Nous faisons les règles et nous les violons quand ça nous chante, Capiche ?
La réunion des pays membres de l'OTAN à Washington se déroule dans un contexte très particulier qui est celui consécutif au premier débat majeur pour la présidentielle US en novembre prochain qui a affaibli l'image du chef (en pratique) de l'alliance, l'accueil d'un comédien qui n'aurait jamais dû faire de la politique et qui n'est techniquement plus le chef d'Etat ukrainien et l'arrivée récente de la Finlande et Suède comme nouveaux membres.
Tous les poncifs et narratifs utilisés par le passé sont présents dans la déclaration du 10 juillet 2024, qui peut se résumer dans une formule simple, à savoir « Nous faisons les règles, nous les violons et les imposons à qui nous voulons, quand nous voulons et au diable le reste du monde... ».
« L'OTAN est une alliance défensive » est mentionné dès le premier paragraphe, omettant probablement l'agression de la république de Yougoslavie (qui ne menaçait aucun Etat membre de l'alliance) de mars à juin 1999 comme celle de la Libye (qui allait bien au delà du mandat donné par les Nations Unis). A l'époque la raison explicite de l'intervention était qu'on ne peut tolérer des massacres de civil et de l'épuration ethnique (au Kosovo, dans un monde régis par des règles de droit. Un journaliste taquin aurait pu faire remarquer que tout cela se passait en Palestine depuis la fin des années 1940, mais le déclin du journalisme est antérieur à cette époque.
Le monde entier a l'occasion d'assister à une épuration ethnique massive de la bande de Gaza en Palestine, doublée d'intentions génocidaires affirmées par les dirigeants sionistes, sans que cela ne pose aucun problème cependant à cette alliance « défensive ».
« We make the rules, we break the rules, F.U. »
Le paragraphe 2 de la déclaration rappelle un autre poncif à savoir que
« Chaque pays a le droit de choisir les arrangements de sécurité qu’il souhaite pour lui-même. «
Cela ne sous-entend nullement que le Mexique, Cuba (sans frontière avec les USA) ou un autre pays du continent américain peut faire la même chose et entrer dans une alliance militaire avec la Russie ou la Chine par ex, pas plus que cela autoriserait un de ces pays à accueillir de grandes bases militaires (comparables au « Camp Bondsteel au Kosovo par ex).
Cela veut aussi dire que chaque pays membre de cette alliance défensive peut pousser le niveau de sa défense au point d'ignorer les besoins de défense des pays voisins non membres.
L'OTAN est une alliance militaire dont le dernier but est la résolution des conflits par la diplomatie et la négociation, ce n'est pas son rôle.
« We make the rules, we break the rules, F.U. »
Le paragraphe 3 rappelle justement que « L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a fait voler en éclats la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ».
Bien entendu on ne saurait trouver mention dans cette déclaration de la parole donnée aux dirigeants russes que l'OTAN n'irait pas au delà de la frontière est de l'ancienne Allemagne de l'est, après réunification.
Aucune mention donc du rapprochement massif vers la frontière russe de l'OTAN malgré toutes les mises en garde depuis le début des années 1990.
L'OTAN aurait logiquement dû disparaître avec le « Pacte de Varsovie », car la Russie seule n'avait que le tiers des effectifs humains de l'U.E et idéologiquement a abandonné le communisme pour embrasser le capitalisme dès le début des années 1990.
Lors de l'agression de la Yougoslavie au nom de valeurs morales qu'elle n'a jamais eu (comme le prouve l'inaction complète de l'alliance envers le massacre en Palestine), l'alliance avait 19 membres, elle en compte 32 lors de ce sommet.
Dès 2008, tout le monde savait en Occident que l'offre d'adhésion envoyée à l'Ukraine équivalait pour la direction russe à une « déclaration d'hostilité » sinon une déclaration de guerre. Angela Merkel a publiquement avoué par ex que c'était son opinion lors du sommet de l'alliance à Bucarest en 2008. William Burns dans un mémorendum fuité à destination de la direction US de l'époque intitulé « Niet means Niet » indiquait que toutes la sphère dirigeante de Russie partageait la vision de Poutine que c'était un pays trop loin et que la Russie ne matière de sécurité était le dos au mur.
Le rejet de ce projet était sans ambiguïté à l'époque, les Russes connaissant parfaitement la doctrine « Monroe » des USA (le souvenir de la crise des missiles à Cuba en 1962) et invoquait un droit similaire à celui exigé par les USA de ne pas avoir une projection de force émanant d'une nation étrangère à la région sous leurs fenêtres.
Aucun lien imaginable entre l'avancée de l'OTAN vers la frontière russe et le « vol en éclat de la paix et la stabilité en Europe », puisque cette alliance est défensive, bien sûr.
Sauf que « We make the rules, we break the rules, F.U »...
La réunion qui vise essentiellement à réaffirmer l'engagement envers l'Ukraine pour défendre son droit inaliénable à conserver les frontières héritées des guerre de l'ex empire soviétique, oublie volontairement que l'histoire récente a vu les frontières modifiées en Yougoslavie, en Tchécoslovaquie et bien sûr la disparition de l'URSS. Il est édifiant que des gens prétendument sains d'esprit aient envisagé lors du coup d'Etat en Ukraine en 2014 (qui a éliminé un dirigeant légitimement élu qui pronait la neutralité ukrainienne) de faire entrer dans l'OTAN un pays dont les régions est et sud contenaient une proportion notable de russes (sinon russes du moins russophiles et russophones) sans penser aux conséquences sur la paix interne dans le pays.
Tout pays a le droit de choisir son destin, éventuellement avec un coup de pouce et quelques milliards de dollars US pour lier la sauce.
Clairement un coup d'Etat ne pouvait que favoriser la paix et la sécurité en Europe en 2014.
« We make the rules, we break the rules, F.U ».
Le lecteur se souvient sans doute des accords de Minsk qui ont poussé la direction russe a refusé pendant 8 ans la demande d'annexion par la Russie des deux républiques autoproclamées de l'est ukrainien. On sait par la partie ukrainienne (Poroshenko) et les deux garants (Allemagne et France) qu'il n'était nullement question d'accepter le maintien des frontières ukrainienne en échange de l'autonomie relative des deux républiques.
Comme partout, seule l'opinion des USA devait prévaloir et donc l'occident a été à l'épreuve de force la fleur au fusil, en s'égosillant en février 2022 contre une invasion « totally unprovoked ».
Le lecteur se souvient probablement aussi que fin 2021 et au début 2022 un projet d'accord de sécurité global en Europe (tenant compte des besoins de la Russie) a été rejeté d'un revers de main par les USA, comme l'accord quasiment trouvé en mars/avril 2022 entre l'Ukraine et la Russie.
Comme le disait en 2015, le géopolitologue de l'école réaliste aux USA, J. Mearsheimer, « nous allons réduire 'l'Ukraine en un champ de ruines en lui laissant croire qu'elle peut faire ce que bon lui semble en s'asseyant sur l'opinion d'un puissant voisin ».
L'OTAN n'étant que le bras armé des intérêts US, on peut se demander jusqu'où sont prêts à aller les USA dans ce conflit imbécile au dernier degré.
Ils se sont engagés dans un conflit avec une nation qui en terme d'arsenal nucléaire les équivaut et pour qui l'avenir de l'Ukraine est leur préoccupation majeure. Les USA ont bien d'autres fers au feu pour se maintenir durablement dans ce conflit en position centrale.
Cet épisode les met en situation de pouvoir perdre la face face à l'ancien adversaire idéologique, massacre le rôle du dollar dans les transactions internationales qui seul a permis leur emprise militaire sur la planète entière, financé par l'épargne des autres pays et donne le champ libre à la Chine pour devenir le futur pôle attractif sur le plan géopolique.
Il n'est pas anodin que la déclaration mentionne la Chine comme menace pour les intérêts, la sécurité et les valeurs des membres de l'alliance.
Un historien pourrait éventuellement leur rappeler que la Chine fut agressé pendant un siècle par l'impérialisme japonais et occidental (les guerres de l'opium entre autres), sans avoir jamais agressé aucun Etat Européen, mais l'idée qu'un centre de pouvoir indépendant de l'empire puisse se faire jour est rejeté comme potentiellement hostile par pure projection du comportement occidental.
Le jury ne se prononce pas encore pour savoir si cette alliance nous mènera à la guerre nucléaire, mais elle semble parfaitement incarner la volonté de nos dirigeants de saigner nos économies et nos peuples en se réarmant massivement pour maintenir un monde « basé sur des règles que nous ne respectons pas nous-mêmes » sous la domination d'une fraction de plus en plus marginale de l'humanité.
Dollar, FMI, Banque Mondiale, OMC, « SWIFT » tous les instruments de pouvoir de l'occident étant désormais dans le collimateur du reste du monde, cela promet un avenir tendu pour tout le monde.
Mais tout est encore possible. Nos dirigeants ne sont-ils pas l'incarnation de ce qui se fait de meilleure dans l'espèce humaine ? Suprémacisme et racisme, quand vous nous tenez...
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