Nous sommes le 93
Je suis natif de la Seine-Saint-Denis que je n’ai jamais quittée et dont j’arbore les couleurs sur mon blogue. Dans les années 50 et 60, ce département, qui ne portait pas encore le numéro 93, était pour partie celui de la Seine et de la Seine et Oise.

A quoi cela pouvait-il bien ressembler ?
On y trouvait des grands sites industriels, à Saint-Denis, et on allait faire du canot aux sept îles de Montfermeil. Les pavillons de banlieue étaient clairsemés, et alternaient avec des terrains vagues où les matchs de foot entre équipes de rues étaient les seuls affrontements locaux.
Comme les seuls commerces étaient des épiceries, cafés ou boulangerie, pour faire des courses « sérieuses », on allait à Paris, dans les grands magasins. En gros, ce n’était ni pire ni mieux qu’ailleurs.
La quasi totalité des gens qui peuplaient l’endroit étaient des ouvriers et à cette époque, comme le disait Coluche : « Y avait plein de boulot. C’était pas payé cher, mais y en avait plein » .
A part un ou deux bastions « riches », de Montreuil à La Courneuve en passant par Clichy-sous-Bois, Saint-Ouen, Drancy ou Aulnay-sous-Bois, les communistes et les socialistes tenaient les rênes. Le lien social y était fort, et de fêtes de quartiers en coups de mains au voisin, si les gens ne roulaient pas sur l’or, la mendicité n’avait pas lieu de cité.
S’il avait beaucoup de boulot, il manquait des bras, et la politique de l’immigration de l’époque tenait plus du post-colonialisme que de l’immigration « choisie » chère à de nombreux politiques actuels.
Il fallait des logements, beaucoup de logements et le meilleur endroit pour les construire restait les banlieues « rouges », histoire d’emmerder les communistes. Alors on a construit, vite, économique, pas beau, mais spacieux (selon l’expression des ministres de l’époque).
Et puis années après années, on a laissé tout ça filer, sans jamais se poser de questions. Les quartiers se sont dépeuplés de leurs habitants d’origine, et repeuplés de nouveaux déracinés aux familles nombreuses, adaptés au « spacieux ». Le boulot a commencé à disparaître, et les élus de la nation à ne plus habiter dans les quartiers ni à leur périphérie.
Depuis sept jours, ce pauvre 93 qu’on ne finit pas de montrer du doigt, est en train de devenir le cas d’école de politiques toutes plus fumeuses les unes que les autres.
Entre le traitement « social » des socialistes et celui de la « schlague » de la droite, aucune réflexion n’a été menée pour démanteler un habitat monstrueux, qui déplaît autant à ses habitants qu’à ceux qui en sont proches. Le bon M. Borloo, qui ne manque pas d’idées mais seulement d’argent, en est l’exemple. Où sont-ils, les fiers écologistes pourfendeurs de la mauvaise qualité de vie ?
Contrairement aux idées reçues, il fait souvent bon vivre dans ce maudit 93, et le dynamisme des populations en fait un endroit particulièrement actif. Nous avons tous appris à côtoyer des générations de migrants qui sont devenus des citoyens français, avec plus ou moins de folklore. Oubliés de tous les politiques, sauf de quelques élus locaux, les gens du 93 se sont construit un quotidien qui oscille entre débrouillardise et incivilités.
Seulement il aura fallu que deux gamins décèdent pour qu’on replonge dans la tradition de la forêt de Bondy, qui était comme tout le monde le sait un repère de brigands.
Hier soir, en rentrant du boulot, je suis passé voir le magasin et le camion qui ont brûlé. Je n’ai pas été capable de dire si un ministre de l’intérieur, tenté par une dialectique frontiste, est seul responsable. J’ai simplement vu des gens de la rue un peu désemparés par une situation qu’ils ne maîtrisent pas.
Bien entendu qu’il existe dans toute ethnie ou origine des petits salauds. Il est vrai qu’habiter un quartier sordide, où quelques salopards s’ingénient à casser ou tagger tout ce qui appartient au patrimoine commun, demande de la constance, ou simplement est une obligation.
Oubliez vos plan « Marshall », vos projets de rénovations, vos grands discours, messieurs les politiques !!!
Venez découvrir les vrais gens de ce département. Venez constater les horreurs urbaines commises par vos prédécesseurs, et mettez immédiatement les fonds nécessaires à la démolition et à la reconstruction de ces villes.
Une poubelle ou une voiture qui brûlent, c’est un peu de votre pouvoir et de votre crédibilité en moins. Montrez-nous enfin que votre mandat est au service de la nation et de tous ses citoyens, et les émeutes nocturnes ne seront plus qu’un souvenir lointain.
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