Michael Jackson, symbole des sociétés vouées à la mort, la puissance, l’émotionnel et le profit

Si Michael Jackson n’avait pas eu cette célébrité incroyable et démesurée, son destin aurait été jugé assez banal, associant un cocktail d’ingrédients socioculturels qu’on retrouvera dans de nombreux contextes. Surtout quand se mélangent les substances, les profits, l’entourage et les masses. D’aucuns se sont crus autorisés à évoquer des destins parallèles, ceux de Marilyn Monroe, d’Elvis Presley ou encore, mais c’est tiré par les cheveux, ceux de James Dean ou de Jim Morrison. Autre élément de comparaison, le décès précoce mais moins médiatisé de Marco Pantani. Un élément suspect, le dopage. Au final, on retrouve bien des similitudes entre la vie des stars du cinéma, de la chanson, et celle des sportifs de très haut niveau. Notamment en observant le dispositif les entourant.
On trouvera souvent des équipes médicales, des substances pour modifier le corps et l’esprit, des organisations et un entourage très intéressé par les profits et les retombées, et bien évidemment, une sorte de mal qu’on peut appeler la puissance, le désir de puissance et les masses comme cibles passives et émotionnelles de cette puissance. Il suffit de voir les fans aux concerts ou les agités sur la route du tour de France, ou les hystériques dans les stades de foot. Evidemment, la puissance a des retombées en termes d’image, gloire, profit. C’est là la marque de fabrique du époque dont les excès dévoilent les valeurs et ce qui fait bouger les sociétés, autrement dit les ressorts pour reprendre une notion chère à Montesquieu. Qui connaissait la vertu comme ressort de la république et la crainte comme ressort de la tyrannie. Par contre, nul n’aurait imaginé un Michael Jackson ou un Zinedine Zidane dans l’Ancien Régime. Certes, les jeux de cour et les ambitions dominaient mais les ressorts étaient bien différents. A notre époque, deux ressorts semblent déterminer le cours des sociétés. Le désir comme ressort démocratique (ce qui n’était pas prévu dans le contrat initial) et la puissance comme ressort des puissances, des élites et du profit. Ceux qui sont aux commandes jouent sur le registre de la puissance et ceux qui sont sans grades se contentent de désirs (la plupart artificiels) pouvant être satisfaits par le système productifs et de penchants émotionnels que le star system irrigue en jouant aussi du levier industriel. On vend une crème anti-ride comme on promotionne un chanteur qui se déhanche. Ce sont deux industries au savoir-faire distinct mais deux industries dont les profits se comptent avec les mêmes devises. Soulignons surtout la différence essentielle. Le produit vendu par les industriels des cosmétiques ou de l’électronique peut se casser sans problème. C’est même un avantage car cela sert le renouvellement. Par contre, une vedette est irremplaçable. D’où les gardes du corps, les assurances, les petits et grands soins prodigués à ces stars si précieuses pour générer du profit. Tel est le signe de notre époque. Avec ses excès. 50 ans de vie pour Michael Jackson qui a abusé des médicaments, 150 ans de prison pour Madoff qui a abusé bien des clients, et pas du menu fretin !
Une drôle d’humanité, entre aliénation et substance. Le profit ne voit dans l’homme qu’une ressource aussi intéressante qu’un peu de minerai d’or ou que quelques pièces de monnaie. La famille Jackson se dispute la garde des enfants pour le pognon, pas pour le sentiment familial. Preuve s’il en est que les noirs comme les blancs sont du même marbre anthropologique universel. Pas plus tard qu’hier, des professionnels du tourisme ont évoqué la fréquentation des touristes avec les plus modestes désignés comme touristes entrée de gamme. Le vacancier considéré comme un vulgaire appareil électroménager. Ce qui montre l’universalité de la marchandisation du monde, fonctionnant dans les deux sens, dépense ou achat. On achète en haut de gamme et de l’autre coté, on est considéré comme du haut de gamme. Allons jusqu’au bout de cette logique. Les vieux appareils sont recyclés ou conduits à la décharge, comme les humains en statut précaire. Auschwitz peut se décliner sur le mode économique.
Notre époque est inédite. Elle se construit sur la négation de l’humanité. Il y a des siècles c’était le cas mais les sociétés avaient l’excuse de l’ignorance. Elles ne connaissaient ni la liberté, ni l’essence humaine, ni l’humanisme, ni le progrès, vouant le sens de l’existence à la cause de Dieu et se déchaînant dans des guerres de conquête menées par des humains transformés en bêtes de somme affublées d’une cuirasse ou d’une épée. A notre époque, une certaine post-humanité est en œuvre, elle s’élabore comme une anti-humanité mais cette fois en connaissance de cause, avec les acquis du passé que d’aucun jugent dépassé. Voir par exemple les desseins du Medef à l’égard des dispositions du CNR. L’anti-humanisme est devenu implicitement, de manière caché mais efficiente, le ressort de ce monde de profit et du management. Des calculs sordides se mettent en place. L’homme est une chair à puissance autant qu’un dispositif actif dans le champ comptable et pouvant de ce fait faire l’objet de calculs financier. L’homme a été assassiné. Les masses y ont contribué. Les abrutis se pressant devant les marches du palais en quête d’un fragment de célébrité ne valent guère plus que les vaches. Promises à l’abattoir. Alors, pourquoi se préoccuper de démocratie, d’alternance, de gauche, quand la société de masse s’oriente vers le suicide avec les médicaments, les drogues, l’économisme, l’hystérie désirante, les divertissements. La médecine devient vétérinaire. Le corps humain une chair à profit pour les élites médicales. L’esprit humain une substance grise à profit pour les élites médiatiques relayant le monde industriel. L’homme se suicide lentement et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.
On se souviendra de cette image du jeune Michael, se trémoussant sur une scène, il avait vingt ans, une innocence, une joie de vivre. Comme du reste la génération de mai, puis celle de Mitterrand. Tout est devenu sombre, comme une posture de Richard Gasquet. Qui a décidé de ce sombre destin, de cette mort calculée de l’humain, comme en 1939 mais avec des voies plus subtiles et masquées ?
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