle chevauchée qu'exige le "progrès". Ce "choix du feu" comme le dit si bien Alain Gras(4), ces manipulations de forces mal maîtrisées et contre-nature s'imposent sans réticence à une humanité obnubilée par sa quête enfiévrée d'un bonheur futur, toujours insaisissable. L'énergie fossile s'insinue dans tous les coins et recoins et formera avec l'accumulation du capital un mélange explosif. Productivisme et puissance thermodynamique se prêtent main forte et poursuivent leur course aveugle dédaignant le danger mortel qu'ils font encourir à la planète. Tout dernièrement la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, après avoir occupé les médias pendants quelques semaines, est en train de passer aux oubliettes ; une banalité somme toute aux yeux d'un chef d'état de l'envergure de Sarkozy qui imperturbable, continue son business et parvient malgré tout à fourguer une centrale à la Tunisie, un petit pays pourvu de vent et de soleil et certainement incapable de faire face à une catastrophe nucléaire. Cette soif du feu au service du superflu nous laisse à la fois dubitatif et rageur, maudissant Promethée d'avoir offert ce cadeau empoisonné aux mortels.

La déferlante néolibérale après avoir eu raison de l'URSS se rue goulûment sur la planète. La barbarie du capital s'en donne à cœur joie, faisant voler en éclats tout ce qui est sensé contenir sa poussée. Après la destruction des empires, c'est aux états-nations d'exploser à leur tour. En Occident, l'Etat-providence est mort de sa belle mort. Un état rabougri , réduit au stricte rôle sécuritaire et répressif lâche la bride aux multinationales et aux finances internationales. Dans le Tiers-monde, les états ayant une valeur stratégique sont agressés puis fractionnés selon une logique ethnique ou confessionnelle. C'est bien le cas de l'Irak et du Soudan et bientôt celui de La Libye et de la Syrie en attendant le reste. Libre de toute contrainte, l'ultralibéralisme découvre son visage hideux. Pris par la fièvre spéculative il s'en prend aux acquis des travailleurs, nivelant les salaire par le bas, délocalisant, détruisant l'environnement, épuisant les ressources, incitant à la discorde, fomentant les guerres, mettant la planète à feu et à sang. Le rythme de plus en plus endiablé de cette danse macabre est en train d'emporter l'humanité vers une catastrophe assurée.

Quelle réponse au défi que représente la modernité ? Faut-il attendre que cette civilisation atteigne ses ultimes contradictions avec le risque d'entraîner avec elle l'humanité et peut-être même la planète vers le néant ?

 Il faut admettre que malgré les crises structurelles qui l'ont secoué, malgré sa fragilité, le capitalisme s'est toujours remis en selle grâce à l'impact de son système idéologique. Tant que le mythe du progrès avec sa vision linéaire de l'histoire, son universalisme et son eurocentrisme ethnique et épistemique imprégnera l'imaginaire des individus, le capitalisme trouvera toujours le moyen de résister à toutes les secousses. L' idéologie du progrès, en situant le bonheur dans un avenir toujours fuyant stimule une angoisse existentielle à laquelle le marché répond sans jamais l'apaiser totalement. On s'enfonce alors dans les abysses du consumérisme, à la recherche d'une spiritualité perdue que le fétiche marchandise miroite sans jamais permettre d'atteindre. De son coté, l'universalisme présenté depuis le XIXème siècle comme une symbiose ne peut être dissocié de l'eurocentrisme, cet autre aspect du mythe du progrès. Il s'agit en fait de hiérarchiser les peuples et les cultures justifiant ainsi la domination militaire et économique de la planète en vertue d'une pseudo supériorité raciale et épistémique de l'homme blanc occidental grimé selon l'époque en civilisateur, en humanitaire ou en démocrate.

Depuis des décennies la gauche européenne fait du surplace. Même l'écologisme et la décroissance en tant que mouvements réformistes n'auront aucune chance de s'imposer tant que le néolibéralisme gèrera l'économie mondiale. Il s'agit donc de l'affaiblir de l'extérieur en étranglant en premier l'universalisme et l'hégémonie eurocentrique. Un penseur comme Wallerstein (5) considère en effet que "le racisme est le support culturel du capitalisme historique et l’universalisme est sa clé de voûte" et ajoute que " le capitalisme historique a changé la signification du racisme, il ne s’agit plus de xénophobie mais de la création d’une relation durable entre ethnicité et division du travail". C'est donc aux peuples du Tiers-monde qu'il incombe au premier chef de démanteler cette idéologie pour la simple raison qu'ils en sont les principales victimes. L'apparente disparition du colonialisme n'a pas mis fin à la hiérarchie de pouvoir et de savoir qui devient d'autant plus subtile et d'autant plus dévastatrice qu'elle se camoufle derrière les pseudo-indépendances. Cette colonialité devient selon Quijano (6) encore plus virulente avec la globalisation, en affectant tous les aspects de l’existence sociale partout dans le monde. L'ancien colonisé continue à se déprécier à travers le prisme hiérarchisant de son ancien maître, méprisant sa culture et son ethnie et acceptant son sort comme une fatalité. L'attitude d'une bonne partie de la bourgeoisie et de la classe moyenne dans le Tiers-monde faite de mimétisme, de mépris de soi et des siens confirme une telle aliénation. C'est ce type d'intériorisation qui a permis et permet encore à l'hégémonie impériale de durer. Il s'agit donc avant toute chose de décoloniser les esprits en déconstruisant le mythe du progrès. Il s'avère nécessaire alors de faire obstacle à la division du travail sur des bases ethniques et de mettre fin à toute forme d'universalisme même s'il se prétend de gauche. Par ailleurs, la rationalité occidentale, postulée comme l’unique épistémè valide, reléguant toutes les autres épistémès dans le domaine de la doxa et allant jusqu'à les considérer comme un « obstacle épistémologique » doit être détronée au bénéfice d'une pluralité épistémique. Ceci ne signifie nullement l'établissement d'une sorte de démocratisation des cultures. Il s'agit plutôt de réhabiliter le savoir et la sagesse de civilisations millénaires qui ont su gérer avec harmonie et sur de longs siècles l'économique et le spirituel. Ces épistémès se dresseront tel un rempart face à cette boulimie accumulative, réductrice de l'humain et destructrice de la nature. L'extraordinaire est qu'il n'a suffi que d'un peu plus d'un siècle à la modernité pour imprimer au monde ce rythme fou et absurde.
 
S'inspirant chacun de son épistémè propre, les peuples coopèreront en favorisant le surgissement de nouveaux pôles de développement régionaux capables de mieux résister aux oligarchies. En Amérique latine, Le Venezuela a opportunément pris l’initiative de créer l’Alba, un projet d’intégration économique et politique, ainsi que la Banque du Sud (Bancosur), censée promouvoir un autre type de "développement". En Afrique, la Libye a joué un rôle primordial dans la création de la Banque cen­trale afri­caine, de la Banque afri­caine d’in­ves­tis­se­ments et du Fonds Mo­né­taire Afri­cain dans le but de mettre fin à la politique dévastatrice de la Banque Mondiale et du FMI et visant en même temps la création d'un marché commun africain. Il est clair donc que si l'OTAN continue depuis des mois à massacrer les civils libyens ce n'est certainement pas pour mieux les défendre mais pour arrêter net ce processus d'intégration économique.

Face à ces vents salvateurs qui nous viennent de Sud, la gauche occidentale, bien que radicalement opposée à la prédation néolibérale a du mal à se départir de son épistémocentrisme. Si des cosmologies amérindiennes ou bouddhistes sont applaudies avec un soupçon d'exotisme d'autres épistémès sont décriées et renvoyées aux tréfonds de la barbarie. Il est vrai qu'une bonne partie de cette gauche, encore prisonnière du mythe du progrès, se retrouve sans le vouloir en position d'allié objectif de l'Empire.
.
Fethi GHARBI

1)Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une théorie philosophique selon laquelle l'esprit est la seule chose qui existe réellement et le monde extérieur n'est, selon cette conception, qu'une représentation.

2) Kwame Nkrumah, "Le Consciencisme", éd. Présence Africaine, 1976

3) Roland Barthes, "Mythologies", Editions du Seuil Paris, 1957

4) Alain Gras, "Le choix du feu, aux origines de la crise climatique", Fayard 2007

5) Wallerstein, Immanuel, 1991, "The invention of time-space realities : towards an understanding of our historical systems"

6) Anibal Quijano , 1997, "The colonial nature lof power in Latin America"


Moyenne des avis sur cet article :  4.09/5   (22 votes)




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24 réactions à cet article    


  • interlibre 11 août 2011 13:11

    Une civilisation basé sur l’individualisme et sur la liberté d’écraser son prochain pour du fric ou des ipad ne peux pas tenir.


    C’est très bien expliqué ici :


    • Croa Croa 11 août 2011 14:38

      Prendre des risques insensés ce n’est pas se suicider, c’est être fou certes mais, j’insiste, ce n’est pas un suicide !


      • Fethi GHARBI 11 août 2011 15:08

        C’est le suicide d’une civilisation et non celui de l’humanité.

        A vouloir trop être dieu, l’homme de la modernité nous rappelle une fable plutôt prémonitoire de Jean de LA FONTAINE   :

        La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf

      • Louise Louise 11 août 2011 18:19

        Plus l’individualisme se développe et plus la société se délite. Le consumérisme ne peut pas être un ciment, bien au contraire.

        La société se « suicide » en n’étant justement plus une société, mais un agglomérat d’individus...


      • pallas 11 août 2011 16:43

         Fethi GHARBI,

        Je prendrai les choses différement, nous sommes des animaux, des mamiferes, et nous suivons notre programme génétique, Manger, Reproduire, Dormir.

        Le consumérisme est une chose inhérent et propre à toutes especes animales et végétales, aucunes especes ne prend garde à son environnement, la notre non plus.

        Le terme civilisation signifierai une société, mais nous sommes plus proche du fonctionnement des cafards ou des rats.

        A la base nous sommes des etres fragiles, et pour survivre, sommes forcé de vivre ensemble, c’est un schéma que nous répétons, individuel et social en meme temps.

        Il n’y a aucunes especes vivantes sur la planete ayant conscience de prendre attention à son biotope, que cela soit de l’infinie grand tel que nous ou petit tel que les bactéries ou virus.


        •  C BARRATIER C BARRATIER 11 août 2011 16:45

          Très intéressant article. Je me suis toujours interrogé sur ce qu’est une prétendue civilisation qui en a écrasé une autre avec barbarie. Au pays des Mayas, à tout instant je pensais que les civilisés n’étaient pas les conquérants mais les conquis.
          Le mot barbares ne s’attribuait pas aux massacreurs de la St BARTHELEMY puisqu’ils représentaient la civilisation catholique, de même que dans le « nouveau monde » tortionnaires et missionnaires étaient censés ne pas être barbares lors de la longue conquête. Pourtant ces « civilisateurs » étaient des barbares.
          Bref, je soumets ici le terme de civilisation à l’appréciation de tous !

          Peut être simplement n’y a - t - il jamais eu de civilisation, mais des puissances d’oppressions. Et on a confondu le mot avec la richesse artistique ou philosophique qui a pu s’épanouir (une culture) dans la suite continue de l’évolution des hommes, qui sont dans l’Histoire sans la maîtriser vraiment, même si par leur action sur la nature et leurs relations entre eux, ils évoluent. L’homo sapiens a produit une convergence mondiale en matière de biens matériels, de technologie, mais aussi de morale avec la déclaration universelle des droits de l’Homme.

          Et là, il y a du nouveau, la protection des minorités, le respect dû à tout homme ou femme dans l’égalité. Je pense que notre siècle des Lumières a été un pas décisif de ce point de vue pour une marche mondiale vers la civilisation, mais nous ne sommes pas encore civilisés, les guerres tribales ou interreligieuses subsistent, les tentatives hégémoniques (qui pour moi n’aboutissent pas à des civilisations mais à des dominations). Des peuples ne devraient jamais prétendre en civiliser d’autres, l’expression civiliser enlève au mot civilisation le contenu qu’on lui attribue en général !

          Je me permets donc de conclure que notre République sociale menacée représente un jalon qu’il ne faudrait pas perdre dans la lente émergence de la civilisation, une sorte d’épanouissement de l’homo sapiens qui disparaîtra peut être suite à un cataclysme, des épidémies nouvelles. En attendant il est là, et il s’arrivera jamais de son vivant à la perfection de la civilisation. L’égalité des hommes et des femmes, le maintien de la diversité des philosophies dans un respect mutuel, la justice dans la répartition des richesses au plan de la planète, sont peut être les tâches les plus exaltantes du siècle ou du millénaire.

          Pour illustrer mon propos, j’ai parcouru les articles de mon site Retraités dans la République, et il n’y en a pas beaucoup qui sortent de la polémique. Il faut songer plutôt au millénaire qu’au siècle pour l’accomplissement d’un nouveau progrès décisif !

          J’ai trouvé l’article « Michel SERRES : Science, civilisation, religions en bascule » ici :

          http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=136


          • Winston Smith 11 août 2011 21:11

            Bof, dans son délire narcissique l’homme de gauche ne pense qu’à « civiliser » les gens de droite...


            La pauvre, s’il savait..

          • uccle44 11 août 2011 16:46

            Merci pour cet article qui expose de manière claire les processus en cours et qui démystifie beaucoup d’idées reçues. Qui donne en même temps un soupçon d’espoir...


            • Crab2 11 août 2011 16:46

              C’est un article qui a la prétention de refaire l’histoire et surtout de nier les valeurs qui sont fondatrices de notre culture, de notre démocratie et notre identité nationale


              Réponse sur la page

              http://laiciteetsociete.hautetfort.com/0-2011-l-hellenisme/



              • pallas 11 août 2011 17:12

                C’est quoi les valeurs fondatrices ?.

                Les Hellenes, les Etrusques, les Mycéniens, les Celtes, les Carthaginois, les Saxons, les Anglo, les Francs, les Vandales, les Phéniciens, les Latins, les Amérindiens, les Azteques, etc etc etc.

                Ils n’étaient pas les champions de la vertu, bien au contraire, la Série Rome sur Arté represente bien ce monde qui n’était pas si différent du notre.


              • easy easy 11 août 2011 17:21

                Il y a plein d’idées bousculantes dans ce texte et j’adore être ainsi bousculé.

                Mais hélas, il y a une ficelle et, au-dessus, une main qui oriente peu à peu le discours vers un concept trop beau, trop net, trop précis qui fait le procès de l’Occident en ce qu’il serait porté par une stratégie impérialiste (même de nos jours).

                Je préfère la connaissance (du bébé) à la reconnaissance (efficaciste, utiliste) de l’adulte.

                Là, vous reconnaissez trop et connaissez donc peu.




                «  »«  »....d’autres épistémès sont décriées et renvoyées aux tréfonds de la barbarie «  »«  »

                Alors que ce point est essentiel de votre discours (il existe d’autres epistémès), vous n’en dites rien.
                Aux épistémologistes que nous sommes, il est indispensable (après avoir consenti à parler notre langue, à pratiquer notre grammaire et syntaxe) de porter à notre connaissance, d’autres formes de connaissance (cataphatique donc positive, mais aussi apophatique donc négatives) 

                A titre de comparaison, il m’est arrivé de dire ici qu’il existe d’autres définitions du « Je » ou du « Moi » dans le Monde et je me suis alors donné le mal d’expliquer le cas vietnamien.



                • Fethi GHARBI 12 août 2011 12:35

                  Il y a plein d’idées bousculantes dans ce texte et j’adore être ainsi bousculé.

                  Merci, le plaisir est partagé !

                  ...qui fait le procès de l’Occident en ce qu’il serait porté par une stratégie impérialiste (même de nos jours).

                  Eh oui, surtout de nos jours.

                  Je préfère la connaissance (du bébé) à la reconnaissance (efficaciste, utiliste) de l’adulte.
                  Là, vous reconnaissez trop et connaissez donc peu.

                  Certainement parce que je ne suis plus un bébé...Hélas !

                  «  »«  »....d’autres épistémès sont décriées et renvoyées aux tréfonds de la barbarie «  »«  »
                  Alors que ce point est essentiel de votre discours (il existe d’autres epistémès), vous n’en dites rien.

                  Vous avez raison mais une devinette ouvre des voies multiples. Alors devinez...

                  (après avoir consenti à parler notre langue, à pratiquer notre grammaire et syntaxe)

                  Voudriez-vous me montrer votre titre de propriété, j’aimerais bien y jeter un coup d’œil si cela ne vous dérange pas.


                • Gargantua 11 août 2011 19:54

                  Les civilisations sont toutes mortels, c’est un reflet de la vie humaine.
                  Par sa naissance, l’âge adulte et sa vieillesse pour disparaitre, pour le grand bonheur des archéologue.
                  Nous aujourd’hui dans un modèle de civilisation Européenne depuis la fin du moyen age, et apparemment nous vivons le même drames que la Grèce Antique qui à été absorbé par l’Empire Romain.

                  Cela durera un certains temps avant une autre civilisation prenne le relais.
                  A nous d’en avoir conscience et de vivre intérieurement la résistance à médiocrité qui est en train de submergé.

                   


                  • Laratapinhata 11 août 2011 23:56

                    Franchement c’est un article débute mal...


                    L’Eglise catholique comme recours au désordre suivant la chute de l’empire romain ? c’est une thèse, pas une réalité... Anti-thèse : l’Eglise catholique a précipité l’Europe dans les ténèbres en armant un barbare comme Clovis contre les Wisigoths (et leurs cousins Ostrogoths) qui avaient restauré le meilleur de l’empire romain, qui avaient instauré une société de tolérance mais qui avaient l’infâme tare d’être des chrétiens ariens, disciples de l’hérésiarque Arius...

                    • uccle44 12 août 2011 10:41

                      N’oublions pas les Bigoths et les Saligoths  smiley


                    • Fethi GHARBI 12 août 2011 11:59

                      Anti-thèse : l’Eglise catholique a précipité l’Europe dans les ténèbres

                      Oui mais c’est après coup.

                      l’originalité de cette église est sa divinisation du Christ . C’est peut-être la première fois dans l’histoire qu’un mortel accède au rang de divinité. Cette brèche une fois ouverte va imprégner l’imaginaire et orienter l’histoire. Avec l’idéologie du droit divin ce sont les monarques et la noblesse qui vont bénéficier du privilège de la divinisation. L’idéologie bourgeoise va ensuite et de la manière la plus abstraite diviniser l’individu ordinaire, mais elle ne s’arrêtera pas là, car avec le développement de l’économie capitaliste c’est à la marchandise de s’élever au rang de fétiche ...

                      Attendons la suite...


                    • Laratapinhata 12 août 2011 13:45

                      Faux. Le mythe de Dyonisos (issu de celui de Horus) ou celui de Mithra, par exemple précédaient l’invention Christique... Y a même de grande chance pour que le Christianisme ait opportunément recyclé les aspect les plus spectaculaires... 


                    • Fethi GHARBI 12 août 2011 15:21

                      @ Laratapinhata

                      Oui, vous avez en parti raison, mais le tragique qui caractérisait le rapport qu’entretenaient les hommes et les dieux dans la cosmologie grecque a totalement disparu. La divinisation s’est transformée en outil idéologique répressif hiérarchisant .les rapports sociaux...


                    • Fethi GHARBI 12 août 2011 11:13

                      aaaaaaaaah a voir l immigration de masse tolérée depuis 50 ans en europe c est certain on s est suicidés.

                      Rien que pour pasticher votre beau style :

                      aaaaaaaaah malgré l invasion en masse, intolérable qui depuis 500 ans massacre à coups de canons les populations d’Afrique, d’Asie et d’Amérique on n’est pas prêt de se suicider... 

                      Alors là on est au moins d’accord sur un point.


                    • Traroth Traroth 12 août 2011 11:48

                      Jared Diamond, dans « Effondrement », a un avis complémentaire. Pour lui, l’effondrement d’une civilisation vient d’une inadaptation chronique entre la civilisation et les facteurs qui permettent son existence. Il cite entre autre les facteurs environnementaux (gestion des ressources naturelles), sociaux (paix sociale) et démographiques (surpopulation).

                      La logique de pillage est le fondement du libéralisme. La civilisation actuelle consume les ressources naturelles en une frénésie de consommation jetable, un gaspillage inouï, et tant pis quand il n’y aura plus rien à piller. Les laissés-pour-compte sont l’écrasante majorité, désormais, et les plus riches s’accaparent une part croissante de la richesse mondiale.

                      Il est inévitable que quelque chose se brise, à une moment ou à un autre, tellement les tensions internes du système sont fortes.

                      La révolution ou le génocide, ce sont les seuls dénouements que je vois.


                      • Fethi GHARBI 12 août 2011 14:09

                        Traroth

                        Merci, j’adhère tout à fait, hélas, à cette thèse


                      • Tiberius Tiberius 12 août 2011 12:19

                        Beaucoup de culture et de réflexion pour une conclusion tout ce qu’il y a de plus convenue et qui ne déplairait au demeurant sûrement pas à une Marine Le Pen.

                        Enfin, merci quand même pour l’effort, mais vos espoirs sont vains et tout ce qu’il restera bientôt des peuples de cette planète ce sont de petites communautés désunies et disséminées aux quatre coins du monde en fonction des besoins du marché. NON, vous n’arrêterez pas l’essor du modèle libéral.


                        • Fethi GHARBI 12 août 2011 12:52

                          Tiberius

                          Oui, je ne peux dire que vous n’aviez pas raison mais je n’arrive pas à désespérer non plus...


                        • dup 12 août 2011 12:25
                          Les civilisations meurent-elles par suicide ?

                           OUI

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