Mon utopie
Mon utopie
Je suis démocrate par pragmatisme. Quand on analyse les rouages de notre démocratie représentative, on arrive vite à la conclusion qu'il faut changer la manière de faire de la politique et qu'on est dans un système dans lequel les citoyens ont quelques droits, mais aucun pouvoir. Quelle est cette démocratie à laquelle j'aspire et qui nous fait tant défaut ? Tout d'abord, il convient de définir ce que c'est qu'une démocratie, et ce n'est pas si simple qu'on pourrait le croire.
élection, référendum ou tirage au sort ?
De ces trois procédures, seul le tirage au sort peut être qualifié de démocratique.
On sait depuis les temps anciens - Aristote puis Montesquieu - que "l'élection est du domaine de l'aristocratie" et le tirage au sort du "domaine de la démocratie". Sous la monarchie de juillet (1830-1848), l'opposition Républicaine à Louis Philippe était pourchassée et emprisonnée. Afin d'échapper aux persécutions, certains Républicains se sont déclarés démocrates, et c'est ainsi qu'en France le mot démocratie en est venu à désigner son contraire, à savoir l'aristocratie, l'oligarchie et la ploutocratie. On peut dire que "démocratie" est le premier mot de novlangue qui soit apparu dans les dictionnaires et les livres d'histoire. C'est très embêtant, car il est difficile, voire impossible de résister à un système lorsque le problème est présenté comme étant la solution.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le référendum n'est pas une procédure démocratique. L'absence de tirage au sort donne le pouvoir à la foule et non au peuple, on parle alors d'ochlocratie (le terme est certes péjoratif, mais il décrit une réalité). Dans ce cas précis, voter est un droit, pas réellement un pouvoir. Le vrai pouvoir appartient à celui qui pose la question, pas à ceux qui y répondent. Le référendum, qui a souvent été utilisé dans le but d'obtenir un plébiscite, a un côté imprévisible, c'est la raison pour laquelle il a été abandonné depuis ces 20 dernières années, mais il plait toujours autant aux démagogues (je pense à Mme Le Pen, pour ne pas la nommer), car on vote avec ses tripes, rarement avec sa tête, ce qui est tout le contraire du tirage au sort et des conventions citoyennes dont nous allons maintenant parler.
La démocratie, c'est l'égalité politique de tous les citoyens. L'égalité politique, c'est la possibilité offerte à tous de s'exprimer librement devant une assemblée pour prendre part aux décisions du groupe auquel on appartient. Quand groupe devient trop important, le tirage au sort est le seul processus égalitaire.
Le tirage au sort est une procédure qui ne peut s'appliquer que pour désigner une assemblée. On ne tire jamais au sort une personne seule pour lui donner du pouvoir.
La démocratie s'applique donc au pouvoir législatif uniquement. Il est entendu que la séparation des pouvoirs doit être totale et que les chefs du pouvoir exécutif (ministre et président) qui doivent être élus, ne devraient pas faire autre chose qu'exécuter.
Le pouvoir législatif est le pouvoir supérieur, et l'exécutif le pouvoir subordonné.
De la réforme des retraites aux négociations des accords de libre échange ; si toutes les lois et règlements Français ou Européens qui façonnent la vie de nos concitoyens avaient été écrits par des conventions citoyennes tirées au sort, la probabilité que ces lois et règlements puissent nuire à l'intérêt général serait réellement infime. Et même dans l'hypothèse où des citoyens tirés au sort se seraient trompés, rien ne serait plus facile dans une Europe et dans une France démocratique, que de réunir une nouvelle assemblée tirée au sort qui corrigerait les manquements de la première.
Le sentiment des Français vis-à-vis des conventions est souvent marqué par un mélange de soutien à l'idée de la démocratie participative, de scepticisme quant à leur efficacité réelle, de demandes de transparence, et d'intégration des résultats dans les politiques publiques.
Quant aux participants à ces conventions, nombreux sont ceux qui expriment un sentiment d'accomplissement et de fierté d'avoir été sélectionnés pour participer à une telle initiative. Ils comprennent les enjeux, réfléchissent, délibèrent et prennent des décisions au nom de l'intérêt commun de l'humanité. Une convention responsabilise un individu et le fait passer du statut d'électeur passif à celui d'un citoyen actif, conscient de sa responsabilité, qui ne veut pas décevoir, ni se décevoir.
Afin que ces conventions soient crédibles, elles doivent obéir à un processus rigoureux, tant au niveau de la sélection du panel, que de sa formation, ou de la communication.
A contrario, l'élection et le référendum déresponsabilisent et infantilisent l'électeur. On peut choisir de ne pas voter ; on peut se dire que ce n'est pas grave si on vote mal, car ce n'est pas une voix qui fera la différence, et que si l'élu fait mal son travail, ce n'est pas notre faute, mais la sienne. élire, c'est abandonner son pouvoir, et si l'élu ne fait pas ce que l'on attend de lui, il nous reste… nos yeux pour pleurer. L'élection est bien le contraire de la démocratie.
Voter lors d'un référendum, c'est être un citoyen au rabais, car ce qui compte, c'est de pouvoir débattre dans une assemblée citoyenne ; le vote n'est que la phase ultime du travail citoyen. Pour qu'un référendum ait un caractère démocratique, il faudrait que la question soit posée par une convention citoyenne. On pourrait donc imaginer que les conventions soient validées par un référendum. C'est contradictoire, d'associer une procédure démocratique à une qui ne l'est pas, mais c'est peut-être la seule solution, car la difficulté, c'est de faire en sorte que les avis émis par ces conventions ne soient pas seulement des avis, mais qu'ils s'appliquent pour de bon, et je ne suis pas sûr que les peuples soient prêts à accepter le jugement émis par des citoyens éclairés tirés au sort, alors que paradoxalement, ils acceptent sans difficulté de se faire gruger par des élus, et même par des non élus à Bruxelles. C'est là le résultat de plus de 150 ans de lavage de cerveau et d'inversion du sens des mots.
Un parti politique ne peut pas représenter à lui seul l'intérêt général. La raison d'être d'un parti, c'est d'avoir des élus, de défendre une idéologie et des intérêts particuliers, et plus particulièrement ceux de son chef. L'intérêt général est morcelé de la droite à la gauche de l'échiquier politique. Dans une assemblée tirée au sort, l'électeur du RN côtoie celui de LFI, le citadin le campagnard, l'étudiant le retraité, l'ouvrier le cadre supérieur, et le seul intérêt qu'ils ont en commun est l'intérêt général. Dans ces assemblées, il n'est pas question d'homme ni de querelles d'ego (comme à l'Assemblée Nationale), mais seulement d'idée et c'est ce qui fait la force du système.
De surcroit, la classe moyenne, c'est-à-dire la majorité des Français, a une fâcheuse tendance à voter contre ses intérêts. L'élection favorise les riches, c'est incontestable ; non seulement parce qu'ils ont plus de moyens pour mener une campagne électorale, mais aussi parce que leur statut social leur donne un avantage psychologique dans l'opinion par rapport un adversaire moins fortuné. Quand on est dans la classe moyenne et qu'on gagne péniblement sa vie, on n'a pas envie de payer pour les moins riches que soi, de peur d'un déclassement ; on n'a pas envie que l'immigré ou le pauvre, (qui est forcément un fainéant et qui vit des allocs), gagne autant que nous. Alors qu'en votant pour un banquier d'affaire qui privilégie les ultra-riches, on se dit inconsciemment que s'il a réussi, il pourrait nous faire réussir aussi. Pour être élu, un candidat a besoin qu'une partie de la classe moyenne vote pour lui au premier tour ; il faut donc flatter cet électorat pour obtenir ses suffrages (je sais de quoi je parle, j'estime avoir voté contre mes intérêts pendant plus de 20 ans). Le résultat est la paupérisation de la classe moyenne depuis ces trente dernières années et la déliquescence des services publiques.
Être gouverné par des conventions citoyennes, ce serait l'assurance que l'intérêt général soit pris en compte en permanence, et non une ou deux fois par siècle, au gré de l'histoire, comme ce fut le cas au moment du Front Populaire, de la Libération et partiellement à l'ère du mitterrandisme.
Les conventions citoyennes qui sont composées de non professionnels de la politique sont hermétiques à ce genre de problème. Un citoyen tiré au sort dans une convention bien organisée est aux antipodes de l'électeur qu'il pouvait être une semaine auparavant. Venant de tous horizons, les décisions qui sont prises par le panel sont celles qui correspondent le plus à l'intérêt général.
Pour justifier la loi immigration, le gouvernement nous a expliqué qu'il agissait ainsi au prétexte que ce serait la volonté du peuple Français. Le RN allant même jusqu'à demander un référendum. Le mieux serait que les démagogues se taisent. S'ils étaient sincères, ils donneraient réellement la parole au peuple, au lieu de parler en son nom, pas par l'intermédiaire d'un référendum, mais par une convention citoyenne, et ensuite, ils en appliqueraient les conclusions. Ce serait la meilleure façon de lutter contre la montée du RN. L'avis émis lors d'une convention citoyenne devrait s'appliquer telle que, seul le conseil constitutionnel devrait donner son avis.
Les peuples devraient pouvoir organiser ces conventions librement, sans avoir besoin de demander l'autorisation à ses maîtres. C'est ce droit là qu'il faut conquérir ; pas celui de pouvoir modifier la constitution par référendum, comme le réclament certains groupuscules qui se prétendent démocrates. Si l'on veut modifier la constitution, faisons-le au moyen des conventions. Ce droit, il faut le conquérir au niveau de la France, mais aussi de l'Europe, afin que celle-ci réponde aux attentes des peuples, et dans tous les domaines : santé, travail, immigration, protection sociale, traités internationaux, et même les affaires étrangères !
Ne pensez pas qu'une démocratie soit un pouvoir faible. Imaginez qu'une centaine de citoyens tirés au sort provenant de tous les pays européens condamnent le génocide en cours en Palestine et imposent des sanctions à l'état d'Israël.
Ça aurait de la gueule, comme on dit vulgairement !
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