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Accueil du site > Tribune Libre > Les électeurs à l’heure du choix

Les électeurs à l’heure du choix

Alors que la campagne prend dangereusement une tonalité assez médiocre, essentiellement basée sur des caricatures personnelles, il me semble utile de rappeler quelques éléments de fond sur lesquels les électeurs devront réfléchir avant de glisser leur bulletin de vote dans l’urne. En effet, la place de troisième homme de Bayrou rend à l’élection présidentielle sa bipolarisation. Prenons-en acte au moins jusqu’aux législatives.

Le 6 mai se décidera un projet pour la France. C’est une date capitale et j’aimerais partager avec vous, de droite comme de gauche, mon sentiment sur les enjeux de cette élection. Ne pouvant parler de tout dans ces rubriques nécessairement limitées en place, je vous propose d’aborder ci-après le thème de la notion de service public, thème bipolaire par excellence.

D’un côté nous avons une inclinaison plutôt de droite qui consiste à penser que souvent (pas toujours) la gestion privée d’une activité génère forcément une meilleure efficacité de ce service pour un coût identique, voire moindre, qu’un service public. Cette conviction est en général assise sur quelques exemples éloquents de désastres financiers ou industriels où la gestion étatique a brillé par ses incohérences et plus généralement sur l’idée selon laquelle les collectivités publiques ne sont pas les meilleurs gestionnaires d’entreprises.

De l’autre côté de l’échiquier politique nous avons une pensée selon laquelle le service public, au contraire, est la garantie d’une gestion puriste et désintéressée dans laquelle n’interfèrent pas les intérêts des actionnaires et/ou d’une caste dirigeante. Le service public serait ainsi le garant d’une certaine éthique dans la gestion des affaires et aussi dans l’exécution même du service concerné.

Ces deux convictions reposent, de mon point de vue, sur deux erreurs. Je crois que les libéraux ferment les yeux sur la vicissitude de la nature humaine qui est inéluctablement tentée par le fait de faire passer des intérêts personnels avant l’intérêt général. De l’autre côté, je crois que les « publicistes », eux, ferment les yeux sur la vicissitude de la nature humaine qui est inéluctablement tentée par le fait de faire passer des intérêts personnels avant l’intérêt général.

Par cette boutade je souhaite exprimer mon idée selon laquelle ces deux conceptions de la vie économique sont néfastes lorsqu’elles ne sont pas assorties de contre-pouvoirs efficaces et pertinents. Et aussi que ces deux conceptions sont sources d’effets positifs et non pas seulement négatifs. Le secteur privé sera plutôt source de dynamisme, d’adaptation, et, je crois, d’économie. Le secteur public sera plutôt source d’équité, d’humanisme et, je crois, de désintéressement.

Et là, vous dites, « il est gentil, Icks Pey, mais il caresse tout le monde dans le sens du poil ».

Mais non, car au-delà de cette alternative privé/public se pose en réalité la question des contre-pouvoirs. Or, aujourd’hui, ces contre-pouvoirs existent-ils ? Le secteur privé est extrêmement réglementé et je crois qu’il est possible de lutter contre ses effets pervers. Par exemple, quoiqu’on dise, les licenciements économiques sont très encadrés, même si des anormalités existent encore. Quoiqu’on dise, il n’est pas possible de faire n’importe quoi avec ses produits, avec ses services. La collectivité publique que nous sommes est en mesure de profiter pleinement des avantages d’une gestion privée (adaptation, dynamisme, création de richesse, innovation ...) tout en se protégeant du pire du libéralisme.

L’inverse ne me semble pas toujours vrai. Force est de constater que les services publics n’appartiennent plus à la collectivité nationale mais aux syndicats qui, d’ailleurs, ne représentent qu’une partie minoritaire des fonctionnaires. Il n’y a plus aucun contre-pouvoir à l’administration en France. La preuve, c’est que des ministres de gauche comme Christian Sauter et Claude Allègre se sont eux-mêmes cassés les dents sur le leur (Finances et Éducation Nationale).

Je donne un exemple : la notation des fonctionnaires est depuis longtemps une chimère. Pour avoir la paix sociale, les chefs de service évaluent tout le monde à d’excellentes notes qui ne se différencient que par quelques dixièmes. C’est de notoriété publique. Ainsi, les souhaits initiaux d’équité, qui étaient louables, se sont transformés au fil de l’eau en égalité forcée, voire même parfois en source d’inégalité selon que vous avez votre carte du parti ou pas (par exemple chez EDF à une époque). Or, cette situation bride les énergies, empêche les évolutions positives et casse les tentatives d’amélioration. L’absence de « carotte et bâton » conduit à un nivellement par le bas : lorsque la compétence, la performance ou le sens de l’initiative ne sont pas récompensés, et bien , il est inéluctable que certains fonctionnaires soient enclins à baisser les bras et je serai le dernier à leur jeter la pierre dans ces conditions-là.

Je souligne que je crois profondément aux vertus du service public. Il reste avant tout un concept économique sain et généreux mais la réalité s’impose à nous : il est devenu un État dans l’État. L’administration publique est au service du public et non de ses fonctionnaires. Et je crois que les syndicats de fonctionnaires ne se rendent pas compte qu’ils tuent, petit à petit, l’attachement que les Français ont pour le service public. Et au final, mon intime conviction est la suivante : les ultralibéraux qui vomissent l’idée même de service public et qui voudraient tout privatiser se nourrissent des positions dogmatiques et sclérosantes des syndicats de fonctionnaires. Il n’y a pas mieux qu’une grève générale de la RATP pour jeter par poignées des électeurs dans l’idée selon laquelle le service public n’est source que de maux. C’est la notion même de service public qui est aujourd’hui en danger, à cause de lui-même.

Or, qui est aujourd’hui en mesure de reprendre la main ? Qui est en mesure de remettre les services publics au service de la collectivité et non au service de je ne sais quel intérêt catégoriel ? Je sais bien qu’il est tabou de parler de mérite, de performance, de récompense, mais cela reste pourtant une condition de la survie du service public. Sans reconnaissance du mérite, de la performance et sans récompenses, le service public se jettera tôt ou tard dans des visions ultraprivatisées des choses.

L’égalitarisme de gauche est une notion généreuse et jolie sur le papier. Dans la réalité des choses et surtout des natures humaines, l’égalitarisme détruit les motivations, les compétences et les innovants. Au final, l’égalitarisme n’arrange que les planqués. Il est impératif à mes yeux que le service public retrouve le chemin de l’efficacité et de la performance sans quoi il sera appelé à disparaître. C’est aussi cela la défense du service public.

Bien cordialement,

Icks PEY


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13 réactions à cet article    


  • Tristan Valmour 26 avril 2007 11:29

    @ Icks PEY

    C’est un excellent article qui sonne fort juste. Il convient cependant d’y ajouter quelques précisions sur la notion de Service Public et de nuancer certains propos.

    Il existe en France deux catégories principales de services publics. Les SPIC (Services Publics Industriels et Commerciaux), personnes morales de Droit Privé, dont l’objet est de vendre à une clientèle un service ou un produit. D’autres critères viennent compléter cette définition, mais celui-ci suffit à distinguer le SPIC du SPA. Les SPA (Services Publics Administratifs), personnes morales de Droit Public, dont l’objet principal est de rendre un service gratuit non pas aux clients mais aux usagers. Là encore, dans les faits, c’est un peu plus compliqué que cela, mais c’est ce qui ressort principalement de la distinction effectuée en 56.

    Longtemps décriés à juste titre, les SPIC comme les SPA se sont récemment réformés et plus performants. Ainsi un employeur qui cherche à embaucher par l’ANPE se voit rappeler par le conseiller entreprise qui suit le dossier. Il perdure certes de nombreux dysfonctionnements et résistances au changement, mais la qualité globale du service rendu s’est améliorée. Ces dysfonctionnements, on les retrouve aussi dans les entreprises commerciales, la SAV, la hotline, la livraison, le mauvais conseil, etc. Sans compter que l’accueil n’est pas toujours sympathique, reproche que l’on adresse aussi à certains fonctionnaires.

    Vous parlez de la mauvaise gestion étatique, ce qui est vrai, mais là encore, elle s’est améliorée. Et on peut la mettre en parallèle avec certaines entreprises aux capitaux privés : je ne citerai qu’Eurotunnel ou Vivendi, mais la liste est très longue. Je n’ai même pas pris en compte les faillites frauduleuses et multiples malversations. Remarquez que dans le Public la malversation se pratique aussi.

    Maintenant, il faut également prendre en compte qu’il existe des SPIC stratégiques dont la privatisation pourrait être néfaste en terme de transfert de technologie, de sécurité ou tout simplement de service rendu à l’ensemble de la collectivité, quelque soit le lieu de résidence.

    En revanche, vous avez complètement raison sur les blocages syndicaux, mais dans les entreprises privées, des actionnaires opposent à tous le même blocage. Il suffit de détenir une minorité de blocage.

    Au total, on peut formuler exactement les mêmes défauts à l’encontre du secteur public comme du secteur privé. Et si le problème était ailleurs ?

    Encore une fois, excellent article ICKS. Mes amitiés.


    • Icks PEY Icks PEY 27 avril 2007 10:36

      Bonjour Tristan et merci pour votre commentaire.

      Vos propos sur les SPIC et les SPA me rappellent de mauvaise souvenirs de mes études de droit. Heureusement que j’en suis sorti !

      Plus sérieusement, je vous rejoindrai sur un certain nombre de points de vous évoquez : oui, les services publics s’améliorent petit à petit, mais à quel prix et à quel rythme ? Oui, la gestion privée peut parfois être cahotique mais dans ce cas, c’est l’argent des actionnaires qui part en fumée et non celui des contribuables (Eurotunnel), enfin, un grand oui à propos de certains secteurs protégés : domaine de la recherche militaire, par exemple, fonctions régaliennes de l’Etat telle que l’armée, la justice, etc.

      Moi, ce que je préconise à titre personnel, ce sont des délégations de services publics confiées à des entreprises privées avec un cahier des charges précis et détaillé et appel d’offre transparent. La collectivité que nous constituons tous ensemble doit être en mesure d’imposer certains objectifs et certaines modalités, charge pour les entreprises privées de s’organiser en conséquence.

      Pour que cela fonctionne, il faut bien entendu une absence de collusion entre le décideur public (un organisme collégial, donc) et les actionnaires de la sociétés en question ainsi qu’une surveillance accrue des comptes : moi qui suis fiscaliste d’entreprise, je préconiserai tout simplement un contrôle fiscal approfondi et systématique tous les deux ou trois ans afin de vérifier que les opérations comptables sont conformes.

      Enfin, dans certains cas précis où le périmètre des usagers est stable et délimité, je suis convaincu que des structures de type mutualistes ou coopératives seraient une idée à approfondir : en l’absence d’actionnaires (les usagers sont les sociétaires), cela réduit considérablement les conflits d’intérêts : il ne resterait qu’une seule priorité : le meilleur service pour le meilleur prix.

      Bien cordialement,

      Icks PEY


    • Marcel Chapoutier Marcel Chapoutier 26 avril 2007 11:34

      A tout ceux (celles)qui ne sont pas convaincu(es) du bilan catastrophique du candidat Sarkosy comme ministre de l’intérieur, téléchargez le bouquin de Serge Portel « Ruptures » (interdit de publication avant le 2ème tour,mais après il sera trop tard) vive Internet et les médias citoyens,qui nous permettent de garder un semblant de démocratie...

      le lien : http://www.404brain.info/NEWExpression/ExpressionEnginePB/images/uploads/Se rge.Portelli.Ruptures.FRENCH.pdf


      • Bill Bill 26 avril 2007 11:36

        Cher Icks Pey, encore un article clair, bien écrit et tout à fait juste ! J’apprécie votre esprit non partisan au fond, mais simplement pertinent et réfléchi.

        Peut-être auriez vous pu souligner que l’Etat lui-même démolit ce qu’il construit, sur la sécurité sociale par exemple, avec la CMU ou l’AME par exemple, en chargeant trop la barque ! Voila un outil intéressant sur la peau duquel je ne parierai pas la moitié de ma fortune !

        Et que dire des petits copains énarques qui une fois nommés font quasiment couler des boites entières par des investissements hasardeux, pensant que l’argent des Français sera toujours derrière eux, dans les entreprises semi-publiques ?

        Et le dogmatisme économique de notre pays, qui nous a couté ELF, dont les activités n’étaient surement pas si éloignées des autres groupes pétroliers du monde... Précisons que Le Floch-Prigen n’a qu’un CAP je crois en poche, et qu’il était en train de faire d’ELF le premier groupe du monde...

        Il manque à notre pays une vraie culture de l’économie, je le dis sans m’exclure de ce fait...

        Bien cordialement cher Icks Pey, vous me donnez l’envie de revenir sur agora et d’y réécrire.

        Bill


        • Darkfox 26 avril 2007 12:01

          Très bon article, juste une précision sur la gestion des sociétés. Jusqu’à preuve du contraire, la plupart des sociétés dit d’état ne sont vraiment pas des modèles ! Que ce soit Vivendi ou Eurotunnel, on est très très de la franche Frêt de la sncf.

          De même la rentabilité pour être améliorer san spour autant en arriver à des extrêmes ! Mais les malversations ne sont pas l apanache du privé, les différentes histoires de pot sur les hlm de Paris et autres sont tout de même suffisamment constante...

          Enfin que le service public se soit un peu amélioré, oui mais qu ils doivent s’améliorer encore, je suis totalement pour.


          • Forest Ent Forest Ent 26 avril 2007 12:03

            L’article débutait bien en posant le problème des contre-pouvoirs. Il finit très mal en revenant sur l’antienne poujadiste de la France bloquée par les syndicats.

            Je ne dis pas qu’il n’y ait pas un peu de vrai quelque part, mais c’est mineur et idéologique. Si vous considériez les dossiers en profondeur, vous devriez constater que les « services publics » français, si sclérosés que vous les décriviez, étaient avant que l’UE ne décide leur libéralisation ECONOMIQUEMENT plus performants que leurs homologues privés ailleurs. La SNCF coûte moins cher que ses équivalents privatisés anglais que l’Etat va renationaliser. L’énergie EDF coûtait moins cher que celle des US. La sécu coûte moins cher que les assurances privées US. Ce type de faux raisonnement s’inscrit dans le « consensus de Washington » dont s’est inspirée l’UE et qui a ruiné entre autres l’Argentine.

            Quand à l’Education Nationale, vous proposez quoi ? De la privatiser ? Aucun pays au monde n’a jamais fait ça, et pour cause ... Vous pensez aussi que la police est « bloquée » par ses syndicats ?

            Enfin, dire que l’on peut facilement lutter contre les dérives du privé est aimable : il a fallu 50 ans pour se débarrasser de l’amiante, que l’on savait cancérigène, et 100 ans pour le plomb.

            Votre bonhomie est pateline, mais prélude simplement à 5 ans de conflits sociaux violents qui nous feront entrer dans le moule thatchérien au meilleur profit de MM Bouygues et al.

            Il y avait par contre un vrai sujet à traiter sur les pouvoirs et les contre-pouvoirs. Le Medef reconnait habituellement le syndicalisme insuffisant de la France, qui le prive d’interlocuteurs et laisse le champ ouvert au désespoir populaire. Presque aucune grève - et c’est maintenant vrai aussi dans le public - n’est plus initiée par les syndicats. En fait, les contre-pouvoirs habituels ont disparu : Eglises, syndicats, presse indépendante, ... Et la séparation des pouvoirs est une vaste blague.

            Je suppose que beaucoup d’électeurs UMP étaient sincères, et seront sincèrement désolés des résultats, comme ceux de Bush. Mais vous n’avez pas l’excuse de ne pas savoir. L’UMP n’a pas eu l’honnêteté de faire son bilan de ces cinq dernières années. J’espère que vous l’aurez dans cinq ans.


            • Icks PEY Icks PEY 27 avril 2007 10:50

              @ Forest

              Merci pour votre commentaire.

              Petite anecdote.

              Je prends des stagiaires de temps en temps dans mon service. A deux reprises, j’ai eu une personne en face de moi et deuxième année de Master, donc plutôt qualifié, dont l’ambition était d’être « fonctionnaire ».

              Moi, je lui répond, cela ne veut rien dire « fonctionnaire », fonctionnaire, c’est un statut pas un métier, c’est comme si on dit je veux être « salarié du privé » !

              Il me répond : Ah ben après, je m’en moque du métier en lui-même, moi ce que je veux, c’est le statut pour la sécurité de l’emploi. Cela étant dit, il était prêt à tenter tous les concours possibles et imaginables, même ceux de catégorie B voire C ...

              Et bien je dis et j’affirme que ce comportement primo n’est pas isolé, et secundo est mortifère pour les services publics. C’est avec ce genre d’individus que l’administration publique se pourrit de l’intérieur et devient un empire administratif ingérable.

              Après vous pouvez agiter les menaces thatchero-bushienne, vous pouvez parler de l’amiante (comme si le service public avait le monopole de la sécurité collective => cf sang contaminé), cela ne changera rien au fait que de plus en plus les français se détachent de la notion de service public car ils en subissent plus de contraintes que d’avantages.

              Et c’est cela qui est grave.

              Icks PEY


            • Bill Bill 26 avril 2007 12:49

              Cher Icks Pey, voici qui ne s’adresse qu’à vous, afn de vous faire comprendre mes réticences. Je sais par avance que vous les concevrez fort bien...

              "Le discours de Nicolas Sarkozy à Rouen, mardi soir, était stupéfiant. Le candidat de la droite libérale euromondialiste n’était jamais allé aussi loin dans le racolage nationaliste. On aurait dit un discours de Jean-Marie Le Pen rédigé par un récent transfuge de l’UMP.

              Il y eut un long couplet sur Jeanne d’Arc, et sur ce que Michelet et Barrès disaient d’elle. En résumé, « Jeanne, c’est la France. »

              Mais là, comme dans tout le reste du discours, il y a le détail qui cloche et qui ramène au vrai Sarkozy. Reprochant à la droite et au centre d’avoir « laissé Jeanne d’Arc confisquée par l’extrême droite », il ajoute : « Comment pendant si longtemps avons-nous pu laisser confondre le patriotisme qui est l’amour de la patrie avec le nationalisme qui est la haine des autres ? »

              Et ça cloche doublement. D’une part, ce distinguo est absurde. « La haine des autres », ce n’est pas une description du nationalisme, c’est une diabolisation du mouvement national. Le nationalisme à la française n’a jamais été caractérisé par la haine des autres. Il est résumé dans la formule de Le Pen : « Nous ne sommes pas xénophobes, nous sommes francophiles. » D’autre part, Sarkozy fait semblant d’exalter le patriotisme, mais dans tout son discours il évoque à jet continu la nation, très rarement la patrie... Et cela pour une raison simple, c’est que s’il peut facilement relier la nation à la République (et il le fait abondamment), il ne sait pas trop ce qu’est la patrie, la terre des pères, l’héritage des ancêtres.

              Ensuite il y avait le grand couplet sur la France, laïque et religieuse, humaniste et chrétienne, avec une insistance particulière sur les « 2.000 ans de christianisme, 2.000 ans de civilisation chrétienne »... Car « la France c’est Saint-Denis, c’est Reims, c’est Domrémy, c’est le Mont Saint-Michel », etc.

              Il s’agit bien du même Sarkozy qui rejette absolument toute idée de reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe dans un traité européen.

              Puis il y a eu le couplet sur l’autorité, la morale, l’effort, le mérite, l’ordre, etc.

              Et la phrase superbe : « Je n’accepte pas cette mode de la repentance. » Car la France « n’a pas à rougir de son histoire. » Et il va « plus loin » encore. Plus loin, c’est carrément une exaltation de la colonisation : « Tous les colons n’étaient pas des exploiteurs, il y avait parmi eux beaucoup de gens courageux qui avaient travaillé dur toute leur vie, qui n’avaient jamais exploité personne, qui avaient construit des routes, des hôpitaux, des écoles, qui avaient enseigné, qui avaient soigné, qui avaient planté des vignes et des vergers sur un sole aride, qui ne devaient rien qu’à eux-mêmes, qui avaient beaucoup donné à une terre où ils étaient nés et qui un jour n’ont eu le choix qu’entre la valise et le cercueil. »

              Il s’agit bien du même Sarkozy qui s’incline en Algérie devant le « Monument aux martyrs », à savoir aux égorgeurs du FLN, lors d’une visite « amicale » à Bouteflika qui exige la repentance de la France...

              C’est ensuite la longue litanie « J’ai voulu remettre la France au cœur de la politique parce que... », suivie d’un discours sur la nation qui est « de retour », la nation qui « protège ». Et il faut protéger notre industrie, notre artisanat, notre agriculture... « Le mot protection ne me fait pas peur ».

              Et il dit aussi qu’il veut moraliser le capitalisme financier, qu’il veut favoriser le capitalisme familial...

              Et l’on termine sur une nouvelle exaltation de la France.. .

              Dès le début du discours, le ton était donné, et le mensonge était énorme : « Le peuple français est un grand peuple qui veut continuer à écrire lui-même son histoire. »

              Nicolas Sarkozy est l’homme qui veut faire voter par le Parlement, sans demander l’avis du peuple français, une mini-Constitution européenne qui reprenne la première partie de la défunte Constitution, à savoir les articles qui nient la souveraineté nationale, qui interdisent par conséquent au peuple français de continuer à écrire lui-même son histoire.

              Mais Nicolas Sarkozy n’a pas parlé de son mini-traité.

              Et l’on peut constater que dans son tableau des destructions économiques et sociales dont souffre la France, il n’a pas mis en cause une seule seconde la politique européenne, sinon pour dire seulement que l’euro ne jouait pas le rôle qu’il devrait jouer...

              Lui qui est si disert sur l’identité nationale et sur la protection de la France, il n’a pas parlé non plus de l’immigration. Il n’a pas rappelé ses discours sur l’immigration choisie, repris mot pour mot du Livre vert de la Commission européenne appelant les Etats à accueillir une immigration massive. Il n’a pas rappelé non plus qu’il était favorable au droit de vote des immigrés. Il n’a pas rappelé non plus, lui qui se pique d’être contre les communautarismes, qu’il est le créateur du CFCM, et qu’il a donc fait de l’islam une religion d’Etat.

              Enfin, en entendant ce discours, on ne pouvait s’empêcher d’entendre en contrepoint ce qu’il avait dit à Philippe de Villiers : « Toi, Philippe, tu as de la chance, tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid, je ne m’intéresse qu’à l’avenir. »

              Et l’on ne pouvait manquer de se souvenir de Sarkozy, qui représentait officiellement notre pays, dénonçant aux Etats-Unis « l’arrogance » de la France..."

              http://yvesdaoudal.hautetfort.com/

              Je vous laisse imaginer le cauchemard que constitue ce choix, entre les deux candidats ! Les gôchaux et le droite !

              Bien cordialement

              Bill


              • Bill Bill 26 avril 2007 12:52

                D’autres extraits :

                "Comment être à Rouen et ne pas penser à Jeanne sur son bûcher, criant le nom de Jésus au milieu des flammes tandis que, selon les témoins du temps, « dix mille hommes pleuraient »... Comment être à Rouen et ne pas penser à Jeanne d’Arc qui prit les armes pour sauver la France lorsqu’elle sût « la pitié qu’il y avait au royaume de France » ? [...]

                Comment être à Rouen et ne pas penser à ce que Barrès disait de Jeanne : « Etes-vous catholique ? C’est une martyre et une sainte que l’Eglise met sur les autels. Etes-vous royaliste ? C’est l’héroïne qui a fait consacrer le fils de Saint Louis par le sacrement de Reims. Pour les républicains, c’est l’enfant du peuple. Enfin, pour les socialistes, ils ne peuvent oublier qu’elle disait : « J’ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux. » [...]

                Si l’on [n’] en parlait plus de Jeanne d’Arc c’est parce qu’il était devenu presque impossible de parler de la France. Ou peut-être parce que l’on avait pris tellement l’habitude de la dénigrer qu’il était devenu impossible d’évoquer celle qui lui avait donné son plus beau visage, qui était un visage de pureté et d’innocence. [...] La France, c’est un art, c’est une culture, c’est une manière d’être et de penser. La France, c’est la pensée claire, c’est la raison, c’est l’esprit des Lumières.

                C’est aussi 2000 ans de christianisme, 2000 ans de civilisation chrétienne. Je n’ai pas l’intention de renier cet héritage chrétien dans l’histoire de France. Je sais, cela ne se fait pas. Trop tard, c’est fait. La France, c’est Saint Denis, c’est Reims, c’est Domrémy, c’est le Mont Saint-Michel. La France, c’est Dieu sorti de la pénombre du sanctuaire où l’art roman l’avait enfermé pour être offert à la lumière des cathédrales. Cathédrales qui font la fierté des villes.

                La France, c’est la morale laïque qui incorpore 2000 ans de valeurs chrétiennes. La France, c’est le respect de toutes les religions. C’est l’universalisme et c’est l’humanisme.

                Pour seul commentaire, rappelons ce paradoxe : aucun candidat de « droite » à la présidentielle (pas M. Giscard, pas M. Chirac) n’était jamais allé aussi loin que M. Sarkozy dans le soutien explicite à l’avortement légal et aux unions « gays ». Tout le dilemme des catholiques entre ces deux tours est résumé par la juxtaposition de ces faits avec ces paroles."

                Voici par ailleurs un lien sur ce discours de Sarkozy : http://www.u-m-p.org/site/index.php/ump/s_informer/discours/nicolas_sarkozy_a_rouen

                Bien à vous

                Bill


              • Icks PEY Icks PEY 26 avril 2007 13:21

                Mon cher Bill, vous êtes un interlocuteur charmant, mais j’ai bien peur que cet échange ne s’inscrive pas en totale cohérence avec le thème de cet article-là.

                Je vous propose soit d’en faire un article en dessous duquel nous pourrons en discuter, soit d’en parler par mail : [email protected]

                Je suis désolé de vous opposer ainsi une fin de non-recevoir, mais je crois (j’espère) que le thème abordé ci-dessus donnera lieu à des échanges intéressants sur les moyens de sauver nos services publics à la française.

                Bien cordialement,

                Icks PEY

                Bien cordialement à vous,

                Icks PEY


              • legros 26 avril 2007 23:00

                AMHA, il y a là un article à double détente, avec une justesse de fond dans la première partie, mais qui mériterait d’être nuancée si on veut etre précis :

                - parler des bienfaits de la gestion privée en général, et oublier le surcout constaté de la gestion privée de l’approvisionnement en eau, ou des assurances privées par rapport aux mutuelles, me semble légèrement tiré par les cheveux

                - confondre la position des syndicats de fonctionnaires avec celle des fonctionnaires eux-mêmes est aussi abusif. Si vous avez suivi le mouvement des chercheurs en 2004, vous aurez remarqué qu’il y avait une revendication d’une vraie promotion au mérite, à la condition d’un système d’évaluation impartial et insoupçonnable (ce qui n’est pas toujours facile à mettre en oeuvre, la nature humaine étant ce qu’elle est). On est loin de l’égalitarisme supposé des fonctionnaires. Petite parenthèse : comme ça coute des sous, ça ne se fera pas !

                Quant à la deuxième partie de l’article, plus politique, elle est aussi nettement plus convenue


                • Icks PEY Icks PEY 27 avril 2007 11:07

                  @ Legros

                  Vous parlez des mutuelles vs assurances privées, mais les mutuelles relèvent du secteur privé, mon ami ! Moi, j’aime bien les mutuelles, je n’ai aucun souci avec cela : c’est de la gestion privée avec les sous des sociétaires dans l’intérêt des sociétaires. Je n’ai aucun problème avec cela. Au contraire, je suis plutôt adepte.

                  Enfin, il faut comparer ce qui est comparable. Ci-dessus un commentateur parlait des coûts SNCF en disant que c’est moins cher qu’en Angleterre : mais c’est oublier que la SNCF bénéficie de subventions massives des finances publiques pour équilibrer ses comptes : donc le prix du billet que vous payez ne correspond pas du tout à un prix de marché. De la même façon, quand vous achetez un billet de bus, le prix versé correspond à 30 ou 40% de sa valeur réelle, le reste étant fourni par des subventions versées par des collectivités locales et par des taxes versées par des entreprises !

                  Il y a une disproportion énorme entre ce que certains services coûtent en apparence et ce qu’ils coutent réellement à la collectivité.

                  Concernant les chercheurs, c’est particulier et je ne faisais pas allusion à ces activités là. Une structure comme le CNRS ne peut pas être privée, je l’entends bien. Cela étant dit, je pense que le secteur public de la recherche fait parfois d’étranges cadeaux à ses chercheurs lorsque ceux-ci partent dans le privé exploiter des brevets qu’ils ont déposés pendant qu’ils étaient financés avec les sous du public !

                  Bien cordialement

                  Icks PEY


                • CAMBRONNE CAMBRONNE 27 avril 2007 12:02

                  SALUT ICKS PEY

                  Une fois de plus vous avez pondu une excellente analyse mesurée et lumineuse .

                  J’ajouterai que pour moi la pire calamité est la situation de monopole .

                  C’est du monopole qu’il soit d’état ou privé que viennent la plupart de nos maux .

                  La nature humaine est ainsi faite que si vous disposez d’un monopole vous ne vous remettez pas en question alors que s’il y a concurrence ça change tout .

                  Vivement qu’il y ait sur le réseau ferré français d’autres compagnies comme cela commence pour le fret . Apparemment le transport par rail a l’air de se réveiller alors qu’il était calamiteux faute de concurrence .

                  Bravo pour cet article qui éclaire sur les enjeux en dehors de toute polémique de personnes .

                  Vive la république quand même .

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