Les ministres de Sarkozy : Carolus Magnus et Grand Orient
On connaît le goût du nouveau président pour les réseaux. De droite, voire d’extrême droite, on vous l’a déjà conté ici même. Dans le domaine de la communication, on ne les reprécise pas, il ont tous été mis en place à la suite de relations de... mariage (je suis témoin de machin, je te présente à bidule, etc). A peine si on a remarqué dans la sphère proche un moustachu un peu replet, Alain Bauer, spécialiste des questions d’antiterrorisme et de sécurité, et pour cela plusieurs fois invité sur les plateaux de télévision (sur la 5 en particulier).
L’homme est responsable d’un "Que-sais-je ?" écrit à deux mains, qui me fait penser à celui de Jean Gattegno sur la science-fiction. Un auteur érudit et plein d"humour, Pierre Versins (de son vrai nom Jacques Chamson), l’avait un jour critiqué ainsi, ce Gattegno : "Quant à la question que se pose M. Gattegno, nous pouvons répondre : rien". Une critique un peu plus efficace résumait ainsi l’ouvrage sur la sécurité : "Alain Bauer et Xavier Raufer, marchands de peur". Une peur résumée en une phrase sur la manipulation évidente des statistiques : "En apparence, des "faits clairs et précis". En réalité, dans le contexte, une liaison suggérée entre immigration clandestine et insécurité, puisque la première note de la même page loue le "réalisme nouveau des médias" qui n’hésitent plus à évoquer les "facteurs sociaux mais aussi ethniques" de l’insécurité.
C’est donc dit et c’est clair : sur l’insécurité, la manipulation est de mise depuis 2003. Un peu plus loin, on y affirme que les émeutes cherchaient à protéger le trafic de drogue, "un exemple plus flagrant encore de manipulation du lecteur est donné page 23 avec le tableau VII dont la légende est la suivante : "Quartiers sensibles où se produisent des violences spécifiques (émeutes, etc.) visant à protéger le commerce des stupéfiants, 1993-1997".... la légende du tableau donne directement l’interprétation en disant que les émeutes visent à protéger le trafic de drogue. Dès lors, plus besoin de discussion sur les motivations des émeutiers, les chiffres se mettent à parler d’eux-mêmes et le lecteur est censé être effrayé par une évolution à sens unique et univoque".
Mieux encore quand on sait d’où viennent les sources de ces fameuses statistiques : "la principale est produite par la section "Villes et banlieues" des Renseignements généraux (RG), dirigée par la commissaire Lucienne Bui-Trong", aujourd’hui retraitée. Une commissaire ayant des idées assez arrêtées sur la question : "En fait, tout se passe comme si la violence était un phénomène biologique soumis à différentes phases". Phénomène "biologique" atteint de soubresauts ??? Mais que vient faire la biologie, voire... la génétique, là-dedans ? Une analyse plus fine, encore une fois de l’ouvrage de la dame, en conclut ainsi : Voici donc sur quelles étranges définitions sont bâtis les "contrats locaux de sécurité" : 1) exploiter, expulser ou tabasser dans un commissariat, ce n’est pas une violence 2) écouter un Walkman, porter une jupe trop courte ou un foulard islamique, ou rester assis dans une cage d’escalier, c’est une violence... Ça laisse songeur sur ce qui nous attend dans les mois à venir. A signaler aussi que le second auteur de l’ouvrage n’est pas un total inconnu : Selon l’enquête de R. Monzat ("Enquêtes sur la droite extrême", Paris, Le Monde Éditions, 1992, pp. 281-282), l’itinéraire de X. Raufer dans les années 70 démontre un lien évident avec les milieux d’extrême droite et en particulier les revues "Élite européenne" et "Défense de l’Occident". On retrouve toujours les mêmes, déjà dénoncés ici dans ces colonne
Bauer, lui, ex UNNEF-ID Rocardien, s’il n’est pas de droite extrême, est un homme à triple casquette, car il est en même temps consultant en sécurité, au travers d’un société, AB Associates, à laquelle font appel des collectivités en cas de besoin. On comprend la démarche finaude : il suffit de décrire de nouveaux dangers dans des ouvrages, pour obtenir... de nouveaux marchés. Au sein d’AB Associates, on trouve la SOCADIF, la société d’investissements de Patrick Grumelart, personnage bien connu de l’extrême droite : il a tenté de racheter un jour le journal Minute. Ce à quoi répond M. Bauer, dans L’ Express : "Il était bien un membre proche de l’extrême droite ? Je ne sais pas. Pierre Grumelart était mon banquier. Aujourd’hui, il ne l’est plus". La duplicité vis-à-vis des amitiés extrêmes est un tendance forte des amis de M. Sarkozy. Qui ont déjà tous "oublié" qu’ils avaient eu affaire à l’un d’entre eux, un jour ou l’autre. On comprend mieux l’absence caractéristique de repentance chez notre nouveau président : il a inoculé ce virus à tous ses proches (du GUD ?).
L’homme à été nommé en 2003 par Nicolas Sarkozy à la tête de l’Observatoire national de la délinquance. Il recueille les statistiques. Et les ressorts comme bon lui semble, à savoir via la police dans un étonnant communiqué deux jours avant l’élection, où, bien évidemment, on précise que la délinquance en France a fortement baissé. Des statistiques, M. Bauer en a plein ses tiroirs, semble t-il, puisque ses bureaux ont été perquisitionnés dans le cadre de l’affaire Clearstream. Maître du Grand Orient et bibliothécaire sécuritaire, on ne voit pas de contradiction dans le beau monde de M. Sarkozy.
Mais il n’y a pas que les francs-maçons à aller chercher comme suppporters ou futurs collègues de travail. Il y aussi d’autres liens possibles. Les clubs (le Rotary Club de Neuilly, bel exemple aussi, on y croise un assez beau linge) ou les "think thanks", ces "groupes d’experts" pour résumer ce concept flou. Parmi ceux qu’affectionne M. Sarkozy, le Forum Carolus, créé par François Loos, ministre de l’Industrie depuis 2005. Un polytechnicien du Bas-Rhin, région votant en majorité à droite depuis toujours. Un laboratoire d’idées, le Forum Carolus, confié à Henri de Grossouvre, gaulliste tendance Chevénement et grand ami d’un sénateur du Haut-Rhin, Jean Marie Bockel... socialiste tendance "fort à droite"... et homme pressenti pour faire partie d’un gouvernement sarkozien à qui il donnerait une forme de légitimité d’ouverture. Un étiqueté "maire sécuritaire de gauche" ( il est maire de Mulhouse) qui ferait un très bon Besson bis. En fait, il dirige une ville gangrênée par les idées du Front national, qui faisait déjàt des scores de 30% dès 1995. Les Mulhousiens on voté électroniquement aux deux tours, un autre dada sarkozien, hérité de la pratique de George Bush, grand gagnant de deux élections... volées. Dans la ville du "socialiste" (plus pour très longtemps) Bockel, on a voté à 57,56% pour Sarkozy. Un reportage du lundi sur TF1 prévoyait déjà l’intronisation de Bockel au sein de l’équipe de ministres de Nicolas Sarkozy. A mon humble avis, ce n’est plus qu’une question d’heures. Il parle déjà au Figaro comme Besson . Un cheval de Troie déjà connu au Sénat . Il n’a plus qu’à rejoindre Lambert et Blanc.
Voilà donc comment, au nom de l’ouverture, on va fabriquer un gouvernement qui puisera certes à gauche, mais dont le seul point commun tournera autour des questions qui ont amené le Front national à un niveau jamais atteint, jusqu’au hold-up sarkozien de cette élection présidentielle. En résumé, on aura bien dans le gouvernement Sarkozy-Fillon des hommes de gauche. Mais ceux-là, ça fait bien longtemps qu’ils ne le sont plus vraiment. La gauche s’est fait piéger par le sentiment sécuritaire, et n’a pas su y répondre à temps. Lors des tous premiers débats citoyens de madame Royal, dont un à Lille, il a fallu qu’elle empoigne le micro pour qu’on cesse de la railler sur l’encadrement militaire des jeunes délinquants. Elle avait été ensuite applaudie. Trop tard.
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