Les hautes sphères de la société occidentale se veulent bien-pensantes : la mise en place de politiques de diversité est une volonté législative, visant à donner aux minorités une meilleure visibilité dans les domaines de hautes compétences sociétaux. Pour autant, ces mesures de force peuvent-elles venir à bout du racisme ? Les schémas séculaires d’antagonismes Noirs/ Blancs ont-ils vraiment changé ? La mentalité occidentale a-t-elle réellement évolué au point de donner à l’autre son droit d’exister dans la différence ?
Passé le seuil législatif, on glisse vers la réalité quotidienne d’une société occidentale dans toute la splendeur de ses mentalités. Une réalité qui marque un profond écart avec les volontés politiques. En effet, l’inconscient collectif occidental reste habité par ces innombrable clichés et préjugés qui ont alimenté le racisme.
La réalité de vie d’un exotique, étranger ou de nationalité "occidentale", continue à être un combat, visant à balayer ces préjugés. L’exotique n’existe pas en tant qu’être humain, il combat, il se surpasse, il prouve. Il vit dans la crainte permanente de se heurter au racisme direct, il affronte également au quotidien les dérivés du racisme : les discriminations dans tous les domaines vitaux. Dans cette logique, il ne vit plus mais adopte un comportement inconscient qui viserait à le rendre plus acceptable aux yeux de ceux qui le rejettent.
D’où pour l’exotique le redoublement d’efforts : être toujours plus beau et présentable, être toujours plus intelligent, plus éloquent, plus performant et compétent, "être toujours plus" pour avoir des chances d’être accepté. Sa différence le condamne à être remarqué et jugé, sa différence le condamne à être meilleur.
Pour l’exotique ce sera donc une manière de s’excuser d’être différent, en fournissant constamment des efforts que d’autres n’auraient pas à faire ou plutôt sur lesquels ils ne seraient pas épiés en permanence : "Je ne suis pas comme vous et, de peur d’être rejeté, humilié ou insulté, regardez comment je suis beau, intelligent et digne d’exister parmi vous". Pour l’Occidental blanc, ce sera une attente inconsciente : "D’accord, on va t’accepter puisqu’on n’a pas le choix, mais on t’attendra au tournant pour guetter le moindre de tes faux pas ou incompétences".
Le spectre du racisme avec sa batterie de préjugés continue à planer sur la société moderne. L’exotique n’existe pas en tant que tel dans la société occidentale, il n’est qu’au travers du regard du Blanc, de l’Occidental, et notamment au travers du jugement ou de l’approbation que ce dernier daignera poser sur l’exotique, le différent.
De ce fait, l’exotique n’appréhendra l’autre qu’avec crainte : toutes ses rencontres humaines sont rythmées, surtout les premières, par la question, consciente ou pas : "Est-il raciste ? M’acceptera-t-il ou pas ?" Toute sa vie, son existence, ne dépendront non pas de sa volonté mais de celle du Blanc : ce dernier sera-t-il tolérant, ou rejetera-t-il l’exotique, lui permettra-t-il de vivre à ses côtés ou pas ? Tout n’est que bon vouloir du Blanc ou de l’Occidental.
Ainsi, la société moderne est celle du Blanc, de l’Occidental, c’est aussi une société qui se place au dessus de l’autre, du différent, et qui envisage ce dernier comme un inférieur, confirmant des rapports inégaux.
Ouvertement raciste ou porteuse de préjugés inconscients, la société occidentale se veut tolérante au regard de la loi. En réalité, elle ne fait que supporter l’exotique, le différent, l’étranger.
Tolérance politique qui est elle aussi hypocrite car les combats humanistes ont libéré les minorités des schémas esclavagistes et coloniaux du passé pour mieux installer dans le présent des attitudes politiques néo-oloniales : la terre est divisée en deux, avec d’un côté un Nord riche où l’exotique n’est pas chez lui, n’est plus le bienvenu, et où il n’est que "toléré", et de l’autre côté un Sud à genoux, où la présence des Occidentaux est légitime et normale à hauteur des pillages des richesses naturelles et des logiques économiques de profit.
Dans les deux hémisphères, l’exotique, l’étranger et le différent n’est jamais chez lui : au Nord il est toléré (ou peut-être "supporté"), et on lui fait sentir qu’il serait mieux chez lui au lieu de profiter des richesses du pays développé ; au Sud on le laisse croire qu’il est chez lui, tout en continuant à gouverner en coulisses ce Sud qui se laisse si facilement piller...
Alors avant d’envisager des politiques de quotas pour une intégration et une visibilité forcées, avant même de commencer à réflechir sur le racisme, la pléiade de préjugés persistants et de discriminations effectives, ne devrait-on pas accepter de situer la problématique à un niveau international ? Niveau où les pays developpés continuent à contredire leurs volontés humanistes, en continuant à agir envers les pays sous-développés et leurs habitants "exotiques" en véritables décideurs et maîtres.
Ainsi, l’inconscient collectif occidental ne fait que refléter des logiques politiques internationales de rapports dominants/ dominés, et il ne se débarrassera de ses fantômes haineux que lorsque les décideurs politiques des pays developpés accepteront de voir dans ce tiers-monde un égal.