M... pour malsain
Attention, article « choc ». Voilà bientôt plus d’un an que les médias nous servent de manière récurrente l’affaire Clearstream, bientôt plus de 15 ans que ces derniers nous resservent l’affaire des frégates de Taïwan, et comme tout serpent de mer, personne ne sait réellement ce que cache le serpent. Aujourd’hui, le règlement de compte mafieux dit « Clearstream » tourne au rapport de force entre une caste de « parrains » qui se tirent dans les jambes et les derniers défenseurs d’une république en décadence. Il ne faut pas se méprendre, la mise en cause du juge Renaud Van Ruymbeke est une grave atteinte à la démocratie et à l’indépendance des magistrats, le tout sous cautionnement tacite du Garde des sceaux, du roi qu’il sert et du clan dont il dépend : l’UMP.
Alors oui, je condamne cette affaire malsaine, au goût nauséabond de relents de guerre de succession au trône, à tout prix, vraiment à tout prix.
Je n’affirme pas connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire, mais, en tant que citoyen, je me pose d’énormes questions quant à la viabilité de notre république dans de telles circonstances. Je soumets donc cette article à la tribune libre, car, en tant que citoyens d’une république digne de ce nom, il est de notre devoir de nous exprimer.
Les faits « récents »
Lobotomisé nuit et jour par « l’incarnation du pouvoir exalté », les médias non contents de nous servir la soupe, ne peuvent ommettre d’évoquer en fin de journal la mise en cause de l’un des juges les plus respectables et dignes de ce pays.
Après plusieurs charges contre le juge Van Ruymbeke, depuis 2001, en mai 2006 où le juge sentait qu’il venait de se faire « doubler » et qu’on venait de le manipuler, et le 19 octobre 2006 lorsque N.Sarkozy évoque à la maison mère TF1 avoir été faussement mis en cause dans l’affaire Clearstream "sur la base du mensonge d’un corbeau qui s’était allié avec un juge", le juge se voit attaqué par un rapport de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), pour sa rencontre hors procédure avec le corbeau présumé de l’affaire Clearstream.
Le ministre de la Justice Pascal Clément annonce alors, le vendredi 2 février, sa décision de renvoyer devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) le juge Renaud Van Ruymbeke alors que le rapport n’est pas arrivé à connaissance du juge, et que ce rapport est loin de mettre à charge les méthodes de M. Van Ruymbeke sur la forme comme sur le fond.
D’ailleurs sur ce point, on ne peut qu’évoquer l’évidente connivence entre l’IGSJ et le pouvoir politique en place. Alors que le premier président est un magistrat indépendant, un magistrat du siège, l’inspecteur général dirige un service directement rattaché au pouvoir politique, au garde des sceaux. De plus il est un ancien procureur général. Il ne présente pas les mêmes garanties d’indépendance qu’un premier président.
M. Van Ruymbeke semble donc avoir raison d’évoquer : « On sait que quand un ministre part, souvent l’inspecteur général part dans ses valises, ou obtient une belle promotion, nommé par exemple procureur général à la cour d’appel de Paris. Je n’accorde pas le même crédit à ce rapport qu’à celui d’un haut magistrat du siège. S’il y a une réforme à faire, c’est de détacher le service de l’inspection du ministre de la justice, qui est un homme politique appartenant à une majorité, qui est actuellement dirigée par le président de l’UMP. Cela crée une suspicion. J’ai vu les attaques politiques. L’affaire Clearstream est l’arbre qui cache la forêt : des règlements de comptes. »
Pascal Clément, l’un des vassaux de N.Sarkozy et le garant de la non réforme de la justice (et du CSM) après l’affaire d’Outreau s’en prend là directement non seulement à l’indépendance des magistrats et plus particulièrement des juges d’instruction mais aussi à l’un des juges les plus respectés en Europe et, fort de plus de 200 signatures de magistrats européens soutenant sa cause dont, et non des moindres, Eva Joly (juge contre le terrorisme), le juge Van Ruymbeke a contre-attaqué en mettant directement en cause Nicolas Sarkozy, estimant qu’il s’agissait d’une "décision politique sans surprise" après les attaques du ministre contre lui dans le dossier Clearstream.
Ce dernier rétorquant que le juge « avait tort de l’incriminer ».
Un juge d’instruction doit-il agir en pensant s’il a tort ou non, ou bien suivant les pièces qu’il a à disposition ? N’est-ce pas là directement s’attaquer frontalement à l’indépendance du pouvoir judiciaire ?
Une chose est certaine, dans cette affaire, orchestrée, manipulée ou retournée, un nom revient encore et toujours sur le devant de la scène : Nicolas Sarkozy.
Un panier de crabe en eaux troubles
Le vrai problème de cette affaire, outre le fait que personne n’est à même de savoir qui a été ou est responsable de quoi, c’est de revenir en permanence sur les mêmes noms, les mêmes méthodes.
Après les Renseignements généraux (RG) mis en cause sur des enquêtes concernant l’équipe et l’entourage de Mme Royal, après l’affaire du scooter pisté à coup d’ADN et de gros moyens, il y a quand même une sorte « d’impression » que le ministre de l’Intérieur - candidat UMP - président du Conseil général des Hauts-de-Seine et maire de Neuilly a décidé d’utiliser les services de l’Etat à des fin personnelles
Plus encore, après l’épisode « Cecilia » et le passage sur TF1 de ce pauvre Nicolas manipulé, après les nombreuses interventions sur cette même chaîne pour mettre en cause des juges dans leur suivi des affaires de délinquance, après cette affaire-là, on peut se demander si le candidat Sarkozy n’a pas réellement dans le fond décidé de s’attaquer à l’indépendance du pouvoir judiciaire : le seul qu’il ne détienne pas.
Ancien avocat, rompu à l’exercice, il a bien compris que dans le sac de nœud Clearstream, il valait mieux être « partie civile » pour a priori être du côté des innocents, plutôt que de rester dans la sphère des éventuels incriminés (pour mettre hors d’état de nuire les chiraquiens dont D. de Villepin entre autres).
Malheureusement pour le candidat persécuté Sarkozy, après avoir tué toute rébellion interne, il n’est pas aisé de contrôler le silence gracieux de tout le monde.
Essayons de raisonner par l’absurde :
- En quoi un vulgaire informaticien de niveau modeste, Imad Lahoud, aurait-il intérêt à falsifier de lui même des listings de compte concernant autant de personnalités ? Il est évident en ce sens que la décision vient d’au-dessus, pour cacher des faits ou pour coincer un adversaire.
- En quoi un juge, seul, nommé après que deux autres aient été écartés, aurait-il intérêt à mettre au grand jour une affaire de corruption généralisée si ce n’est pour d’autre buts que de parfaire son travail ? Il semble là aussi évident qu’il y a des choses qui se jouent bien au-dessus.
- Pourquoi M.Sarkozy, face caméra grand républicain et ami de Jaurès, de Blum (ça c’est la meilleure avec l’abolition des 35 h), hors caméra ami de S.Berlusconi et d’autres personne moins recommandables qui ont signé la préface de son livre (extrême droite italienne), vendu à 500 000 exemplaires suivant son auteur, à 150 000 exemplaires suivant les chiffres des ventes de terrain, a-t-il toujours autour de lui des personnes qui le mettent en cause ?
- Pourquoi M.Sarkozy, chassant sur les terres du FN, s’attaque-t-il en permanence aux magistrats, manipule les chiffres et distord la réalité à sa guise sans que personne s’en émeuve ?
La liste des questions de ce type pourrait être longue, mais, quoi qu’il advienne, on est réellement en droit de se demander si la machine de guerre des « pleins pouvoirs » Sarkozy n’est pas en train d’asseoir les fondements d’une dictature qui ne dira pas son nom, un régime élaboré où les citoyens ne pourront plus être en mesure d’agir sur le pouvoir puisque le maître à bord aura rassemblé les trois pouvoirs traditionnels, les médias et la police/armée. Un pouvoir total où le discours de bon aloi de façade - et de portrait-, les promesses sans lendemain se traduiront par une réalité dure, bien plus dure qu’affichée lors de meetings où seules les petites phrases préprogrammées par une équipe payée par les subsides du pouvoir tant convoité sont affichées au grand jour.
Faites vos jeux, rien ne va plus
Cette toute puissance, digne d’un « V pour Vendetta », non évoquée dans les canaux traditionnels qui préfèrent les « morceaux choisis de meeting », devrait pourtant nous faire trembler.
Des 500 M$ des frégates et arrivant à la mise en cause de juges eux-mêmes, force est de constater qu’à force de toujours vouloir occuper le devant de la scène, ce pouvoir détourne l’attention pour mieux noyauter la république démocratique de l’intérieur.
L’asservissement et l’exploitation de l’Etat par les représentants de l’Etat, ceux-là même qui devraient le défendre, l’utilisation de rhétoriques nombrilistes et accusatrices laissent à penser que derrière l’image du Verseau, se cache un autre visage, bien plus sournois et violent qu’on ne veut bien le dire. Et gare au premier qui parle, car dans une société où la peur fait vendre, celui qui la manie devient le gourou d’une république mise à genou car ceux qui devraient la défendre ne sont plus assez nombreux, assez fort ou assez courageux pour y parvenir.
Finalement le juge Van Ruymbeke a sans doute tout compris, et c’est pour cela qu’on cherche à le déstabiliser, ce qui ne serait pas la première fois pour un « empêcheur de tourner en rond » :
« Les juges financiers sont très discrédités maintenant. Est-ce un hasard ? Les politiques n’ont pas digéré ce qui s’est passé il y a une quinzaine d’années. On l’a vu avec l’Italie, et l’ère Berlusconi. Je trouve hallucinant qu’on se retourne vers moi maintenant. J’ai déjà passé vingt-cinq heures à m’expliquer sur cette affaire. Pendant ce temps, je ne travaille pas. La corruption internationale se porte bien. Dans ces dossiers à dimension internationale, on a l’omerta. Les juges n’ont pas le droit d’aller voir : secret-défense. A un certain niveau, vous ne pouvez pas travailler. Dans le même temps, nos pays se réfèrent à la convention de l’OCDE sur la corruption. On ne parle pas du tout de ces questions dans le débat politique. On assiste à la fin des affaires financières. Le système financier international est déjà beaucoup trop verrouillé. Si, en plus, on s’en prend au juge qui tente de remonter ces affaires, ce n’est plus la peine. »
Le juge d’instruction est un enquêteur. Les textes lui permettent d’entendre des personnes qui apportent des renseignements. Et dans toutes les démocraties, on protège ces personnes, on ne les lapide pas sur la place publique.
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