Les législations européennes sur les tests ADN
Pour justifier dans son projet de loi (261 pages !) son amendement sur les tests ADN pour le regroupement familial qui a déclenché une polémique nationale et a été récemment retoqué par le Sénat, le député Thierry Mariani s’est appuyé sur trois documents qui posent tous problèmes.
Polémique sur les tests ADN : état des lieux en Europe
Les trois documents qui posent problèmes :
. un rapport de juin 2007 du sénateur Adrien Gouteyron sur la fraude documentaire en Afrique subsaharienne francophone ;
. un rapport de 2006 de l’ancien député du Nord Patrick Delnatte sur la fraude concernant les mariages en Afrique subsaharienne ;
. un tableau des autres pays européens pratiquant ces test ADN.
Sur les deux premiers points, la fraude sur l’identité, et l’absence d’état civil fiable sont des réalités comme tous ceux qui travaillent en Afrique peuvent le constater. Néanmoins les chiffres fournis, qui dépassent souvent les 50 %, ne sont que des estimations, données par les autorités diplomatiques et consulaires dépendant du ministère des Affaires étrangères. Cette fraude documentaire existe en dehors de l’Afrique subsaharienne puisque les autres pays appliquent ces tests à des réfugiés ou demandeurs d’asile d’Irak, de Turquie, d’Afghanistan, du Pakistan, de Chine...
L’étude des pays recourant à ces tests ADN, croisée avec les informations personnelles dont je disposais ou que j’ai recueillies, fait apparaître
. que ces tests ne sont pratiqués que dans 9 pays et non pas 11 ou 12 ;
. qu’ils ne sont actuellement encadrés par une législation que dans 5 pays (Danemark, Finlande, Italie, Norvège, Pays-Bas) ;
. qu’ils ne concernent à chaque fois qu’un petit nombre de pays désignés comme « sensibles » ;
. que les uns se font sur la base du volontariat (Allemagne, Pays-Bas...) d’autres sur la demande des autorités (Belgique, Italie...), d’autres enfin à l’initiative de l’une ou l’autre partie (Finlande, Norvège) ;
. que le coût est tantôt pris en charge par les autorités du pays d’accueil (Grande-Bretagne, Danemark), tantôt par le demandeur (Italie) , avec parfois des procédures de remboursement si la filiation est prouvée (Pays-Bas) ;
. qu’il n’y a pas de procédure d’appel en cas de résultat négatif (sauf en Norvège).
Des évaluations ont eu lieu dans quatre pays. Elles montrent :
. que ces tests ne concernent qu’un nombre limité de personnes (entre 400 par an en Belgique et 7 000 par an au Royaume-Uni ) ;
. qu’ils ont abouti à une diminution des demandes provenant des pays « sensibles » concernés ;
. que quand c’est l’intéressé qui en fait la demande, ils sont presque toujours positifs, qu’en revanche quand c’est l’administration qui l’exige, ceux qui refusent ces tests voient en général leur demande rejetée.
Ces informations, si elles étaient largement diffusées, ramèneraient la polémique à un étiage moins passionnel, et montreraient que la législation française ne fait que suivre une tendance lourde observée dans les principaux pays d’accueil européens. Elles permettraient enfin à chacun de se forger une opinion en connaissance de cause, loin des sirènes de la démagogie et des donneurs de leçons de tous bords qui n’hésitent pas à recourir à la désinformation pour faire triompher leur cause.
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