Les leçons tirées des coopérations internationales (en aéronautique) (1)
Sur le programme SCAF, et le NGF, des renoncements sont nécessaires, y compris par l’Allemagne (la France et Dassault Aviation en ont déjà faits beaucoup). Voir l’exemple de Sud Aviation-Aérospatiale, en France, qui a accepté de ne plus faire les ailes des Airbus, ni leur dérive, par exemple.
En aéronautique, la coopération européenne efficace et efficiente ne s'est pas faite en un jour. Il a en effet fallu bien des erreurs, notamment lors de la conception du Concorde.
Les leçons apprises ont débouché sur l’A300 B, et sur Airbus, avec le succès que l’on connait, et notamment grâce à l’apport d’un allemand, en matière d’organisation industrielle, avec fabrication de tronçons d’avion, dans chaque pays, transportés par avion vers Toulouse, et plus tard Hambourg.
Mais cela n’a pas empêché de faire d’autres erreurs, par exemple lors de la conception et de la fabrication de l’Eurofighter.
Il convient désormais de tourner la page, pour la défense européenne, et d’appliquer vraiment la logique du ‘meilleur athlète’, ce qui suppose des renoncements par chaque pays. Seule cette logique peut permettre à l’Eurofighter de continuer à être développé, cette fois de façon efficace et efficiente ; et à tous les éléments du SCAF, dont bien sûr le NGF, d’être des réussites à la fois techniques et économiques, réalisées dans les délais.
- Les erreurs faites, en matière de coopération, pour le Concorde
Le Concorde résulte de la fusion de deux projets différents, de part et d’autre de la Manche. Mais même si cela n’avait pas été le cas, il est fort probable que l’on aurait procédé de la même manière, avec aucune spécialisation.
Ce qui a abouti à des coûts de développement extrêmement élevés, puisqu’il y avait pratiquement dans chacun des deux pays, pour chaque partie de l’avion, une équipe d’ingénieurs capable de concevoir cette partie entièrement.
Etant donnés les défis technologiques majeurs, du fait des innovations nombreuses nécessaires pour un avion civil supersonique, peut-être était il utile de disposer de deux équipes, pour certaines parties de l’avion très critiques, puisque cela permettait de prendre les meilleures propositions techniques.
Mais cela n’était vraiment pas nécessaire pour tout le reste, pour l’écrasante majorité des parties de l’avion, et cela a abouti à des coûts de développement extrêmement élevés.
- Les succès (CF6, CFM56 / Leap, etc.) de la coopération GE-SNECMA
Le début de cette coopération remonte au projet d’Airbus A300B, qui voit finalement le CF6-5 de GE sélectionné après le retrait de Rolls Royce, qui devait fournir le RB 207. Et Snecma produit des pièces moteurs représentant 22 % de la valeur des moteurs livrés à Airbus et destinés à l'Europe.
Ce partenariat est reconduit en janvier 1972, et étendu à 50/50, pour développer et fabriquer le CFM 56, moteur qui par la suite, motorisant notamment tous les Boeing 737 et une partie des Airbus A320, devient le moteur le plus vendu dans le monde. Ce qui justifie pleinement l’existence de deux lignes d’assemblage, des deux côtés de l’Atlantique.
La coopération strictement paritaire entre les deux sociétés repose sur quelques règles simples :
• une société commune très légère, CFM International, créée pour piloter le programme et assurer une interface unique avec les clients,
• les tâches de développement, de vente et d'après-vente partagées 50/50 entre les deux sociétés,
• chacune produit sa part de 50 % du moteur, deux lignes de montage sont prévues en France et aux États-Unis,
• le partage à 50-50 des recettes de la vente des moteurs neufs et des pièces de rechange rémunère équitablement les investissements et les tâches assumées par chacun des partenaires. [1]
II n’y a donc pas de duplication, et l’accord paritaire donne entière satisfaction à chacune des parties, ce qui fait que l’accord est ensuite reconduit pour 20 ans.
- Les choix, en matière de coopération, pour Airbus, les renoncements nécessaires, par chaque pays
- L’acceptation d’une spécialisation, par pays
Pour le nouvel A300 B, les énormes surcoûts constatés sur le Concorde ont amené les dirigeants du GIE Airbus à travailler autrement : chaque pays était responsable d’une partie de l’avion, depuis la conception jusqu’à la fabrication.
Et chaque tronçon d’avion (et chacune des ailes) était transporté par avion jusqu’à Toulouse, ou plus tard jusqu’à Hambourg.
Lors de la fabrication ceci permettait à chaque pays de faire les tests nécessaires sur chaque partie d’avion, et il ‘suffisait’ lors de l’assemblage final de vérifier que tout fonctionnait bien ensemble.
Cette façon de faire s’avéra extrêmement efficace et extrêmement efficiente, puisque :
- bien que complexe, la répartition du travail avait été faite d’une façon la plus simple possible, de façon à ce que chacun, dans les différentes entreprises et pays, sache « qui fait quoi »
- il n’y avait pas de doublon, ni pour la conception, ni pour la fabrication
- pour chaque pays, la responsabilité était pleine et entière, sur chacune des parties d’avion correspondantes
- si quelque chose devait être modifié sur une partie de l’avion, les ingénieurs de développement pouvaient faire les changements nécessaires et vérifier très vite sur place (unité de lieu) que tout était correct lors de tests après fabrication
Au début, cette façon de faire était moquée par les ingénieurs et dirigeants américains, mais Boeing s’y est aussi mis un peu plus tard, même quand les parties d’avion n’étaient pas produites dans un autre pays, mais dans plusieurs états des EUA.
- Les renoncements pour la France, par exemple les ailes sont conçues et fabriquées au RU
Cette façon de faire n’allait pas de soi, cependant, pour une entreprise comme Sud Aviation-Aérospatiale en France : elle supposait de renoncer à travailler sur de nombreuses parties d’avion.
Par exemple, les ailes étaient confiées au RU, ce qui supposait à terme une perte de savoir-faire dans ce domaine.
Mais cette façon de faire, extrêmement efficace et efficiente, a contribué à permettre à Airbus de devenir numéro 1 mondial en 30 ans, alors qu’en 1970 Airbus n’était qu’un nain face aux 3 géants états-uniens (Boeing, Lockheed, Douglas), et que les coûts de main d’œuvre sont plus élevés en Europe, du fait de charges sociales plus élevées.
A suivre...
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