Michèle Alliot-Marie, épiphénomène du sarkozysme
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Grâce au « Canard enchaîné », on en sait davantage sur les liens d’amitié entre Aziz Miled, l’homme d’affaires tunisien, et la famille de Michèle Alliot-Marie, notre ministre des affaires étrangères.
Dans son édition de ce jour, l’hebdomadaire satirique révèle que les parents de Michèle Alliot-Marie, qui ont participé également au voyage, ont racheté les parts d’une société immobilière à Monsieur Miled.
Le ministre a réagi dans un communiqué en indiquant que « [La] vie privée [de ses parents] leur appartient ».
Et Bernard Marie, le père du ministre, de préciser sur les ondes d’Europe 1 : « Ma femme et moi sommes les seuls responsables ».
Que ne dirait-on pas pour préserver fifille ?…
Bien évidemment, la « vie privée » a bon dos.
Si la cession de parts ne regardait vraiment que les parents de Michèle Alliot-Marie (après tout c’est peut-être le cas), il est quand même légitime de se demander pourquoi ils ont pris le risque d’un tel mélange des genres et pourquoi leur fille ne leur a pas plutôt conseillé de se réserver un autre moment dans l’année pour régler leurs « affaires privées ».
Comment expliquer cette maladresse ?
Tout simplement parce que ni Michèle Alliot-Marie ni ses parents n’ont anticipé, ne serait-ce qu’une seconde, les effets désastreux de ce mélange des genres.
Cette absence d’anticipation est bien le signe que la France devient de plus en plus une ploutocratie.
La ploutocratie (du grec ploutos : richesse ; kratos : pouvoir) désigne un système de gouvernement où la richesse constitue la base principale du pouvoir ou à tout le moins l’une de ses caractéristiques majeures.
Elle est un régime dans lequel les gouvernants, sûrs de leur pouvoir, ne prennent aucune précaution pour éviter le mélange des genres et les inconvénients qui peuvent éventuellement en découler (favoritisme et clientélisme réels ou présumés, soupçons de corruption, de prévarication etc.).
L’obscénité de la ploutocratie tient précisément dans le fait qu’elle abolit aussi bien la distance entre la richesse et le pouvoir que la distance entre la vie privée et la vie publique dans une sorte de transparence qui, contrairement à ce qu’on peut croire, n’est pas un signe de modernité mais bel et bien de régression généralisée.
Comme je l’ai déjà dit, Michèle Alliot-Marie et ses parents n’ont fait que se conformer à la « doctrine Sarkozy » qui a érigé un mur d’argent entre le Pouvoir et les Français.
En novembre 2007, Nicolas Sarkozy s’est augmenté de 172% alors que le pouvoir d’achat des citoyens n’a cessé de baisser.
Le président de la République n’a jamais dissimulé sa fascination à l’égard des grands patrons et des vedettes et a toujours pris soin de cultiver une grande promiscuité avec eux.
Les exemples de cette déliquescence du pouvoir en France sont nombreux.
Emmanuel Todd a bien résumé l’esprit du sarkozysme dont les errements de Michèle Alliot-Marie ne sont en réalité qu’un épiphénomène (cf. Emmanuel Todd Après la démocratie éd. Gallimard, 2008, p. 16) :
« Si Sarkozy existe en tant que phénomène social et historique, malgré sa vacuité, sa violence et sa vulgarité, nous devons admettre que l’homme n’est pas parvenu à atteindre le sommet de l’Etat malgré ses déficiences intellectuelles et morales, mais grâce à elles. C’est sa négativité qui a séduit. Respect des forts, mépris des faibles, amour de l’argent, désir d’inégalité, besoin d’agression, désignation de boucs émissaires dans les banlieues, dans les pays musulmans ou en Afrique noire, vertige narcissique, mise en scène publique de la vie affective et, implicitement, sexuelle : toutes ces dérives travaillent l’ensemble de la société française ; elles ne représentent pas la totalité de la vie sociale mais sa face noire, elles manifestent son état de crise et d’angoisse. [...] Au fond, nous devrions être reconnaissant à Nicolas Sarkozy de son honnêteté et de son naturel, si bien adaptés à la vie politique de notre époque. Parce qu’il a réussi à se faire élire en incarnant et en flattant ce qu’il y a de pire autour de nous, en nous, il oblige à regarder la réalité en face. Notre société est en crise, menacée de tourner mal, dans le sens de l’appauvrissement, de l’inégalité, de la violence, d’une véritable régression culturelle. »
Lire le billet original sur http://www.gabale.fr/?p=6427
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