Ce texte analyse une émission de France Inter, animée par Thomas Chevineau, diffusée le 28 juillet 2011 et encore écoutable.
Les présupposés des discours qui sont censés répondre à la question « les homos ont-ils le droit de se marier ? » ne sont pas acceptables. En tant que présupposés, ils ne sont pas dits par les personnes qui s’en servent et peut-être, ces personnes ne se rendent-elles pas compte de leur existence, et donc encore moins de leur contenu. Ils se pourraient qu’elles ne les reconnaissent pas comme étant nécessaires à ce qu’elles disent vraiment.
Thomas Chevineau n’a pas passé de messages contestant sa façon d’aborder le problème, ce qu’il fait d’ordinaire. En fait, la question n’est pas exactement celle qui est posée, la question serait plutôt : « est-il légitime de marier deux personnes de même sexe ? »
Irène Théry, titrée sociologue, dit qu’il faut changer la définition du mariage. La définition du mariage, selon elle, c’est la présomption de paternité. Elle met du temps à le dire. Le problème, selon ses vues, est de savoir si on institue un monde qui abolit les hommes et les femmes, ou si on ouvre le mariage et qu’on en fait un mariage pluriel. Elle le redira plusieurs fois dans des termes très semblables, cela lui parait l’alternative fondamentale, l’alternative dont il faut débattre.
On peut remarquer deux choses : présenté comme ça le choix est simplissime et la réponse est déjà dans l’énoncé. Qui va abolir les hommes et les femmes ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Irène Théry nous entraine dans un nominalisme absolu, il ne suffit pas de dire « éléphant volant » pour qu’il y ait des éléphants volants. Abolir les hommes et les femmes, c’est comme « éléphant volant ». Deuxièmement, entre « abolir » et « ouvrir », personne ne veut « abolir », tout le monde veut « ouvrir ». Evidemment !
La question de la procréation arrive plusieurs fois. C’est de celle qu’on écarte ! Mère porteuse et donneur de sperme y pourvoiront. Pas le temps de s’attarder à ces bricoles. Le réel dissimulé derrière ces mots spéculatifs, c’est que chaque enfant nait d’un homme et d’une femme. L’abus de langage est permanent puisque ces enfants nés comme nous tous d’un homme et d’une femme sont dits « enfants du couple homosexuel ». Christine Le Doaré dit que les homos ne sont pas stériles ! Jeu sur le mot stérilité. Leurs relations sexuelles ne permettent pas de faire des enfants, ils sont stériles, mais la médecine peut prendre leurs gamètes et les rassembler dans des labos. Donc ils ne sont pas stériles. Les hétéros sont donc instamment priés avec une main de fer dans un gant de velours, de faire des enfants et de les donner aux homos, ou d’en faire avec eux via les éprouvettes… de trouver cela normal et de se taire.
Irène Théry va jusqu’à regretter : « la loi ne dit pas qu’un enfant a deux pères ou deux mères ». Et comment la loi pourrait-elle dire une chose pareille ? Irène Théry présuppose que la loi pourrait faire exister les éléphants volants. Comment peut-on raconter et surtout comment peut-on croire qu’on s’arrange avec le réel comme ça ?
Une femme, élevée par deux femmes après le divorce de ses parents, témoigne et déplore que la question soit pose et s’oppose à cette idée de mariage de même sexe. Son témoignage va être détruit en deux temps, détruit signifie qu’il n’en restera plus rien. 1er temps : Christine Le Doaré explique que les statistiques montrent que les enfants dont les « parents » sont homosexuels n’ont pas plus de troubles psychiatriques que les enfants dont les parents sont homosexuels. Et le bonheur ? La souffrance ? Niet, la souffrance que vient de dire cette personne est rejetée, niée au nom de la statistique, statistique portant sur les souffrances extrêmes et seulement elles. (Quelles statistiques, qui les a établis, comment, quand, où ? on n’en saura rien). 2ème temps : Irène Théry nous affirme qu’elle entend le contraire dans son cabinet. Comment dire le contraire ? On n’en sait rien. En tout cas, c’est fini. La contradiction est tuée dans l’œuf, et la souffrance niée.
Plus tard, Christine Le Doaré reviendra là-dessus : l’hétérosexualité n’a pas fait la preuve de son excellence dans l’éducation, il y a beaucoup de divorces, les enfants sont névrosés !... Cette mise en concurrence brutale de l’homosexualité et de l’hétérosexualité pour élever les enfants porte un discrédit sur l’hétérosexualité, car si on peut savoir que la famille que l’on connait crée beaucoup de désordre psychique, Le Doaré n’évoque pas la possibilité qu’il en soit de même dans les familles où les adultes sont de même sexe. Cela induit l’idée, sans le dire, que ce sera mieux.
Edgar Morin écrit en 1991 la puissance de l’idéologie : « le marxisme stalinien a été capable de posséder l’esprit de très grands scientifiques, où il a pu refouler durant des dizaines d’années, comme autant d’« ignobles calomnies », les preuves multipliées et accumulées de son mensonge. C’est dire la force des idéologies, face au réel et contre lui. Les faits sont têtus, disait Lénine. Les idées sont encore plus têtues, et les faits se brisent sur elles plus souvent qu’elles ne se brisent sur eux. » (La Méthode 4 Seuil p121)
L’animateur Thomas Chauvineau s’extasie devant une tirade d’Irène Théry : c’est le premier cours de gender à la radio ! (il a une sorte de fierté d’avoir permis cette « première », alors que ce n’est sûrement pas une première). C’est là que se crée l’idéologie, en son principe, les présupposés spéculatifs : le sexe (le réel intangible) ne compte pas, il n’y a que du genre (du bâti sociétal). Les multiples dénis sont portés par cette idée non congrue, selon laquelle le genre ne se construirait pas avec les déterminations du sexe mais, sur rien du tout, sur un système sociétal qu’on pourrait remplacer par n’importe quel autre… pourvu qu’on le veuille et qu’on le décide.
Le Doaré affirme que des décisions de justice sont prises intérêt de l’enfant en faveur de couples homos. Là aussi la confusion entre l’intérêt de l’enfant et la faveur accordé aux homos est terrible.
Avec ce biais, tout est séparé tout le temps. Il n’y a plus de lien entre l’individu et la société et Irène Théry ose nous dire que le mariage n’est plus le fondement de la société, que le mariage n’appartient qu’aux individus ! L’individualisme est considéré comme incontestable et bénéfique, incontestablement bénéfique. L’individualisme me paraît éminemment critiquable.
Du point de vue de la compréhension du monde, l’idéologie est une foi, une croyance. Comme elle n’est pas en lien avec le réel, la contester n’est pas possible, on ne peut contester que l’inadéquation de ses sources au réel que l’idéologie prétend décrire et améliorer en le réformant.
L’idéologie, c’est un discours qui a une logique interne forte et qui est fondé sur des présupposés qui violent le réel. Dans le communisme, on a bien vu que cela amenait à prendre toutes sortes de décisions destructrices jusqu’à arriver à l’impossibilité de rester en vie. Du point de vue de la logique, l’idéologie est un syllogisme de taille mondiale (tout ce qui est rare est cher, un cheval à trois pattes est rare, un cheval à trois pattes est cher). C’est le premier principe qui est faux, tout ce qui est rare n’est pas cher. Le genre se bâtit sur le sexe. Et le sexe comprend bien des choses qui ne sont pas directement en lien avec la sexualité et la reproduction (par exemple, la taille et le poids, l’espérance de vie…)
Pour revenir au mariage des personnes de même sexe, je préfère préciser que je n’ai pas d’opposition au fait que des humains de même sexe se marient.
Mon opposition est absolue, en revanche, à ce qui est présenté comme raisonnable à l’occasion de cette proposition, pour en principe valider et théoriser cette innovation sociale, et qui me semble inepte, insensé, idéologique et qui a déjà commencé à tout brouiller.