Netanyahu : un prédateur blessé devient encore plus dangereux !
Le bilan de l’attaque du Hamas du 7 octobre contre le sud d’Israël s'élève à 1 200 morts israéliens et une centaine de personnes kidnappées et détenues à Gaza.
Les Israéliens se rendent compte que le succès du Hamas est intimement lié aux erreurs monumentales du gouvernement Netanyahu, ce qui n'a pas manqué de susciter une interrogation logique : cette équipe hétéroclite bricolée pour des raisons d'opportunisme électoraliste survivra-t-elle aux retombées de cette attaque ? Les accusations commencent à se multiplier, mais cela ne suffira peut-être pas à faire tomber le Premier Ministre israélien.
La stratégie de Netanyahu a toujours été de laisser une marge de manœuvre au Hamas afin d'affaiblir l'Autorité palestinienne à Ramallah et la société palestinienne en général. En mars 2019, lors d'une réunion du parti Likoud, il avait déclaré : « Ceux qui veulent contrecarrer la création d’un état palestinien devraient soutenir le renforcement du Hamas et le transfert d’argent à cette organisation. Cela fait partie de notre stratégie de faire la différence entre les Palestiniens à Gaza et Palestiniens en Judée et Samarie".
L'attaque du Hamas ne provoque pas seulement une "sidération"(comme disent la plupart des journalistes) dans la population israélienne , elle crée le doute sur la pertinence de cette stratégie et la capacité de contrôle de ceux qui l'ont forgée.
Il est également question du plantage énorme des services de renseignement », la célèbre unité israélienne 8200, les services secrets généraux – également connus sous le nom de Shabak – et plusieurs autres agences chargées de la surveillance qui n'ont rien vu venir alors qu'ils se considèrent et sont souvent considérés comme les meilleurs en la matière. Les dommages sur leur image de marque ne sont pas près d'être réparés. La plus grosse erreur (ou faute) de ces unités de renseignement est de s'être surévaluées elles-mêmes et d'avoir sous-évalué le Hamas en le considérant comme inoffensif et incapable d'élaborer une stratégie, ce qui les a conduits à ignorer des signes d'avertissement assez évidents, tels que les manœuvres militaires que le Hamas a menées sur la plage de Gaza récemment. Cet échec est typique du mépris que tous les colonisateurs ont montré dans l'histoire envers les colonisés, que ce soit au Vietnam, en Algérie ou à Cuba. Comment un arriéré pourrait-il rivaliser avec l'élite ?.
On évoque aussi, ici ou là, l'absence de diagnostic fiable et d'anticipation dus, eux aussi au mépris de ceux qui se considèrent comme des conquérants pour ceux qu'ils considèrent comme définitivement conquis, car il apparaît aujourd'hui que l’armée a éloigné ses bataillons de la frontière avec Gaza pour sécuriser les colons juifs en Cisjordanie. En septembre , une vingtaine de bataillons ont été répartis dans cette région alors qu'il n'en restait que deux près de Gaza. À Hébron, 600 à 800 soldats protègent régulièrement environ 800 colons, tandis que trois bataillons accompagnent la « prière » juive au Tombeau de Joseph à Naplouse et au Tombeau de Rachel à Bethléem. Le week-end dernier, un bataillon entier censé sécuriser la frontière de Gaza a été envoyé pour protéger les colons juifs qui allaient prier à Huwara, la ville palestinienne où les colons ont perpétré un pogrom .
Le manque de préparation s'est également retrouvé mis au jour dans les heures et les jours qui ont suivi l'attaque du Hamas, les unités militaires mettant des heures avant de pouvoir atteindre les civils assiégés. Les familles des personnes kidnappées se sont senties abandonnées par les autorités. Une personne vivant non loin de la frontière de Gaza a exprimé un sentiment de plus en plus partagé par les Israéliens : « Dans cette guerre, quelque chose s'est fissuré. Le contrat entre nous et l’état était clair : nous gardons la frontière et l’État nous garde. Nous avons fait notre part avec courage […] l’état d’Israël n’a pas rempli sa part. »
Le gouvernement en place et ses partisans ont déjà établi un système de défense. « Ce n’est pas le moment de mettre en cause des responsable. Maintenant nous devons nous unir pour vaincre les ennemis communs". La plupart des sionistes libéraux ont également adopté cette position, en critiquant violemment quiconque ose sortir du rang.
Un gouvernement d’unité élargi se profile à l’horizon, avec l’ancien chef de cabinet et chef de l’alliance politique d’opposition Kakhol lavan, Benny Ganz, qui a fait savoir publiquement qu’il était prêt à entrer dans le gouvernement de Netanyahu jusqu’à ce que les combats s’apaisent. Yair Lapid, le chef d'un autre parti d'opposition, Yesh Atid (trad : "Il y a un avenir"), a posé des conditions dans lesquelles il serait prêt à entrer dans un tel gouvernement, même si on entend dire qu'il hésite maintenant.
Netanyahu, lui, a tout de suite compris qu’élargir le gouvernement contribuerait à stabiliser sa position devenue chancelante. Dans les coulisses, on élabore un argumentaire de défense pour demain : Netanyahu et ses ministres accuseront les différentes agences de renseignement, les pilotes et les unités militaires d'élite de s'être fourvoyés avec ceux qui protestaient contre la refonte judiciaire de son gouvernement. On appelle ça "faire porter le chapeau". Ils accuseront le Hamas, le Hezbollah, l’Iran et les Palestiniens, mais aussi les juges de la Cour suprême, les médias, le chef d’état-major de l’armée et leur propre ministre de la Défense de les avoir trompés et déçus. Ils voueront aux gémonies les citoyens palestiniens d’Israël, les gauchistes antisionistes et le personnel universitaire des universités israéliennes, et même les sionistes libéraux qui se rallieraient au mouvement de protestation. Netanyahu et son entourage déformeront les faits, même s'ils ont la tête dure, et ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour se maintenir à leur siège. Encore faut-il savoir s'ils y arriveront, car au fur et à mesure que les dégâts humains et matériels seront révélés, la colère de la population israélienne ne fera qu’augmenter. Ce n'est que trente-six heures après le début des attaques du Hamas que le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir est finalement apparu sur la scène politique pour appeler à la destruction complète du Hamas tout en essayant de détourner l'attention de ses propres échecs pourtant évidents en déclarant : « L’État d’Israël vit l’un des événements les plus difficiles de son histoire. Ce n’est pas le moment de se poser des questions, de faire des tests et de menrer des enquêtes ».
Un reportage sur sa déclaration dans le journal Walla a suscité plus de 1 400 commentaires de colère, dont beaucoup exprimaient l'indignation et le désir d'envoyer Ben-Gvir en prison ou de l'échanger contre les otages pris par le Hamas.
Mais il ne faut pas rêver : malgré l'écart grandissant entre le camp des intégristes gouvernementaux et celui des "sionistes libéraux" (sic), il existe également des domaines de large consensus. En fait, les "sionistes libéraux" et leurs homologues intégristes estiment que Netanyahu a été trop timide dans ses relations avec le Hamas, qu'il a manqué de poigne. Malgré les critiques, le tollé et la fureur croissants, il semble également y avoir unanimité sur l'idée selon laquelle, à la suite d’une attaque aérienne massive, l’infanterie israélienne devrait entrer dans Gaza pour « rétablir la dissuasion » et se débarrasser une fois pour toutes du Hamas.
Beaucoup sont également d'accord avec le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, qui a récemment révélé qu'il avait ordonné « un siège complet de la bande de Gaza ». Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé. Nous combattons les animaux humains et nous agirons en conséquence.
Le désir de représailles violentes est le ciment qui unit la société israélienne à l’heure actuelle, même si ce n’est que provisoirement. Mais c'est aussi être l’ingrédient principal dont Netanyahu a besoin pour rester au pouvoir dans les années à venir.
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