Notre engagement en Afghanistan ou la politique du mensonge...
Nos ministres de la Défense et des Affaires étrangères n’ont rien à envier aux talents oratoires fallacieux de leurs chers homologues chinois ou russes !
Ils font beaucoup mieux car nous nous sommes dans un « pays démocratique » !

Je passerai sous silence ce père d’un soldat mort au feu qui la veille dénonçait la politique étrangère de la France en Afghanistan, l’amateurisme de l’état-major, le manque de formation et d’équipement des fantassins et s’écriait que son fils « était mort pour rien »…
Et qui maintenant parle de « héros morts au combat ».
Quel marchandage a-t-on pu lui faire ? On a dû lui dire qu’il faisait fausse route, qu’il allait ternir la mémoire de son fils... Qu’en échange de son revirement d’école de pensée, on allait le soutenir dans sa création d’une association en mémoire de son fils.
Quand notre ministre de la Défense annonce sans sourciller que nos soldats tués lors de l’embuscade en Afghanistan étaient des militaires aguerris, ça demeure « légèrement » fallacieux.
Comment peut-on être un soldat aguerri quand on a 20 ans ? Comment peut-on être un soldat aguerri quand on n’a jamais connu l’épreuve du feu ?
Quand cessera-t-on de mettre en exergue la « valeur guerrière » ? Quand cessera-t-on de glorifier la puissance militaire ?
A-t-on parlé de la nature des blessures des soldats ? Une blessure par balle, par éclats de grenades ou de mortiers n’est jamais bénigne.
On ne parle jamais de la nature des blessures des soldats... De ceux qui reviennent sans bras, aveugles, paraplégiques, tétraplégiques, défigurés...
C’est plus valorisant pour la puissance militaire de mettre en exergue les morts... « des héros morts aux champs d’honneur ».
On ne parle jamais des familles dissoutes, des séparations, des divorces parce que l’épouse ne peut plus supporter de vivre avec un mari sans bras, aveugles, défigurés ou paraplégiques...
On ne parle jamais des traumatismes psychologiques suite au stress, au côtoiement de la mort, à la vision des cadavres de l’ennemi déchiquetés...
Quand cessera-t-on de mettre en exergue la « valeur guerrière » ? Quand cessera-t-on de glorifier la puissance militaire ?
Aucun engagement armé n’est « propre » !
Lors d’un affrontement armé que fait-on des blessés ennemis grièvement blessés voire légèrement blessés ? On les achève ! Pour la simple raison qu’ils sont médicalement intransportables et financièrement insoignables ! Il est insensé d’imaginer qu’on va soigner un blessé ennemi quand ses blessures nécessiteraient des mois d’hospitalisation, des soins coûteux et du personnel hospitalier nombreux !
Sans compter qu’à la fin d’un sévère engagement il arrive souvent que l’on achève les blessés ennemis par lassitude, par peur, par folie, par désespoir, par chagrin, par haine…
Quand vous avez combattu des heures, par un soleil de plomb, sans manger et sans boire, et que vous avez pour vision les gémissements de votre copain déchiqueté qui va mourir, on commet parfois, souvent ?, des actes « humainement insensés ».
Car c’est cela la guerre ! Ou même les « simples » embuscades !
Cessons de glorifier la puissance guerrière ! Cessons de glorifier la puissance militaire, donner la mort à autrui n’est pas « gratuit ».
Quand vous êtes un tireur d’élite et que vous voyez dans votre viseur que vous venez d’exploser une tête... Que doit-on penser ? Qu’on a tué un démon ? Juste une personne à l’apparence humaine ?
On a tué un homme tout simplement ! Même si celui qui commet des actes qu’on ne comprend pas quand on est un Occidental. Comme mourir « au non d’Allah ».
Certes être commando parachutisme en Afghanistan demeure exaltant... le goût de l’aventure, le goût de l’odeur de la poudre, l’action, l’adrénaline, les paysages magnifiques, l’exotisme du peuple afghan déroutant et attachant, avoir l’impression d’être utile, avoir l’impression d’être le dernier rempart face aux barbares, pouvoir enfin tirer en réel avec son FAMAS...
Pouvoir enfin se mesurer à la vérité du terrain... Pouvoir enfin mettre en action la formation que nous ont enseignée nos instructeurs.
Mais derrière la balle que l’on tire avec son FAMAS, il y a un homme… un taliban ? Un exalté ?
Mais c’est un homme avant tout !
Quand on va au rapport après un bombardement aérien... et qu’on s’aperçoit que la bombe « au napalm » larguée par l’aviation a fait une cinquantaine de morts... Quand vous avez pour vision une cinquantaine de morts, brûlés vifs, carbonisés, recroquevillés en position fœtale.
A 20 ans, on doit se poser des questions ?
Quand on va au rapport après un bombardement aérien de bombes qui explosent les poumons...
En laissant à l’enveloppe corporelle une apparence intacte, mais que les cadavres ont le visage déformé par la douleur…
A 20 ans, on doit se poser des questions ?
Il n’y a pas de « héros » morts aux champs d’honneur dans une guerre.
Il n’y a juste que des soldats qui mettent en vigueur les techniques de combat qu’on leur a enseignées.
Même si parfois et même bien souvent l’esprit de groupe et de camaraderie nous pousse à faire des actes de courage insensés dans le but de sauver un copain ou tout simplement de réussir la mission.
Quand cessera-t-on de mettre en exergue la « valeur guerrière » ? Quand cessera-t-on de glorifier la puissance militaire ?
Maintenant nos instances dirigeantes parlent d’accentuer le renseignement... pour éviter les embuscades…
Qu’implique le terme « renseignement » en termes militaires ?
On va chercher à s’infiltrer chez l’ennemi, on va chercher à capturer un « décisionnel ennemi », pour qu’il nous révèle de précieux renseignements... mais à quel prix ?
Au prix de la TORTURE tout simplement…
Et pour éviter de déroger à nos lois européennes, nous donnons procuration de « l’interrogatoire » à nos collègues afghans...
Car c’est cela aussi la guerre : la mort, la souffrance et la torture ! Quelle dérision notre engagement en Afghanistan...
D’un côté, nous avons un des pays les plus pauvres de la planète dont les revenus par habitant sont estimés à 10 € par mois, alors que l’équipement d’un parachutisme du 8e RPIMA revient à 10 000 €, qu’un petit missile ou qu’un véhicule de l’avant blindé coûte 100 000 €.
Quelle dérision !
Il n’y a pas d’un côté les gentils face aux méchants qu’il faut éliminer !
D’un côté, nous avons à déplorer dix soldats français morts aux combats... MAIS que fait-on de la centaine de talibans tués lors de cet engagement ?
N’étaient-ce pas des hommes comme nous ?
Avant d’être des talibans, ce sont d’abord des Afghans qui défendent leurs terres par patriotisme !
Eh oui, n’en déplaise à une certaine pensée unique, l’on peut également parler de patriotisme quand un homme meurt dans son pays les armes à la main, parce qu’il est convaincu qu’il demeure face à un envahisseur qui souhaite lui ordonner par la force son mode de vie !
On peut même parler de patriotisme, d’abnégation et de bravoure ! Il est trop facile et mensonger de parler de « terroristes... »
Que s’imagine-t-on ? Qu’on va imposer notre loi, nos coutumes et nos écoles de pensées occidentales par la force ?
Nous, nous sommes des Occidentaux et chrétiens !
Je pose la question :
Si demain l’Algérie nous envahissait militairement dans le but d’imposer ses coutumes ou sous prétexte que sur notre territoire se trouvent des « terroristes » ?
Que ferions-nous ? Nous, Français ?
Nous combattrons jusqu’au dernier ! Car il nous serait inimaginable d’accepter par la force sur notre sol la domination :
-
des Arabes
et
-
des musulmans.
Nous ne gagnerons jamais militairement en Afghanistan ! Jamais par la force !
La population est contre nous ! Comme en Indochine, comme en Algérie… Comme au Vietnam pour les Américains.
La population est contre nous car :
- nous sommes des Occidentaux ;
- nous sommes chrétiens ;
- ils sont pauvres et illettrés à 80 % ;
- ils sont chez eux, c’est leur terre ;
- ils sont pris entre deux feux, entre « les libérateurs et les terroristes ».
Quand un homme est capable par idéologie, de se sacrifier en commettant un acte kamikaze, ce n’est pas un fou ! Ce n’est pas un illuminé !
C’est tout simplement un être fait de chair d’os qui SOUFFRE ! La cause de la violence est presque toujours le fait d’une souffrance personnelle...
Souffrance de ne pas être pas compris.
Souffrance d’être opprimé.
Souffrance de vivre dans le dénuement matériel et intellectuel.
Souffrance d’avoir l’impression de ne point exister.
Pour vaincre « le terrorisme », nous devons dialoguer !
Comprendre, analyser et nous dire que, face à nous, nous n’avons pas affaire à « des démons illuminés », mais à des hommes de chairs de d’os qui souffrent...
Qui suis-je ? Un révolté, un révolutionnaire, un socialo-communiste aigri et revanchard ? Un tiers-mondiste ?
Un anti-militariste ? Absolument pas !
Je suis même un ancien officier de commandos parachutistes d’une unité d’élite ayant servi dans plusieurs endroits « chauds » de la planète...
Quand je servais sur un théâtre d’opération du style afghan ?
J’aimais l’action, l’adrénaline, les paysages grandioses et les habitants attachants, mais je savais que ma mission ne servait à rien ! Sauf quelques rares fois ou nous portions assistances médicalement et alimentairement à la population en détresse.
Les uniques fois où je fus persuadé sans équivoque de l’utilité de ma mission, c’est quand je participais à une opération d’exfiltration de ressortissants français en zone hostiles.
Qui suis-je ? Je suis chrétien et catholique !
Et je ne comprends pas que l’on puisse commettre un acte kamikaze par idéologie spirituelle.
Et je ne comprends pas que l’on puisse commettre un acte kamikaze au nom d’une religion.
Et je ne comprends pas que l’on puisse commettre un acte kamikaze au nom de l’islam sans que toutes les instances religieuses coraniques ne le condamnent fermement !
Pour moi, toute religion doit être amour et compassion et non haine et destruction !
Mais au lieu de dire que le musulman qui commet un acte kamikaze est un fou enragé qu’il faut exterminer… discutons, dialoguons, comprenons !
S’il faut une guerre ? Elle doit être idéologique ! Je ne jette pas l’anathème sur "la puissance militaire".
Disons que la démagogie, les propos fallacieux de nos instances politiques, la complicité par omission des journalistes, la naïveté du peuple dont je fais partie, me désappointent...
Disons aussi que le côtoiement de Socrate, Thucydide, Alexandre le Grand, Jules César, Napoléon et bien d’autres m’a ouvert les yeux.
Napoléon n’aurait-il pas dit : « il y a deux puissances au monde, le sabre et l’esprit, à la longue la sabre est toujours vaincu par l’esprit ».
Même si je reconnais que notre président de la République ne possède qu’une marge de manœuvre étroite en politique étrangère. Notre participation militaire en Afghanistan est politiquement sûrement obligatoire... C’est le prix à payer pour garder le soutien diplomatique et financier des Etats-Unis… voire pour entériner potentiellement un certain contrat militaire d’avions ravitailleurs...
Et pour garder le prestige et la grandeur de la France à travers le monde...
Notre implication militaire en Afghanistan doit être du « donnant/donnant » soyons pragmatique et réaliste !
La glorification de la puissance militaire depuis des siècles permet également à nos gouvernants de se forger une cour et un peuple serviles et obéissants à souhait.
Je me souviens d’un ancien général français qui disait sans détour dans son livre :
Quelles sont les deux qualités essentielles d’un bon commando parachutisme ?
-
Il doit être « bête et discipliné » !
Pas trop instruit pour éviter de se poser trop de questions sur l’utilité réelle du conflit… et pour se ravir des décorations et des éloges qu’on lui décerne après le combat... malgré les pertes, la souffrance, les horreurs et la guerre.
Eh bien, nous aussi, « le peuple », nous sommes également « bête et discipliné » pour le plus grand bien de nos gouvernants.
Vive la guerre ! Vive la haine ! Longue vie à nos gouvernants !
Je finirai par un texte visionnaire de Socrate, écrit il y a plus de 2 000 ans.
Socrate commentant à son fils Ménexène « les avantages de mourir à la guerre » :
"En vérité, Ménexène, il semble qu’il y ait beaucoup d’avantages à mourir à la guerre.
On obtient en effet une belle et grandiose sépulture, si pauvre qu’on soit le jour de sa mort.
En outre, on est loué, si peu de mérites que l’on ait, par de savants personnages, qui ne louent pas à l’aventure, mais qui ont préparé de longue main leurs discours.
Ils ont une si belle manière de louer, en attribuant à chacun les qualités qu’il a et les qualités qu’il n’a pas, et en émaillant leur langage des mots des plus beaux, qu’ils ensorcellent nos âmes.
Ils célèbrent la cité de toutes les manières et font de ceux qui sont morts à la guerre et de toute la lignée des ancêtres qui nous ont précédés et de nous-mêmes, qui sommes encore vivants un tel éloge que moi qui te parle, Ménexène, je me sens tout à fait grandi par leurs louanges et que, chaque fois je reste là, attentif et charmé, persuadé que je suis devenu tout d’un coup plus grand, plus généreux, plus beau.
De plus, comme c’est l’habitude, je suis toujours accompagné d’étrangers qui écoutent avec moi, aux yeux de qui je deviens à l’instant plus respectable.
Et, en effet, ces étrangers paraissent impressionnés comme moi et à mon égard et à l’égard de la cité, qu’ils jugent plus admirable qu’auparavant, tant l’orateur est persuasif.
Pour moi, cette haute idée que j’ai de ma personne dure au moins trois jours.
La parole et la voix de l’orateur, pénétrant dans mes oreilles, y résonnent si fort que c’est à peine si le quatrième ou le cinquième jour je me reconnais et me rends compte en quel endroit de la terre je me trouve.
Jusque-là, je ne suis pas loin de croire que j’habite les îles des Bienheureux, tant nos orateurs sont habiles."
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