Mystère en patagonie : 9,5 tonnes d’or au fond de l’eau
Vous le savez, j’adore les histoires de pirates. Oh non, pas ceux de
Somalie, pour lesquels j’ai disons un autre regard que celui de la presse
actuelle. Non, pour les pirates et les chercheurs de trésor. Ou les renfloueurs
de bateau qui ont sombré au fond des eaux, chez lesquels il peut aussi avoir
des pirates. Mais d’un autre genre, disons car il existe semble-t-il des faux et des vrais pirates. Je vous avais aussi parlé du Koursk, il
fut un temps. En ne citant pas ou prou il me semble la société qui l’avait
renfloué... en cisaillant tout son avant, resté au fond de l’eau pour des
raisons que j’ignore et qui ont provoqué bien des spéculations. La société s’appellait Mammoet, elle était hollandaise
et a déjà pas mal de choses de ce genre à son actif étant donné qu’elle est spécialisée
dans les convois exceptionnels. Les grues gigantesques, c’est elle. C’est elle
aussi qui c’était chargé du Tricolor, ce bateau-porte voitures qui s’était couché
dans le détroit. Lui aussi avait été découpé en août 2003 et remonté en 9 tranches, les infortunées voitures découpées
elles aussi par le terrible câble saucissonneur diamanté. Chez Mammoet, ils ont l’art de
manipuler tout ce qui est grand, avec des engins assez étonnants, comme le montre
leur vidéo promotionnelle. Vraiment bluffante. Du grand art industriel,
expliqué dans des dépliants d’entreprise drôlement bien fichus (attention c’est
assez lourd à télécharger). Sûre d’elle,
l’entreprise s’est fait construire un immeuble assez renversant aussi pour servir de siège social. Elle n’est pas la seule sur le créneau, il y a également Dockwise, elle aussi hollandaise, spécialiste des transports... de sous-marins (ou de bateaux) grâce à ses étrange navires semi-submersibles, comme le Transshelf. Qui a déjà pris sur son dos des engins tels que des sous-marins de la classe Kilo, le K-147 et le K-370, deux sous marins russes retirés du service. Dans le même genre, la firme Clockwise possède aussi la taille au dessus : le Blue Marlin (et son sister ship le Black Marlin), qui a ramené aux USA l’USS Cole après son attentat. Très impressionnant, comme dimensions ! Mais aujourd’hui, c’est Mammoet qui revient faire la une des journaux, mais pour une histoire qui vaut son pesant
d’or, c’est le cas de le dire (16.5 millions de dollars exactement au cours du jour). Malheureusement, une somme qui ne la concerne pas vraiment... Mammoet vient en effet de voir s’échapper un contrat juteux, contrat conclu à la suite d’événements bien mystérieux pour tout dire.
Surprenant, se dit-on, que ce vieil esquif datant de 30 ans puisse servir de convoyeur d’or, mais le navire était un habitué de ce type de transport apprend-on : il fait ça depuis six années déjà, car il est affrété par la plus grande mine argentine : Cerro Vanguardia, et doit aussi prendre au passage de l’or et de l’argent des Mines Triton. Cerro Vanguardia est en fait une mine anglo-américaine, qui a le droit d’exploiter le gisement depuis 1996, pour une durée de 40 ans. "Cerro Vanguardia SA was formed in December 1996 with rights to explore and exploit the property for 40 years. AngloGold acquired the 46.25% Anglo group interest in 1998–99 and the equal Perez Companc holding in 2002, then merged with Ashanti Goldfields to form AngloGold Ashanti in April 2004. Fomicruz has a 7.5% carried interest." Une exploitation tradtionnelle, à coups d’explosifs, de gros camions et de tamisage, pas toujours facile en 24 heures sur 24 : "Mining is conventional drill-and-blast, with a load-haul fleet of medium-sized equipment including Caterpillar 988 wheel loaders. Despite the harsh semi-desert climate, with –20°C winters, Cerro Vanguardia mines around the clock, all year". Extraire l’or, c’est impliquer aussi pas mal de problèmes environnementaux, ne l’oublions pas. A bord du frêle esquif, sept marins et un seul passager, qui accompagnent 9,5 tonnes d’or au fond de la cale, pas moins. Oui, vous avez bien lu, presque 10 000 kilos d’or pur (en réalité dedans il y a environ deux tonnes d’argent). Jusqu’ici tout est normal, me direz-vous. Mouais. A part que le tonnage peut surprendre quand même : en or, ça dépasse le tonnage annuel d’extraction de la mine ! "The annual production target was originally approx. 6t of gold and 60t of silver. During 2000, some 365,000 milled tonnes yielded 4,101kg of gold at a cash cost of $146/oz. Production fell to 193,000oz in 2002, recovered in 2003, and increased again in 2004".Un bateau minuscule donc, sans aucun garde spéciale, sans aucune escorte, pour convoyer la production d’une année de mine d’or dans un détroit maritime réputé dangereux ? Alors que les bulletins météos existent et qu’on savait qu’ils étaient mauvais dans les jours à venir ? Avec qui a-t-on joué là ? Avec la Terre de Feu ?
Car dès le lendemain, le bateau est pris au milieu d’une très violente tempête... en plein Détroit de Magellan au point que l’équipage, repéré par un Orion P-3 de la flotte aéronavale argentine, demande d’être secouru au plus vite par les hélicoptères des gardes côtes argentins. Des gens plutôt efficaces, arrivés vite sur le site de ce qui pourrait devenir très vite un naufrage catastrophique : les infortunés marins enfilent tous leurs combinaisons de survie... et sont hélitreuillés. Déjà, là, on s’inquiète un peu... pour la cargaison. "A las 13.50 finalizó el rescate de los tripulantes Patricio Olivares Huerta (capitán), Sandro Campos Matus, Omar Álvarez Aro, Juan Navarro Ramírez, Demetrio González Valdebenito, Enrique Oluc Foschino, Pedro Galindo y el pasajero Rolando Norambuena Pavez quienes fueron evacuados a bordo del Sea King hasta Río Gallegos donde recibieron las atenciones correspondientes" dit un journal local. Tous sont grimpés à bord d’un Sea-King argentin dépêché sur place, et le bateau laissé à la dérive. Etrange.
Pire encore : ayant décrété que le navire devrait polluer en restant sur place (?) , on laisse son moteur en marche, la barre ayant été fixée pour lui faire faire des cercles. Deuxième surprise, car le bateau fait 23 mètres de long et les creux font 10 mètres. Le laisser faire des ronds est-il vraiment plus efficace que de le laisser dériver ? La troisième, c’est la présence pendant tout le sauvetage d’un remorqueur chilien, le “Beagle", venu en renfort précipitamment. Qui tente alors de le faire tenir un cap, en le tirant ....vers le Chili ! Le remorqueur est vigoureusement prié par radio de le faire plutôt vers Rio Gallegos, en Argentine. C’est finalement ce qu’il se décide à faire, et il y arrive en à peine deux jours. Seulement voilà : ce jour-là les bateaux de pêche du port sont de sortie, dans une zone de pêche à une quarantaine de km des jetées, entre Punta Loyola et le phare du cap Virgenes, et il est interdit de s’approcher du port, car on coupe alors à coup sûr leurs filets. Le Beagle et sa proie arrivent et attendent donc leur tour, et c’est le mauvais moment que choisit le Polar Mist... pour couler, en eau calme, avec toujours à bord ses 9,5 tonnes d’or. Enfin, on suppose. Etrange naufrage : le bateau a survécu à des creux de 10 mètres mais a sombré sur une mer d’huile ?
On peut déjà en douter, en effet, de la présence au fond de ce tas d’or. Fin février, on apprenait qu’une autre entreprise avait été contactée par les assureurs : Sermares Nautilus, une chilienne. "Il serait très intéressant d’aborder la tâche. Oui, nous avons été contactés pour prendre en considération si nous avons le matériel et la capacité à trouver le navire et plus tard de récupérer les contenants avec le métal », affirme Ayarza Francisco, le gérant de la société de sauvetage qui a déclaré cela à La Prensa Austral de Punta Arenas, dans l’extrême sud du Chili La compagnie en vaut bien une autre, équipée de rovers tout ce qu’ll y a de plus moderne.. mais on laisse l’option relevage pour tomber dans l’option vérification seulement : "La compagnie a été impliquée dans l’exploration et de récupération sous-marine depuis 1959 le long de la côte chilienne et de ses équipements sophistiqués est sous contrôle à distance des véhicules, ROV Seaeye 600 et le ROV Seaeye Tiger. Elle comprend plus de 600 immersions, des deux côtés de la côte de Patagonie (Argentine et Chili) et Tierra del Fuego". Nautilus a-t-il été contacté pour dresser le bilan d’une disparition pure et simple de l’or ? Elle est spécialisée dans la recherche, mais pas dans le relevage ! La Llyod’s en serait-elle déjà à ne plus songer qu’à aller vérifier la présence ou non des lingots au fond ? Et si Odyssey s’y était déjà mis en route, à la recherche de cette épave ? La firme dont nous avons déjà expliqué les méthodes disons surprenantes... mais efficaces. Elle en avait remonté 17 de tonnes d’or, en monnaie de galion. Transportées au final dans l’avion particulier de l’entreprise. La moitié ou presque est largement à sa portée... à part que la zone de naufrage doit être étroitement surveillée depuis par la marine argentine, du moins on l’espère. Il va bien y avoir quelqu’un pour louer le container de Thether Management Systems, prêt à plonger à 80 mètres, non ? Et au fait, le fameux Skandi Patagonia en possèdait bien un à bord, de ROV... un système Argus, datant de 2000. "A brand new multi-purpose support vessel, the "Skandi Patagonia", is Argentina bound with a shiny new ROV system aboard. ALL OCEANS were contracted by the Norwegian ROV manufacturer ARGUS Remote Systems of Bergen to supply a TMS and Launch and Recovery System to suit their electric work class ROV" nous précisait en effet à l’époque un spécialisé, All Oceans.
Reste alors à échafauder des théories : sur le net, celle de l’escroquerie à l’assurance fait florès. On comprend mieux pourquoi en ce moment même, des plongeurs de Semares Nautilus s’apprêtent à faire un tour, eux ou leurs robots, au fond de la mer, à fouiner dans les vestiges d’un bateau qui gît pas loin d’un endroit célèbre. C’est ici le 21 octobre 1520 en effet que Magellan apercevait le Cap Virgenes, qui marque l’entrée du détroit qui allait porter son nom, ouvrant la route du Pacifique et du tour du monde. Un an après il mourrait sous les coups des indigènes, dans les Philippines. Mais ça c’est une autre histoire. Qui n’a jamais été un mystère, elle.
Documents joints à cet article
54 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON