Les cryptos sont mortes, vive le papier monnaie
Au moment où certains s’essaient d’émettre du papier monnaie prétendument « libre », alors que les cryptos étaient encore présentées il y a quelque mois comme l’avenir de la liberté monétaire, il serait sans doute opportun de bousculer certaines idées fausses à propos de ce qu’est la monnaie et de ce qu’elle n’est pas .
Premièrement, la monnaie n’est que l’expression d’un système économique donné, dont elle assure les besoins de financement, et non la création de richesse elle-même qui ne saurait précéder la création de richesse réelle, alors même que la plupart des économistes prétendent le contraire, en faisant de l’offre monétaire le moyen de relance budgétaire par excellence en relançant la croissance avec les dépenses publiques financées par la dette. Les monnaies de marché ont amplement démontré les travers de cette approche ces dernières années, en finançant tout et n’importe quoi, à commencer par des dépenses improductives comme la relance Covid qui comblait les trous de trésorerie d’entreprise par des prêts en liquidités fictives mais remboursables, ou encore la relance Covid orientée vers les énergies vertes, le développement durable ou la substitution des énergies carbonées devenues le principal moteur de l’inflation, par la faute de nos gouvernants qui ont trouvé très malin de fermer le robinet des gazoducs à la place des Russes. Le travers de la monnaie dette issue des marchés est donc d’une part de disposer de réserves illimitées de fausse valeur monétaire, dont le refinancement est garanti par le passif illimité de banques centrales de marché et d’autre part de faire croire que la vraie valeur n’est pas dans la production de biens ou de services ayant un valeur intrinsèque mais dans l’arrosage de manne monétaire qui est considérée, d’un point de vue budgétaire et économique, comme de la vraie valeur équivalent PIB. N’oublions pas que la croissances des dépenses publiques financées par la dette est comptabilisée dans le PIB, ce qui fait que plus le recours à la dette pour financer les budgets étatiques augmente, et plus la nation s’enrichit fictivement, ce qui permet à la Commission de prélever au passage sa part du PIB national qui est financée par la dette.
Deuxièmement pour que la monnaie dette ait de la valeur, il faut qu’elle soit garantie par un capital correspondant, les réserves de la banque centrale ou par une garantie de refinancement sous la forme de rachat ultime des titres dette par la banque centrale, le cas échéant. Ces titres deviendront des actifs de la banque centrale garantis par de la monnaie banque centrale inscrite à son passif, en vertu du principe qu’une banque centrale de marché peut émettre une quantité illimitée de monnaie banque centrale, pourvu que cette monnaie puissent être échangée contre des titres de dette offerts par les acteurs de marché. Ainsi à la quantité illimitée de dette potentiellement créée par le marché correspond la quantité illimitée de dette potentiellement créée au passif de banque de marché comme le sont la banque d’Angleterre, la FED, la BCE ou la BOJ. C’est ainsi que des investisseurs de marché comme la Commission européenne peuvent se permettre d’augmenter indéfiniment leurs budgets, du fait de l’offre de monnaie dette illimitée des marchés. D’aucuns ne se sont jamais posés la question de savoir pourquoi la Commission européenne n’avait jamais tenu ses promesses d’austérité budgétaire, à la suite de la crise de 2011, alors même que Barroso avait annoncé que cette institution se devait de montrer l’exemple de la vertu budgétaire aux Européens priés de se serrer la ceinture. La raison en ait bien simple puisque la Commission se nourrit des contributions des Etats membres au prorata de leur richesse nationale, alors même que cette richesse n’est que la transcription de dépenses publiques converties en activités économiques financées par la dette. C’est ainsi que la crise des migrants en Allemagne a été un facteur de croissance économique, du fait que l’état allemand dépensait des dizaines de milliards d’euros aux dépenses d’accueil de populations invitées en Allemagne. Dans la même logique, la Commission émet des euro obligations garanties par les Etats membres afin de financer des programmes de dépense européens, tels l’achat de milliards de doses de vaccins, les énergies renouvelables ou l’aide militaire à l’Ukraine.
Face à cette quantité gigantesque de monnaie émise, la tentation est forte de se dire qu’un tel système qui ne profite qu’aux riches est tôt ou tard condamné à l’effondrement, du fait que l’économie réelle est mise à la merci de ses bailleurs de fond, qui se servent des moyens d’investissement comme d’une arme pour faire pression sur l’économie et la société en la forçant à avancer dans le sens voulu. Cela ne serait pas trop grave si ceux qui pilotent le changement avaient pour objectif la prospérité économique et le bien-être des populations. Or c’est tout le contraire qui se passe, puisque des budgets faramineux sont consacrés à des activités porteuses de mort et de destruction. Ainsi les crises s’enchaînent avec leurs cortèges de misère, alors même que les quantités monnaie consacrées au soutien économique atteignent des proportions inconnues. Eu égard aux effets de cette monnaie, on est en droit de se demander où va l’argent et quels ont les résultats. Naturellement, aucun compte n’est rendu à la nation, si ce n’est des rapports sur des partenariats public-privé qui laissent entendre que les liquidités sont consacrées au financement de société privées répondant à des appels d’offre de ministères publics, tels la mise en œuvre des programmes de développement durable ou la développement de nouveaux vaccins basés sur des bio technologies avancées.
Face à cette absurdité dans l’utilisation et la conception de la monnaie, certains se disent qu’il est temps de reprendre son indépendance si chèrement acquise mais légèrement abandonnée, en émettant une nouvelle monnaie papier destinée à prendre le relais des euros, pour l’émission de crédits ou comme support légal de paiement dans les opérations de la vie courante. La création d’une banque privée émettant de la monnaie privée répond à cet objectif, sans trop oser l’avouer, comme certains s’y étaient essayés, lors des prémisses du capitalisme financier en Angleterre ou en France au XVIIIe siècle. A ce titre une monnaie dette en remplace une autre sur la base d’une parité auto-proclamée, mais sans vérifier que le capital existe pour garantir la valeur de cette nouvelle monnaie dette. L’euro avait pour garantie économique la valeur tirée des marchés financiers garantie par le passif de la BCE qui permet de financer tout ce qui passe par la tête des politiques, aussi bien des centrales nucléaires que l’embargo sur les hydrocarbures russes ou l’arrêt presque complet de l’économie pour cause de confinement. Mais dans le cas d’une monnaie de marché comme l’euro, des actifs se trouvent en face des des dettes émises, avec cet avantage dans le cas d’une monnaie de marché que les actifs peuvent aussi bien être financiers qu’économiques, sans pour autant être limités au territoire national, mais dispersés entre le portefeuilles d’investisseurs mondiaux et donc disposant d’une surface de contrepartie financière mondiale. Dans le cas d’une monnaie dette nationale, il en va tout autrement, puisque ces actifs de garantie sont circonscrits aux acteurs économiques financés par cette monnaie sur le territoire national et ne peuvent prendre la forme d’actifs financiers librement échangeables sur des places financières. On change donc de monnaie, mais sans changer de modèle économique donc sans vérifier que la garantie de la valeur de la monnaie émise persiste, alors même cette monnaie n’est pas accessible aux investisseurs internationaux. Et pour cause puisqu’il s’agit d’une monnaie fiduciaire nationale et non d’actifs monétaires de dette échangeables sur les marchés.
La donne monétaire change donc complètement, puisque la valeur de la nouvelle monnaie est décrétée et non pas assurée par des actifs économiques équivalents. La parité de fiction entre l’euro, monnaie dette servant de support à des instruments de marché et une monnaie fiduciaire sans contrepartie équivalente est donc condamnée à disparaître rapidement pour retrouver sa vraie valeur économique. La question d’une monnaie nationale dite « libre » n’a donc de sens que pour autant qu’elle correspond à un ensemble économique qui serait libre lui aussi, c’est-à-dire détaché de la mondialisation avec toutes ses attaches administratives, judiciaires, fiscales et autres. Il faut donc raison garder quand on parle de liberté de la monnaie, qui sous-entend la liberté d’acheter ou de vendre avec cette monnaie sur la base d’une vraie valeur garantie par ds actifs économiques tangibles. Or dans le contexte de la mondialisation cette valeur est loin d’être garantie étant donné que les actifs économiques nationaux sont dispersés aux quatre coins de la planète et circulent sous une forme financière dématérialisée entre les investisseurs internationaux. En cas d’effondrement du système financier, ces actifs ne vont pas revenir en France du jour au lendemain. Il faudra le temps de recréer une économie sur la base d’un marché national, alors même que tout a été organisé en fonction de l’intégration dans un ensemble économique et juridique mondial. D’où l’idée de d’abord recréer un tissu économique local permettant à ses occupants de subsister, avant de penser à créer une nouvelle monnaie qui n’aura de valeur qu’en fonction de sa capacité d’échange. Autant dire qu’il faut tout refaire en commençant par la satisfaction des besoins alimentaires conçus dans un contexte d’autonomie maximale et avec l’idée de se passer le plus possible de monnaie au lieu de vouloir revenir à l’ancien système de la monnaie fiduciaire dans un contexte où la souveraineté économique est un vain mot.
A ce titre, les précédents du Moyen-âge ne manquent pas, lorsque les manants se mettaient sous la protection d’un seigneur, dont les principaux avaient la chance de disposer d’une mine de métaux précieux sur leur fief, ce qui leur permettaient de battre monnaie de manière à faciliter les échanges commerciaux intra et extra-muros, tout en prélevant des droits de seigneuriages. Car ce qui compte avant tout c’est la cohérence entre la quantité de monnaie produite et la richesse produite, leçon qui a été vite oubliée avec la monnaie dette de marché qui compense la perte de valeur de la monnaie par l’excès d’impression, par une demande excédentaire en produits de dette en provenance des acteurs de marché. Or cette faculté de manipuler la valeur de la monnaie en fonction de la quantité émise par une demande virtuelle au moins égale n’existe pas avec les monnaies fiduciaires, dont la contrepartie en valeur réelle est beaucoup moins élastique, du fait des contraintes dans le monde réel. Autant dire que ceux qui prétendent aligner les tranches d’émissions sans tenir compte de cette contrepartie en valeur réelle, mais en contrepartie fictive du fait de la fausse parité avec l’euro, s'exposent à de cruelles déboires, si la production financée par cette monnaie ne suit pas la cadence. Cela revient à remplacer une fiction par une autre, en ajoutant un degré d’abstraction du fait que la nouvelle monnaie est dérivée de l’ancienne sur laquelle elle est adossée et donc n’a de « libre » que le nom.
Le réel problème, comme indiqué précédemment, réside dans le changement de système économique qui doit s’affranchir de l’idéologie régnante pour retrouver des saines valeurs philosophiques s’appuyant sur le réel en non sur la fiction d’un homme nouveau correspondant aux droits de l’homme qui servent de base idéologique à la construction d’un homme fictif et d’une société soumise aux aléas du changement permanent suivant les rêves utopistes de nos dirigeants. A cet égard, l’expérience russe d’affranchissement de la mondialisation pourrait servir de leçon, car il s’agissait bien de substituer un système monétaire à un autre, mais sans nécessairement changer de système économique, dont la gouvernance conserve les grands principes de l’économie mondialiste tels que l’intégration et l’harmonisation juridique sur la base des chartes de l’ONU et autres organisations internationales. D’ailleurs lors du dernier sommet de l’organisation de Shanghai, Xi a rappelé à Poutine que l’avenir appartenait au développement durable. Nul besoin de préciser qu’en l’absence de changement idéologique fondamental, l’expérience de la pseudo indépendance russe était vouée par avance à l’échec, comme on a pu le constater avec les déboires de la carte Mir (*) finalement bloquée par les banques partenaires étrangères ou les limitations du système de messagerie financière mis au point par la banque centrale russe qui demeure quasi inexistant face à Swift. Idem pour les « importations parallèles » censées contourner les sanctions, qui devaient consacrer la collaboration entre les nouveaux partenaires de l’ordre mondial multipolaire mais qui patinent, du fait de la défection chinoise, qui veut bien des hydrocarbures russes revendus à l’Europe mais qui rechigne à vendre à la Russie des équipements industriels du fait de la menace de sanctions secondaires (**).
(*) Cependant, le 21 septembre, on a appris que les banques publiques turques Halkbank, Ziraat Bank et VakıfBank avaient décidé de cesser d'utiliser le système de paiement russe Mir. Selon Bloomberg, ces intentions des banques turques sont un exemple de la façon dont les sanctions américaines secondaires obligent les pays à se distancier de la Russie. Après la Turquie, l'acceptation des cartes Mir a été suspendue par certaines banques au Vietnam, au Kazakhstan et en Arménie.
Comme les experts l'ont expliqué aux Izvestia, en raison de la pression de l'Occident, les acteurs individuels peuvent introduire temporairement de telles mesures afin de ne pas être coupés du système financier mondial. Dans le même temps , la Banque centrale a l'intention de poursuivre le dialogue sur l'élargissement de la géographie de l'acceptation des cartes nationales, et le dirigeant turc Recep Erdogan a chargé les ministres de développer des alternatives à Mir avec Moscou . Des négociations sont en cours pour accepter les cartes dans les pays du Moyen-Orient, d'Amérique latine, d'Asie du Sud-Est et de Chine. Cependant, pour ceux qui partent à l'étranger en ce moment, les experts recommandent de prendre de l'argent au cas où.
(**) Au cours des huit mois de 2022, les exportations russes vers la Chine ont augmenté de 50 % (à 72,9 milliards de dollars), tandis que les importations en provenance de ce pays n'ont augmenté que de 8,5 % (à 44,2 milliards de dollars), selon le Bureau des statistiques douanières de Chine. En conséquence, l'excédent commercial avec la Chine a quadruplé sur l'année, principalement en raison de l'augmentation des approvisionnements de la Russie en matières premières et vecteurs énergétiques dans le cadre du « pivot vers l'Est ». À en juger par le discours du représentant de la RPC au Forum économique de l'Est, la Russie ne devrait pas s'attendre à une accélération des contre-livraisons d'équipements chinois dont la Fédération de Russie a besoin pour remplacer les importations.
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