Libéralisme et socialisme : la guerre des mots
Depuis la sortie de Bertrand Delanoë à propos de son état de « socialiste et libéral », j’ai lu un tas de réactions, notamment (mais pas uniquement) celle de Ségolène Royal et je finissais par ne plus rien comprendre à toutes ces appellations, libéral, social-libéral et d’autres et leur inclusion au sein des partis politiques français.
Pour bien comprendre, il a fallu que je remonte à la source, c’est-à-dire à ce qui distingue la droite et la gauche en termes d’orientations politiques et voici ce que j’en ai tiré :
A droite, on est plutôt conservateur : les traditions et valeurs culturelles doivent être protégées, tout autant que les valeurs morales issues de cette culture (rôle des religions « traditionnelles », pénalisation des « perversions » sexuelles, contrôle de l’opinion, etc.). Fiscalement, on considère que les dépenses de l’Etat ne doivent pas être importantes et on craint l’augmentation de la dette publique. Le travail est considéré comme un élément structurant et libérateur (travailler plus…). En termes de sécurité publique, on privilégie la sanction.
A gauche, on est plutôt progressiste : le travail est aliénant et facteur de domination d’une petite frange de la population sur la majorité. La société doit être réformée, modernisée ; il doit y avoir du progrès social, et les richesses doivent être redistribuées. En termes de sécurité, la prévention est privilégiée. L’Etat doit investir pour assurer le bien-être commun et l’augmentation de la dette publique sert dans ce cadre.
Donc, selon ces définitions, l’UMP et le FN sont à droite alors que le PS et le PC sont à gauche. Donc, j’ai bon… Mais où est donc passé mon libéralisme ? Est-il à droite ou à gauche, mon libéralisme ?
Et finalement, c’est quoi le libéralisme ?
Je vais tenter de résumer ce que j’ai compris en quelques phrases. Le libéralisme est une théorie politique (au sens large) qui met en avant la liberté individuelle comme principe constructeur de la société. Chaque être humain possède des droits fondamentaux dont personne, pas même l’Etat, ne doit le déposséder.
Par extension, le libéralisme considère l’intervention de l’Etat comme devant être limitée, et celui-ci ne devrait conserver que ces pouvoirs régaliens (défense, justice, police, monnaie), ne jamais intervenir dans la sphère privée et ne fournir de services publics que dans sa sphère de compétence.
Selon cette définition, la société « libérale » est donc fondée sur les principes de libre-échange des idées et/ou des marchandises, de liberté d’expression (de pensée, de religion), de liberté du travail, de liberté d’entreprendre ou, de manière plus large, de liberté de choix dans tous les domaines. Le rôle de l’Etat est réduit au minimum et conscrit à ses domaines d’intervention et c’est la société et le marché qui fournissent aux individus ce dont ils ont besoin ou envie et qui n’entre pas dans les compétences de l’Etat.
Il n’y a donc aucune différence théorique entre libéralisme « politique » et libéralisme « économique » puisque les mêmes principes s’appliquent : la liberté des individus (d’entreprendre, de commercer, de travailler) et l’intervention extrêmement limitée de l’Etat.
Au travers du libéralisme, on voit donc apparaître un nouvel élément, le rôle que doit tenir l’Etat dans la vie de la société. Doit-on, pour obtenir une société « idéale » avoir plus d’Etat ou moins d’Etat ? Etat fort ou Etat faible ?
A droite comme à gauche, on trouve des tenants d’un Etat fort, prompt à intervenir dans la vie publique et à légiférer ou des tenants du « moins d’Etat » qui souhaiteraient le voir se tenir à l’écart de la vie publique et économique.
Dans la vie politique française, les principaux partis politiques sont également partagés. Ainsi, l’UMP est un parti conservateur dont les membres sont parfois libéraux, parfois non. En ce moment, c’est la frange libérale conservatrice qui détient le pouvoir, même si les conservateurs purs, partisans d’un rôle accru de l’Etat, savent faire entendre leurs voix.
Les lois présentées par le gouvernement Fillon sont toutes d’inspiration libérale, de la LME (qui débarrasse le commerce du contrôle de l’administration) à la future loi HADOPI (qui permettrait, si adoptée, à des sociétés privées de faire elles-mêmes leur police et leur justice sur internet). De même, les lois de finance ou les réformes de la Sécurité sociale « rendent » aux individus leur liberté de choix en les imposant moins et en introduisant une grosse part d’initiative privée dans la protection sociale, ceci dans un pur esprit libéral.
Le problème essentiel de l’UMP tient dans le fait que la partie libertés individuelles du libéralisme est constamment parasitée par les tenants d’un conservatisme pur et dur, ceux de la frange la plus à droite du parti, partisans d’un Etat fort (comme Philippe de Villiers, par exemple).
Le PS n’est pas exempt de ce genre de division. Si la plupart de ses membres s’entendent sur le rôle que doit tenir la collectivité dans le bien-être commun des individus, il existe néanmoins de grandes différences dans le rôle que doit tenir l’Etat et quelle doit être la puissance de son intervention.
Jusqu’à présent, les tenants du socialisme démocratique (qui se distingue du socialisme en ne prônant pas la prise du pouvoir par la force) dominaient les instances dirigeantes, mais les supporteurs de la social-démocratie sont de plus en plus nombreux à faire leur coming-out.
Le socialisme démocratique, c’est le « plus d’Etat ». C’était Mitterrand-Mauroy et les nationalisations, par exemple ; de même, Lionel Jospin (même s’il est plutôt social-démocrate) et les 35 heures de Mme Aubry.
La social-démocratie, c’est le « moins d’Etat ». Michel Rocard ou Dominique Strauss-Kahn en sont des partisans. Leur idéal serait un système à la scandinave, où la collectivité assure la redistribution des richesses par des impôts élevés pour tous, mais où l’Etat n’interviendrait que peu ou pas dans la vie économique du pays.
C’est compliqué, n’est-ce pas ? Alors, regardez ce tableau, inspiré d’un autre, trouvé sur Wikipédia.
Et là, oh divine surprise, ça devient un peu plus clair (n’oubliez pas de dire merci en sortant !). Et on voit même apparaître une position centrale entre la droite et la gauche, mais avec toujours cette séparation entre le moins d’Etat et le plus d’Etat.
Le social-libéralisme, c’est le moins d’Etat du centre. Aux Etats-Unis, ils sont simplement des « libérals » et sont représentés par le Parti démocrate. En Europe, ces partisans du désengagement de l’Etat et de l’économie de marché, mais aussi de la fourniture de services publics financés par l’impôt et d’une protection sociale minimale, mais universelle, sont représentés par le Parti travailliste de Tony Blair, le SPD de Gérard Schröder ou le MoDem de François Bayrou. La 3e voie, c’est eux.
Revenons maintenant sur la définition que Bertrand Delanoë donne de lui : « socialiste et libéral ». Est-il possible d’être l’un et l’autre en même temps ?
Eh bien, je ne répondrai pas à cette question, tout simplement parce qu’il faut, pour avoir une opinion claire, pouvoir se la forger soi-même. Et je vous ferais exactement la même réponse pour tous les autres membres du PS qui prétendent à diriger le parti et, à terme, la France. Il est évident que je vous laisse également vous faire une idée des positions de Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen et autres Olivier Besancenot.
En matière de réflexion politique, je prône la liberté individuelle… Cela fait-il de moi un libéral ?
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON