Les trois situations de fin de guerre possibles pour l’Ukraine par l’Histoire
Il est de la plus haute importance aujourd’hui de s’interroger sur le sens de l’histoire, en particulier ce qu’augure la guerre en Ukraine sur la marche du monde. On enseigne l’histoire à l’école, au collège, au lycée, dans les universités, on suit l’histoire à l’âge adulte par ce qu’écrivent la presse de tout horizon et en toutes langues, ce que montrent les chaînes TV du monde, les médias dans internet, etc. Mais l’histoire de l’humanité la comprend-on réellement ? Force de dire que l’on croit la comprendre seulement, et c’est là que le bât blesse.
C’est parce que l’on ne comprend pas suffisamment l’histoire qu’il y a des malheurs, des tragédies, des guerres. Et c’est peut-être là le sens du destin de l’humanité de ne pas comprendre le sens de son histoire. Ce qui explique comment l’humanité est arrivée dans le tumulte des guerres des siècles passés aux deux guerres mondiales suivies d’innombrables guerres depuis 1945 jusqu’à cette guerre historique de l’Ukraine qui se joue au cœur de l’Europe.
Personne ne pouvait penser qu’une nouvelle guerre allait éclater en Europe ; on pouvait le penser en Afrique, dans le monde arabo-musulman où se trouvent les plus grandes richesses pétrolières du monde, mais pas en Europe. Depuis la guerre au Vietnam, il n’y a pratiquement plus eu de guerre en Asie ; de même, depuis la guerre des Malouines qui a opposé l’Argentine au Royaume-Uni, il n’y a plus eu de guerre en Amérique du Sud. En Amérique du Nord, n’en parlons pas, bien mieux, il y a eu l’ALENA qui unit les États-Unis au Canada et au Mexique dans une zone de libre-échange sous-continentale. Et qui sait cette zone de libre-échange s’élargira à l’Amérique centrale et du Sud, devenant un jour une zone de libre-échange continentale.
De même en Europe où s’est construite l’Union européenne des 28, elle est aujourd’hui à 27 avec la sortie du Royaume-Uni, mais ce n’est qu’un accident de l’histoire qui peut se résorber et revenir à 28 et plus. Et même quand toute l’Europe sera unie, et il faut dire totalement unie, le mouvement unitaire de l’Europe va déborder le continent européen et s’attaquer au continent africain, les premiers pays à y entrer, ce sont les pays du Maghreb.
Se rappeler feu le roi Hassan II du Maroc qui a voulu entrer dans l’Europe des Neuf ; sa demande d’adhésion aux Communautés européennes, déposée lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 1984 à Fontainebleau, fut rejetée, trois ans après, en 1987. Il faut le dire, le roi du Maroc dans sa demande a été prémonitoire, le peuple marocain est un peuple comme tout peuple, il a à donner et à recevoir, il enrichira le Vieux Continent ; il en va de même pour tous les pays maghrébins.
Surtout ce que l’on doit savoir, c’est l’Histoire qui lui a dicté sa demande, sauf que l’Europe n’était pas prête « historiquement ». Mais l’Histoire parlera lorsque tout sera prêt à un horizon pas très lointain, quand elle aura fermé totalement le continent européen, elle s’attaquera fatalement aux peuples maghrébins qui maîtrisent dans une grande mesure les langues européennes. Et cela entre dans le nouvel état du monde.
Rien n’est impossible à l’Histoire puisque c’est elle qui construit jour après jour, mois après mois, années après années, siècle après siècle, l’humanité. L’histoire pour les historiens est une suite, une succession d’événements, pour l’herméneuticien, elle est bien plus qu’une suite d’événements historiques ; « Elle est l’histoire après le premier homme venu sur la Terre, elle sera la fin de l’histoire après le dernier homme sur la Terre. »
Ce qu’il faut souligner, c’est l’Histoire qui règle la marche de l’humanité, c’est elle qui fait l’humanité. L’Histoire se différentie de l’histoire tout court. Aujourd’hui, par exemple, elle nous témoigne que les seules guerres que l’on constate encore sont celles qui se jouent au Moyen-Orient et en Afrique. Elle nous dit encore que même les guerres entre nations dans ces deux régions du monde, en retard par rapport aux autres régions qui sont plus avancées, faut-il préciser « historiquement », sont de plus en plus rarissimes. C’est dire le progrès de l’Histoire dans ce qu’elle a fait et obtenu pour l’Afrique et le Moyen-Orient.
Si le terrorisme y sévit dans ces régions, c’est parce qu’il est dû à la mal vie, à la pauvreté de leurs populations, très peu de perspectives pour leurs populations, de plus ces pays sont devenus des enjeux pour les grandes puissances, en regard de leurs richesses fossiles en matières premières. Le terrorisme s’explique, il n’est pas venu du néant, c’est simplement en regard de ses richesses convoitées ; le terrorisme est sponsorisé en sous-main par les grandes puissances. Une puissance veut damer le pion à une autre puissance en y provoquant la terreur, l’instabilité politique, la chute économique dans ces pays.
Les sous-sols des pays d’Afrique regorgent de divers métaux (or, fer, cuivre, aluminium, platine, chrome, etc.) et d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel). Leurs richesses estimées, à l’échelle mondiale, représentent 40% des réserves d’or, 30% des réserves de minerais et 12% des réserves de pétrole.
On comprend donc les guerres qui se jouent au Moyen-Orient et en Afrique, et cela est dû essentiellement au retard technologique de leurs industries, de leur agriculture, de leurs institutions, de leur dépendance économique des autres puissances en particulier de l’Occident, sur le plan monétaire, financier et économique. Les principes démocratiques sont très peu appliqués, et cela se comprend, ces pays n’ont que quelque 60 à 70 ans d’existence. C’est très peu comparativement aux pays d’Europe qui ont des siècles d’existence.
Les États-Unis qui étaient une colonie britannique n’ont proclamé leur indépendance qu’en 1776, ils n’étaient que 13 colonies – Virginie, Massachusetts, New Hampshire, Maryland, Connecticut, Rhode Island, Delaware, Caroline du Nord, Caroline du Sud, New Jersey, New York, Pennsylvanie, Géorgie. Force de dire que s’ils sont devenus ensuite une république fédérale composée de 50 États, les États-Unis qui n’ont que 247 ans d’existence constituent la première puissance du monde, depuis 78 ans.
Ceci pour dire que l’Afrique comme le Moyen-Orient ne seront pas reconnaissables dans 200 ans. Ces deux régions sont encore au berceau de l’Histoire, mais l’Histoire se chargera de les développer comme elle a développé les autres nations devenues « nantis » aujourd’hui. Tout ce qui se produit sur terre a ses raisons pour se produire, l’humanité entière ne dépend pas d’elle mais de la distribution qu’opère l’Histoire sur terre.
Sur le plan de la guerre entre les grandes puissances, on ne peut oublier que la situation a changé radicalement avec l’arme atomique. Les grands pays des blocs Est et Ouest, lestées d’arsenaux nucléaires, se neutralisent, aujourd’hui, mutuellement par la crainte réciproque des conséquences d’une guerre nucléaire. En fait, la dissuasion nucléaire évitait aux puissances une confrontation nucléaire, ce qui se traduirait par une destruction mutuelle. Une guerre nucléaire totale pour ces puissances serait selon les experts leur retour à « l’âge de pierre ».
Cependant, il faut revenir à l’Histoire, ce ne sont pas les puissances qui sont devenues des puissances nucléaires, mais les progrès qu’a opérés l’Histoire qui les a transformées en puissances nucléaires. C’est différent, on ne peut dire, dans le sens herméneutique, que l’homme est arrivé à maîtriser l’atome ; ce sont les progrès de la science qui lui sont venus de l’Histoire qui ont fait progresser la pensée humaine jusqu’à arriver à réaliser la première bombe atomique.
Et, à peine construite, que moins d’un mois, cette bombe atomique a été essayée sur des humains. Hiroshima et Nagasaki ont été les malheureux cobayes de cette première guerre nucléaire sur terre. L’essai de cette bombe sur des humains a été, sur un double plan, « nécessaire » d’une part pour montrer à l’humanité entière ce qu’est l’apocalypse sur terre, et d’autre part, elle a mis un terme au dernier conflit qui restait de la Deuxième Guerre mondiale. L’arme atomique a montré ce qu’elle pouvait faire ; elle a fait signer la reddition totale du Japon. Cette arme absolue permise par l’Histoire mettait fin à une ère et ouvrait la voie à une nouvelle ère.
Pour cause, nucléarisé en 1945 et occupé par les États-Unis, le Japon est devenu, après quelques années, un allié de premier plan pour les États-Unis. Sa montée en puissance, le Japon, il la doit totalement à l’Amérique, les États-Unis, sortis vainqueurs avec l’Union soviétique du Deuxième Conflit mondial. Mais le Japon la doit surtout à la guerre de Corée (1950-1953), sans cette guerre, le Japon serait resté un pays occupé sous le joug américain qui lui aurait fait payer cher la guerre qu’il a lancée contre les États-Unis, depuis l'attaque surprise menée par les forces aéronavales japonaises, le 7 décembre 1941, contre la base navale américaine de Pearl Harbor.
Le Japon a donc été sauvé par l’Histoire, et c’est très important de le préciser, avec un nouvel contexte historique sur la Corée, l’Histoire a forcé les États-Unis d’en faire un allié de premier plan en Asie.
Et l’histoire étonne et étonnera toujours, de nation nucléarisée, le Japon s’est hissé au deuxième rang de puissance économique mondiale, après les États-Unis. L’Histoire n’a pas seulement sauvé le Japon mais l’a hissé au-dessus des autres. Comment ? En lui donnant tout ce qui est nécessaire pour être au-dessus des autres ; le Japon, même aidé par les États-Unis, aurait pu être une puissance économique moyenne, non l’Histoire l’a élevé au-dessus des autres comme si l’Histoire a voulu effacer le sacrifice de ses deux villes rasées.
Certes, aujourd’hui, le Japon a cédé sa place à la Chine, mais il reste néanmoins la troisième puissance économique mondiale.
Il faut aussi ajouter sur l’avènement de la bombe que, sans la bombe atomique, l’histoire n’aurait pas avancé, l’humanité serait restée en grande partie telle quelle. Les États-Unis, par exemple, n’auraient pu arriver à leurs fins, ils n’auraient pu vaincre le Japon. Le Japon, avec ses 100 millions d’habitants, aurait opposé une résistance farouche telle que la situation aurait été extrêmement difficile pour les forces américaines. Les 100 millions de Japonais auraient défendu leur sol contrairement aux sept ou huit porte-avions et leurs flottes et les 2 millions de soldats américains qui vont se trouver en terre hostile, chaque mètre carré serait piégé.
Pire, l’Union soviétique aurait probablement tout fait pour rejeter les États-Unis hors d’Asie. La Chine, venue en rescousse, aurait appuyé cette politique de rejet américain. Rien n’aurait exclu une troisième guerre mondiale, puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets, la « recherche de puissance d’un système sur un autre ».
Le Japon, très possible, « aidé » par les puissances opposées à l’Amérique, serait devenu un pays communiste.
Mais l’Histoire qui « fait » l’humanité ne l’a pas entendu ainsi. Elle a agi pour que cela soi, c’est-à-dire un dépassement de l’ère précédente qui a commencé en 1870 avec l’avènement de deux nouvelles nations, l’Allemagne et l’Italie, qui ont perturbé l’ordre européen au point de le faire disparaître après deux Guerres mondiales. Une nouvelle ère de l’histoire de l’humanité était inscrite même dans et par l’Histoire. Ce ne sont pas les puissances qui se sont faites mais l’Histoire qui les a faites.
Après ce préambule assez long mais nécessaire sur l’humanité et l’Histoire, venons à la guerre en Ukraine. Qu’en est-il de cette guerre ? La question se pose pourquoi cette guerre ? Et qu’est-ce qu’elle représente pour l’humanité ? Est-ce que l’humanité est à la veille d’une nouvelle ère ? Pourquoi le dire ? C’est au vu des enjeux qui opposent les deux blocs de puissance, les États-Unis et leurs alliés européens, australiens, japonais…, et la Russie de l’autre qui a aussi des alliés mais se disent neutres. La Chine, la plus grande alliée de la Russie, se dit neutre dans ce conflit mais ne condamne pas l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et ces deux grands pays, la Russie et la Chine, œuvrent pour changer l’ordre mondial dominé par l’Occident, ils ne le cachent pas, ils le déclarent publiquement.
Forcément la guerre en Ukraine, en considérant tout le branle-bas de combat de l’Occident pour venir en aide à l’Ukraine contre la Russie, et par les conséquences qui vont sortir de ce conflit presque à l’échelle planétaire, va certainement battre les cartes mondiales de puissance ?
Et on l’entend par la déclaration même du président russe : « Dans l’aide massive qu’ils portent à l’Ukraine, les États-Unis et l’Occident sont désormais considérés comme une « menace existentielle » pour la Russie. » Et c’est une réalité au regard des enjeux qui s’y jouent dans la guerre en Ukraine. Cependant, il existe aussi une idée de guerre « existentielle » pour l’Occident. S’il est fondamental de comprendre ce qui motive Vladimir Poutine et ceux qui l’appuient et ce qui motivent l’Ukraine et ses alliés occidentaux, nous avons en fait l’histoire de deux histoires qui se confrontent.
Pour la Russie, l’Ukraine n’est pas seulement une histoire d’alliances militaires, d’expansion occidentale, de menace américaine et de l’OTAN. Si l’expansion de l’Occident a été acceptée pour l’essentiel des pays de l’ex-aire soviétique et des républiques de l’ex-URSS, il n’en est pas de même pour l’Ukraine que la Russie considère comme une ligne de défense extrême, une ligne rouge que l’Occident ne doit pas dépasser. D’autant plus que cette ligne rouge est confortée par un argument de poids, la forte présence de population russophone d’origine russe dans les régions de l’est et du sud-est de l’Ukraine.
Que l’Occident cherche à se projeter, à se défendre, à créer la grande Europe, élargir l’Union européenne à 30, à 32 membres et plus, de même pour l’OTAN, l’objectif visé est d’opposer un front le plus large possible, un front uni, compact pour faire équilibre avec les grandes puissances adverses, la Russie et la Chine. On peut comprendre qu’il est tout à fait légitime qu’un camp se protège du camp adverse, sauf qu’il y a un enjeu de poids, c’est que l’Occident domine toujours le monde et la Russie et la Chine veulent mettre fin à la domination de l’Occident. Et c’est là le problème aujourd’hui dans les rapports Est-Ouest, la guerre froide entre les deux camps persiste.
D’autre part, dans la guerre en Ukraine, il existe en quelque sorte un « paradoxe » de l’Histoire. Il faut rappeler que c’est l’Histoire qui a permis de joindre une forte population russe à l’Est de l’Ukraine, et cela s’est opéré du temps de l’URSS, depuis la proclamation de l’Union soviétique, le 30 décembre 1922. Et l’URSS s’est exécutée, parfois les décideurs croient décider, mais « la décision était déjà prise », et les décideurs ne font que prendre des décisions qui sont en fait « dictées » par l’Histoire. Et c’est ce qui s’est passé dans le cours du renforcement territorial et démographique de l’Ukraine, le siècle précédent.
Si ce renforcement territorial n’avait pas eu lieu pour l’Ukraine, et la présence d’une importante population russe à l’Est de l’Ukraine n’avait pas existé, une telle situation n’aurait pas conféré à la Russie d’arguments politiques pour attaquer l’Ukraine. L’invasion n’aurait pas eu lieu, et l’Ukraine sans les régions réclamées par la Russie aurait certainement été intégrée à l’Union européenne et à l’OTAN, comme le furent les autres pays de l’ex-pacte de Varsovie et des ex-républiques de l’URSS.
Force de dire que la guerre en Ukraine devait être un passage obligé tracé par l’Histoire, et ce paradoxe a une « raison » dans l’Histoire. Et comme, par hasard, la situation qui prévaut dans cette guerre et qu’elle s’est déclenchée à un moment où l’Occident s’est trouvé très affaibli par les guerres.
Combien de guerres l’Occident, en particulier les États-Unis, a mené en Asie, au Moyen-Orient et dans les autres régions du monde ? Il est évident que toutes les guerres qui ont été menée avaient un seul objectif « pérenniser sa dominations sur le monde ». Parmi ses intérêts géostratégiques et économiques vitaux, objet de ses guerres, on peut citer une donnée centrale, « le pétrole du monde arabo-musulman ». C’est le libellé monétaire du pétrole des pays arabes et des pays OPEP qui facturent leurs exportations de pétrole en dollar qui confère au dollar US sa puissance sur le monde.
Cette puissance, par le biais des marchés internationaux, s’étend aux autres grandes monnaies convertibles : l’euro, la livre sterling et le yen » ; le yuan chinois n’a ce privilège que depuis une date récente, en 2016. En clair, c’est l’Occident qui finance pour environ 90% l’économie mondiale, il a un « droit de seigneuriage » unique au monde qui lui permet de répercuter ses déficits commerciaux sur le monde ; il importe plus qu’il n’exporte, des « déficits sans pleurs », selon un économiste français.
Et c’est ce qui explique les guerres en grande partie sans nom qui en fait ont un nom : le « pétrodollar ». Mais aussi combien d’échecs dans cette politique que l’Occident poursuit ? Combien de reculs ? Le dernier recul de l’Occident a été la débâcle militaire en Afghanistan, et le retrait de leurs forces en catastrophe, en 2021. Mais la marche de l’histoire du monde est ainsi, elle est dirigée par l’Histoire qui « sait où doit aller le monde ».
Qu’en sera-t-il aujourd’hui de la guerre en Ukraine ? Une guerre qui se trouve dans l’impasse ; malgré la contre-offensive de l’armée ukrainienne, depuis le 4 juin 2023, qui apporte peu de résultats, la guerre va se poursuivre. C’est inévitable, chaque camp cherchera à vaincre l’autre camp, c’est dans l’ordre des choses dans cette guerre entre humains mus tous par un besoin de puissance. Ni la médiation chinoise, ni indonésienne, ni africaine n’arrivera à dénouer le nœud du conflit, qui est « historique ».
En fait, cette opposition, cette guerre, est l’opposition de deux histoires, l’une occidentale qui a été et devait être ce qu’elle devait devenir et ce qu’elle est aujourd’hui, l’autre russe, de même la chinoise, sont ce qu’elles sont devenues et devaient devenir ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Et c’est l’Histoire qui les a programmés ainsi.
Évidemment Russes, Chinois et Occidentaux ne pourront comprendre cette herméneutique de l’Histoire, une métaphysique qui dépasse les humains mais à laquelle ils y sont tous assujettis. S’ils savaient cette herméneutique, les puissances ne feraient pas de guerre, mais le problème est qu’ils n’avanceraient pas. Donc les puissances ne doivent pas savoir et les philosophes ne doivent pas être écoutés en particulier les herméneuticiens.
Aussi la contre-offensive va se poursuivre. On comprend la fébrilité des puissances européennes et américaine de réarmer à tout prix l’Ukraine, et remplacer les armements (chars, blindés, et autres) et surtout livrer des armements plus performants comme les avions F-16. Une partie importante de ces armements livrés par l’Occident a été déjà détruite par l’armée russe et exhibés comme des trophées sur Internet. Montrant par-là que la contre-offensive de juin 2023 sera un échec.
Le secrétaire général Jens Stoltenberg de l’OTAN ne cesse d’appeler les pays d’Europe à livrer en urgence le matériel militaire à l’Ukraine pour son soutien face à la Russie. Et ces armements seront certainement livrés, l’Occident n’a pas le choix, il y va de son devenir, comme d’ailleurs, la Russie continuera à se battre, il y va tous deux de leur devenir.
La guerre en Ukraine et les deux républiques populaires de la région du Donbass, et celle de Kherson et de Zaporijjia, vont se trouver au centre d’un conflit qui va les dépasser de loin.
En ce moment historique depuis le 24 février 2022, on peut s’interroger sur la guerre en Ukraine si elle n’est pas un conflit de valeurs ? Que l’on constate en Occident la liberté de pensée, d’expression, le pluralisme politique, la liberté de culte, religieuse et autres avancées démocratiques, c’est une réalité, que l’on n’observe pas assez en Russie. Certes la Russie est sortie du moule soviétique qui relève de l’Histoire comme l’Occident est sorti du moule capitaliste, et les deux camps ont été générés par l’Histoire.
Ce ne sont pas les peuples qui se sont faits peuples, mais l’Histoire qui a fait les peuples. Donc dire que l’Occident est en avance sur la Russie sur le plan de la démocratie n’occulte pas que l’Occident est aussi épris de domination, qui est une valeur antidémocratique. Là encore, il y a à redire sur les valeurs en Occident, celui-ci n’hésite pas à pousser, à armer un pays pour lutter contre un autre pays, dusse-t-il être une grande puissance. Alors que normalement, par souci d’équité, l’Occident devait éviter qu’une guerre éclate entre l’Ukraine et la Russie. Qu’il devait prendre en compte les aspirations des populations russophones pour la Russie, des négociations saines et objectives sans arrière-pensées, des compromis étaient possibles, elles auraient évité destructions et pertes humaines.
Mais l’Histoire a agi ainsi, laissant l’Occident et la Russie régler leurs comptes par la guerre, parce qu’ainsi ont été créés les humains. La question centrale qui se pose dans cette guerre qui est dans l’impasse : « Comment se terminera-t-elle la guerre en Ukraine ? »
En herméneuticien, trois situations de fin de guerre apparaissent plausibles, mais il faut prévenir qu’il reviendra et toujours à l’Histoire de trancher. Partant de ce principe indivisible, absolu, souverain, métaphysique, la première vérité qui va sortir de cette guerre, c’est que la guerre en Ukraine qui certainement va se poursuivre, ni la Russie, ni l’Ukraine, ni l’Occident ne lâchera prise.
Pourquoi ils ne lâcheront pas prise, en particulier la Russie et l’Occident ? Pour ces deux camps, il s’agit de leur statut de puissance sur le plan mondial qui se joue dans cette guerre. Pour l’Occident, il défend son hégémonie sur le monde, et cette hégémonie menacée par la Russie est inacceptable, l’Occident fera tout pour annihiler la menace russe.
La Russie se trouve dans la même situation que l’Occident, elle aussi défend son statut de puissance mondiale ; il est hors de question qu’elle perde de cette guerre. Pour les deux camps, une défaite serait un véritable cataclysme pour leur aura dans le monde. Quant à la Chine, elle observe ce qui en ressortira de cette guerre, surtout qu’elle sait qu’elle est appelée à devenir la première puissance économique du monde et qu’elle a un problème avec Taïwan. Un même combat joue donc pour les deux camps, et un observateur en attente.
Et le paradoxe, c’est que c’est en Ukraine que se joue la première joute pour l’avenir de ces deux puissances. Anticipant, il faut s’attendre à d’autres batailles après la guerre en Ukraine à moins que l’Histoire aurait décidé autrement. Aussi étudions les situations possibles qui amèneraient la fin de la guerre en Ukraine.
La première situation qui peut survenir est que l’armée ukrainienne, dans l’impasse, dans l’enlisement, aura de grandes difficultés dans la poursuite de la guerre. L’année 2022, suivie de l’année 2023, suivie encore de l’année 2024, la fatigue, le doute commencerait à gagner les deux camps. La guerre pèse sur le moral des troupes, sur le moral des dirigeants, il apparaît nettement qu’aucun des camps ne va l’emporter. Même si la ligne de front fortifié par le front russe tient toujours et la Russie, engagée désormais dans la guerre, fera tout pour contenir la pression de l’armée ukrainienne soutenue par l’Occident.
Des deux côtés, des bataillons de volontaires d’autres pays vont prêter main forte aux deux armées, ce qui signifie que pour l’Occident, l’aide prêtée à l’Ukraine n’est pas seulement matérielle mais aussi humaine. Ce sera pratiquement une guerre à somme nulle. Mais le temps est contre les deux camps, il peut survenir une situation qui a existé entre 1950 et 1953, lors de la guerre de Corée.
Il faut se rappeler qu’en 1953, la guerre de Corée est devenue une guerre de tranchées, elle est devenue une « guerre statique », aucun camp ne pouvait se prévaloir d’un gain par rapport à l’autre camp. Il n’était pas question pour l’URSS et la Chine comme pour les États-Unis de mettre fin à la guerre, les deux camps jouaient pour l’usure, aucun camp ne reculait. Les enjeux étaient planétaires pour les deux camps.
Une défaite des États-Unis en Corée serait le début du recul américain en Asie ; il ouvrirait voie à des régimes communistes partout en Asie, qui s’étendraient au-delà, en Afrique, en Europe, et dans les autres continents. Et c’est là où l’Histoire a tranché, le maître du Kremlin, Joseph Staline, est mort, le 5 mars 1953, à l’âge de 74 ans. Staline aurait pu vivre encore dix ans et plus, à l’âge de 84 ans et plus. Non, il est mort à l’âge de 74 ans, en clair il devait mourir en l’année 1953. Et tout être humain ne peut savoir sa fin sur terre.
Précisément, moins de quatre mois après sa mort, les négociations de paix ont commencé, le 25 juin 1953. A l’issue, un cessez-le-feu et un armistice est signé le 27 juillet 1953. L’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord est arrêtée, et mise en place de la Zone coréenne démilitarisée (DMZ).
Qu’il y ait disparition ou non d’une personnalité centrale dans le conflit, un cessez-le-feu et un armistice, comme ce qui s’est passé en Corée, peut jouer en Ukraine, même si les deux camps ne se satisferont pas d’une guerre qui en fait sera « gelée ». Une trêve pour ainsi dire qui fait que la paix ne sera pas définitive, une paix provisoire qui donnera un répit le temps de se réarmer et recommencer la guerre. En clair, la guerre en Ukraine ne sera pas réglée définitivement.
La deuxième situation qui peut survenir, plus le temps s’écoule, plus la guerre devient complexe, les deux camps n’en voient pas la fin. Là aussi, l’enlisement, l’impasse s’installe, la fatigue, le doute prend dans les consciences pour les deux camps. Il peut arriver des risques que la guerre dérape.
Il faut se rappeler les menaces persistantes de bombardements qui pèsent sur la centrale nucléaire de Zaporijjia, l’AIEA n’a pas cessé d’avertir sur le danger qu’un bombardement touche la centrale nucléaire. Comme ce qui s’est passé pour le barrage de Kakhovka, en juin 2023, qui a été détruit et provoqué une inondation de régions entières, avec plusieurs villages sous les eaux, la centrale nucléaire de Zaporijjia pourrait être touchée par un bombardement, et ce que craignait l’AIEA viendrait à se réaliser. Un nouveau Tchernobyl ?
La guerre s’arrêtera-t-elle pour autant ? Rien n’est sûr tant que des négociations fermes entre la Russie et les États-Unis ne viendraient mettre fin au conflit. Si la destruction de la centrale nucléaire est très grave, et les radiations commencent à s’étendre et contaminer la population ukrainienne, celles des pays limitrophes, et donc la Russie, les pays de l’Union européenne frontaliers et l’Ukraine, les États-Unis et la Russie seront forcés logiquement de s’entendre, par des compromis de part et d’autre, pour mettre fin à la guerre.
Si les conséquences des bombardements sur la centrale nucléaire de Zaporijjia sont moins importantes, la guerre se poursuivra, et tout sera possible puisque le tabou sur le nucléaire sera levé. L’emploi d’armes nucléaires deviendra alors possible, non les armes nucléaires tactiques qui risquent d’entraîner une troisième guerre mondiale, mais des armes radiologiques, c’est-à-dire des armes dites « sales » qui sont des armes conventionnelles lestées de déchets nucléaires. Et peu importe le camp qui les utilisera puisque chaque camp va faire retomber la responsabilité sur l’autre. Une guerre radiologique agira comme si une centrale nucléaire a été attaquée, et des radiations avec leurs impacts sur la santé mais aussi psychologiques vont pousser les armées et les populations civiles à faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour mettre fin à la guerre.
Une telle situation qui fera entrer le nucléaire dans les combats aboutira certainement à la fin de la guerre, et poussera les États-Unis et la Russie à mettre fin définitivement à la guerre. Des compromis auxquels seront obligés les deux camps pour rapprocher leurs vues et commencer des négociations pour la paix.
Enfin, la troisième situation, les mêmes symptômes, l’enlisement, l’usure, la guerre des tranchées tant pour la Russie que pour l’Ukraine, le temps devient long, il n’est plus salvateur, le doute, les troupes sont harassées surtout celles de l’armée ukrainienne ; l’état-major ukrainien comprend de plus en plus qu’il ne pourra pas refouler l’armée russe à aux frontières de la Russie.
L’Occident et le gouvernement de Kiev comprendront qu’il ne faut pas trop tirer sur la corde, sur l’armée ukrainienne qui est à ses limites, pour la population de l’Ukraine, la guerre lui pèse, elle dure sans presque aucun gain. Et donc ne pas escompter sur une victoire sur la Russie. Le doute gagne les pays d’Europe, la lassitude devient pesante dans cette guerre. Aussi, peut-on dire que de plus en plus le bon sens va prendre le dessus dans les consciences tant pour Kiev et l’Occident que pour Moscou. La guerre étant longue, Kiev comme l’Occident chercheront à ménager l’armée ukrainienne et faire durer la guerre pour épuiser la Russie. Mais tout a une limite.
Ne perdons pas de vue que ce sont les troupes qui vont l’abattoir, champs minés, ligne de front russe fortement fortifiée, chars et artilleries des deux côtés, drones d’attaque des deux côtés, Moscou risque même de déclarer la mobilisation générale. Bref une guerre qui va se terminer par la lassitude dans les deux camps, sans compter les conséquences économiques de part et d’autre. Forcément, ce sera la pression des troupes des deux côtés des belligérants y compris les états-majors respectifs, y compris les nations européennes et la Russie. Le doute va s’installer désormais sur cette guerre, la seule issue qui apparaîtrait logique, c’est d’aller vers la paix, de trouver les compromis possibles mais nécessaires pour mettre fin à la guerre.
Et pour ces trois situations de guerre énoncées pour aller vers la paix, c’est cette dernière en premier qui est la plus proche et la moins dangereuse pour mettre fin au conflit entre l’Ukraine-Occident et la Russie. La seconde situation peut amener à la paix, mais elle est la plus dangereuse parce qu’elle ouvrirait voie à l’« usage indirecte d’armes nucléaires ». La première situation de guerre vers la paix ne fera que « geler » la guerre, qui reprendra à une date ultérieure, signifiant que le conflit Russie-Ukraine-Occident n’est pas réglé.
Que peut-on dire à l’issue de cette présentation de trois situations de guerre qui se dirigeront vers un cessez-le-feu et vers la paix ou vers un armistice qui est provisoire et ne règlera pas la fin définitive de la guerre ?
L’auteur, en herméneuticien, peut dire que, pour qu’une de ces trois situations possibles se réalise, il reviendra à l’Histoire de la réaliser ; il n’y a pas d’autres règlements de la situation que par elle. Pourquoi ? Parce que les décideurs du monde sont égoïstes, ils ne voient que leurs intérêts immédiats, c’est lorsque la situation se dégrade réellement, dangereusement, qu’ils se trouvent forcés de taire ces intérêts et d’aller à la paix. Cependant, ces décideurs ont été conçus ainsi pour que, précisément, par les dissensions entre eux, ils font, à leur insu, avancer l’histoire.
Ce que l’auteur, herméneuticien par sa vision de la marche du monde, peut dire, c’est qu’à la fin de la guerre, l’Ukraine perdra définitivement les quatre régions annexées par la Russie. L’Histoire ne permettra pas qu’après une guerre qui a fait couler beaucoup de sang, provoquer de grandes destructions, que la situation revienne à la case départ.
Une chose certaine arrivera et l’auteur ne parle qu’au nom de sa pensée qui le lui inspire, les quatre régions qu’elles resteront annexées par la Russie ou que la Russie mettra fin à leurs annexions, ces régions auront ce à quoi elles ont aspiré. Leur indépendance et donc leur séparation de l’État d’Ukraine, en fait du régime de Kiev qui n’a pas su les garder, il a préféré la force comme d’ailleurs l’Occident qui l’a soutenu.
Cette fin de guerre en Ukraine ouvrira grand les yeux des décideurs du monde des deux camps ; ils auront beaucoup à apprendre de l’histoire. Au-delà de cette guerre, l’Occident continuera à rayonner sur les autres peuples par les valeurs qu’il véhicule mais en moins l’esprit de domination. Ce sera aux autres peuples de prendre des valeurs de l’Europe ; tout peuple aspire aux grandes valeurs humaines ; légalité de droit pour tous devant la loi, protection contre l’arbitraire et les abus de pouvoir, bref tous les peuples aspirent à ces valeurs démocratiques qui sont d’essence humaine. Comme les peuples d’Europe sont arrivés à ces principes universaux, les autres peuples y arriveront aussi. Une loi du progrès humain qui est éternel par l’Histoire.
Medjdoub Hamed
Herméneuticien en Economie mondiale,
Relations internationales et Guerres
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