Les franchises médicales, un pansement sur une jambe de bois
Le système médical francais est malade d’anémie et on nous propose comme remède la saignée. Le gouvernement Fillon II ne propose rien pour sauver la Sécurité sociale et prie qu’un éventuel retour de la croissance la sauve. Une réforme de la médecine généraliste se fait pourtant toujours attendre alors que celle-ci constitue la condition sine qua non d’un relèvement de notre système de santé.
On aurait pu penser que les nouvelles franchises annoncées devaient servir à combler le "trou de la sécu" mais que nenni : elles seront affectées à de nouvelles dépenses comme la lutte contre le cancer, la multiplication des lits de soins palliatifs, le paiement des heures supplémentaires aux infirmières (ce qui est cocasse après les manifestations des officiers de police pour le paiement de l’ensemble des heures supplémentaires déjà effectuées). Il faut dire que l’Etat n’est décidément pas un bon payeur car il doit 6 milliards d’euro à la Sécurité sociale au titre des exonérations de charge déjà effectuées sur les bas salaires. Cette gabegie ne risque pas de cesser avec la défiscalisation des heures supplémentaires et une éventuelle TVA sociale.
Pourtant, outre l’impécuniosité de l’Etat, notre système de santé connaît des dysfonctionnements notamment à sa base, les médecins généralistes. Je tiens d’abord à préciser que cette spécialité est éminemment précieuse et indispensable mais son statut est ubuesque. Le médecin généraliste est une profession libérale... Qu’a-t-elle de libéral ? Elle est rémunérée par la Sécu, recrutée par l’Etat avec le numerus clausus mais son employeur n’a aucune influence sur le travail de celui-ci. Cette question a d’autant plus d’importance que des missions essentielles mais non rémunérées (la prévention, la pédagogie contre le tout médicament) ne sont pas toujours effectuées par les médecins généralistes, ceux-ci étant payés à l’acte. L’autre plaie de notre système de santé est une couverture sanitaire de plus en plus inégalitaire du territoire français avec un manque chronique de médecins dans les campagnes et une surreprésentation dans les villes par exemple. Enfin, il faut couper les liens malsains entre l’industrie pharmaceutique et les médecins généralistes par le biais des visiteurs médicaux qui constituent parfois l’une des seules façons pour les praticiens de s’informer sur les nouveautés médicales. Il y a aussi le problème des vocations à résoudre car la médecine générale attire de moins en moins à cause du statut même de leur profession. La nouvelle génération ne veut plus sacrifier sa vie de famille sur l’autel de son métier d’où une réticence accrue pour effectuer des gardes de nuit. L’actualité nous montre aussi le problème de la judiciarisation de la médecine qui fait monter à l’excès les primes d’assurance encourageant ainsi les étudiants à choisir des spécialités moins exposées.
Je propose que les médecins généralistes deviennent des "hussards blancs de la République". En effet, afin qu’ils puissent effectuer sereinement leur métier de salubrité publique, ils devraient faire partie de la fonction publique et recevoir un salaire au lieu d’être payés à l’acte.
.Les avantages sont multiples :
- Le patient ne serait plus un client mais un usager. Les arrêts de travail ne seraient plus un objet de pression fait du patient client sur le médecin employé.
- Les médecins fonctionnaires seraient obligés de prescrire des génériques sans être sous la pression de l’industrie pharmaceutique ou celle des patients intoxiqués par les marques.
- Ce changement de statut permettrait d’effectuer sans perte financière pour le praticien des campagnes de sensibilisation et de prévention massive. On pourrait, sans alourdir le budget de la Sécurité sociale, rendre obligatoire pour chaque Français une visite médicale annuelle afin de faire un bilan de santé et de dépister des éventuelles maladies liées à l’ascendance, à l’âge, au sexe, à l’activité professionnelle pour éviter une prise en charge postérieure lourde et coûteuse pour la famille et la collectivité.
- La collectivité, aussi employeur des médecins, pourrait organiser une implantation des médecins selon les besoins. On mettrait fin ainsi à l’inégalité face aux soins liée à la position géographique. Cette meilleure répartition permettrait d’avoir toujours un médecin de garde à proximité et de désengorger les urgences les plus proches, ce qui libérerait des lits pour des pathologies de longues durées.
- La formation continue indispensable pour la mise à niveau des médecins généralistes pourrait être assurée par la faculté de médecine la plus proche et ainsi échapper à la formation intéressée proposée par les laboratoires pharmaceutiques.
- Membre de la Fonction publique, les médecins généralistes verraient leurs primes d’assurance prises en charge par l’Etat ainsi que leurs frais d’installation. Ils cotiseraient aussi pour leur retraite et pourraient avoir accès aux 35 heures. Cela améliorerait grandement la qualité de vie des généralistes et favoriserait un afflux de vocations.
Je ne sais pas si cette mesure serait réalisable mais je suis sûr qu’elle rencontrerait une grande réticence auprès de certains généralistes attachés à leur statut mais soulagerait le sort des médecins confrontés à la misère sociale. Après tout, l’Etat est garant de notre sécurité et pourquoi ne serait-il pas garant de notre sécurité médicale ?
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