Où on reparle d’AZF... et d’une intuition !
Surprise cette semaine avec le retour de l'énigme AZF, alors que le procès en appel est toujours en cours. Vous le savez, je l'ai déjà assez dit ici, le complotisme à propos de cet accident chez moi ne fait pas du tout recette. On a eu affaire pour moi à un accident, dont on ignorait toujours à vrai dire le process exact de déclenchement. Des matériaux ont été indubitablement mélangés par erreur, par un ouvrier, mais jusqu'ici il manquait encore semble-t-il l'élément déclencheur, en quelque sorte l'alumette qui aurait tout précipité. Or, un accident survenu le 13 décembre 2011 pourrait très bien être montré en exemple pour expliquer l'origine exacte de l'explosion. Et cette explication, j'y souscris d'autant plus que j'en avais déjà suggéré ici-même en février 2009 la moitié du chemin de l'explication... car, surprise des surprises, lors de cette explosion inopinée, ce qu'on a retrouvé nous ramène directement aux juste à côté, dans les fameuses "ballastières", dont je vous avais évoqué la potentielle dangerosité. Sans le savoir, en 2009, j'étais tombé sur ce qui pourrait être la bonne piste ! Une piste que l'événement qui s'est produit il y a à peine trois mois indique manifestement.
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Revenons donc si vous le voulez bien deux années en arrière. Voici ce que j'écrivais : "pour trouver la réponse, il faut rentrer dans une histoire vieille de ..... près d’un siècle, à quelques années près. L’époque de la grande guerre. Celle de 1914-1918, et celle de la boucherie au canon, qui n’aura eu que peu de clones, à part la guerre de position qui opposera l’Iran à l’Irak et qui en présentera les mêmes effets, avec les attaques au gaz et la guerre des tranchées. Ces fameuses "ballastières" si dangereuses, contiennent en effet des caisses d’armement de 14-18 bien particulières : elles sont à base d’obus à poudre de nitrocellulose... plus communément connu sous le nom de "fulmicoton". Un produit extrêmement dangereux : "Selon le taux d’azote obtenu, on obtient un produit très dangereux et explosif à l’état sec. La nitrocellulose est stockée dans des conditions d’humidité importante (> 25%) pour être considérée sans danger." Apprend-on assez rapidement sur le Net. "Infllammable et explosif à l’état sec".. et donc plongé au fond de l’eau... pour ne pas exploser ! Le "coton-poudre", autre nom de la nitrocellulose, enflammé, explose en effet en dégageant une chaleur intense sans laisser de traces ou presque. C’est pourquoi d’ailleurs c’est le type d’explosion préférée des illusionnistes : sur scène, il ne reste rien non plus ! L’autre débouché à une époque de la nitrocellulose était les films, ce qui explique qu’un bon nombre aussi tournés au début du siècle sont partis en fumée." Près de l'endroit de l'explosion d'AZF, un autre danger continuait à rôder.
J'y expliquais en effet que juste à côté du site d'AZF, reposaient... des alumettes, en quelque sorte, un gigantesque dépôt "d'allumettes" de fulmicoton, matière on l'a vu, hautement inflammable. L'usine où s'est produite l'explosion récente est celle de l'usine toulousaine Saica Pack, qui est spécialisée dans la fabrication de cartons divers, dont de l'ondulé et elle situé à proximité du site détruit, près de la route de l'Espagne. L'usine de pointe du groupe espagnol, qui a subi des dégâts lors de cette explosion (mais qui n'ont pas été montrés à ce jour), est située dans le périmètre de ce qui était ici avant... une poudrerie nationale, qui existait depuis le XVIII ème siècle. Le site où était également situé l'usine d'AZF. Aujourd'hui, c'est le centre de Sanofi dédié au cancer qui a été construit dessus (avec le transfert des services de l'Institut Claudius-Rigaud) peut-être bien un peu vite, d'ailleurs, comme on va le voir plus loin. Historiquement, en effet, on a produit sur place des armes de guerre. "Pendant la “Grande Guerre” de 14-18, Toulouse ravitaillait l'Armée française et ses “casques bleus”, les malheureux Poilus consignés dans les tranchées. Tout ce qui était obus et mortier était propulsé par des charges de poudre qu'on mettait dans des gargousses, des petits sacs emplis de poudre que l'on plaçait au cul des canons. La “Grande Guerre” 14-18 a contribué à l'expansion d'une industrie florissante. Dès 1915, se sont développées la Cartoucherie et la Poudrerie reliées par voie ferrée à l'arsenal. Installée à l'origine, près du quai de Tounis, la Poudrerie est transférée dans l'île du Château (à côté de la cité universitaire Faucher), avant de s'étendre, toujours au sud, entre les bras de la Garonne. Trente mille ouvriers y travaillent, confectionnant poudre et explosifs pour faire parler les canons de 75 et, surtout, les Rimailhos, les fameux “155” dont on ne cessait de vanter la redoutable efficacité" nous racontait en 2008 Gérard Arnaudé. Des photos et des cartes postales du début du siècle attestent de cette production indéniable de poudre sur place.
C'est la société Amouroux qui participe à l'effort de guerre, aidé par l'Etat . Elle passe des machines agricoles la fabrication d'obus : " Les usines du Pré-Catelan, fondées, en 1890 par Pascal Amouroux en vue de la fabrication d'outillage agricole, s'empressent de répondre à leur tour aux sollicitations du gouvernement. Après quelques aménagements, elles assurent rapidement la fourniture de gaines relais pour obus, d'obus de 90 en fonte ordinaire, d'obus de 95 en fonte aciérée, de caissons à munitions, de voiturettes porte-mitrailleuses et porte-munitions, de chariots fourragères et de chariots de parc. Leur activité incessante va contribuer de façon appréciable au ravitaillement en matériel et en munitions de nos armées en guerre". A la fin du XIXeme siècle également, le fulmicoton tient la cote chez les anarchistes (poseurs ou lanceurs de bombes à l'époque) : les journaux du mouvement en décrivent même la fabrication artisanale sous le nom "d'arme anti-bourgeois !"
Au sortir de la guerre, les stocks sont donc énormes. On va s'en débarrasser... vite fait, trop vite fait, en les enterrant ou en les plongeant dans les étangs voisins, faits au départ de façon anarchiques, ces dépôts vont être plus ou moins réglementés quatre après la fin du conflit : "en 1922, des mesures ont été prises par la Ville de Toulouse et l'Etat pour donner un caractère un peu plus écologique à ces dépôts sauvages et les ballastières furent aménagées, creusées, alimentées régulièrement. L'enfouissement n'était plus que celui de la nitrocellulose extraite de l'armement sous forme de bandelette rectangulaire enfouies de manières régulières à partir de la ballastières Sud (ballastières N°3) jusqu'à la ballastière N°1 au Nord. Une ballastière N°4 fut également exploitée plus au Sud sur le domaine des Sables d'Auzun". Bref, sous le site d'AZF, on trouve toute sortes de débris liés à la fabrication des obus : "non seulement ce secteur recèle en sous-sol un immense dépotoir d'obus, de poudres et diverses objets métalliques qui sont loin d'avoir été récupérés mais l'enfouissement lui-même de la nitrocellulose
qui a duré des dizaines d'années concerne une hauteur de fond sous les ballastières qu'il est très difficile d'évaluer sans une investigation des plus poussées. Au total, plus de 46 000 Tonnes de nitrocellulose furent enfouis. La ballastière Sud en possède le plus. Cette estimation a été faite par le Servie de Déminage de Montpellier en 2000". La Poudrerie, devenue "Poudrerie de Braqueville" finira par fermer en 1978. S'installe alors AZF, l'ex "Office National de l'Industrie de l'Azote" dans les années 30 et 40. La firme y produit de l'ammoniaque, des engrais et... de la Mélamine (une résine dure et résistante plus connue sous le nom de Formica).
Bref, pendant plusieurs années, on va ignorer le danger. Jusqu'aux années 90 où on en prend à nouveau conscience, notamment à la suite de quelques incicents : celui de voitures incendiées dans un quartier voisin (celui du Mirail) avec un peu trop de facilité (le "sport" n'est dons pas récent !) : « Les gamins du Mirail incendiaient les voitures avec ces copeaux qu'ils appelaient ''le bois qui pète'' », rapporte Alain Ciekanski, le président des « Amis de la Terre », association toulousaine qui a, la première, dénoncé le danger potentiel de ces ballastières ouvertes aux visiteurs plus ou moins bien intentionnés". Les enfants du coin repêchant trop facilement du... fulmicoton ! "A la fin des années 1990, le problème des ballastières refit surface à la suite d'événements particuliers qui montraient tout simplement que des Toulousains pouvaient facilement réaliser des bombes et autres engins dangereux en récupérant la nitrocellulose dans ces ballastières.
Les terrains étaient très mal contrôlés... AZF, qui n'était pas censé détenir le contenu de ces ballastières n'avait pas à sa charge ce contrôle strict et se bornait à la présence d'une simple clôture autour de ce secteur devenu le paradis sauvage des lapins, des biches et des sangliers et également celui des pêcheurs et autres promeneurs désireux de goûter à la nature et au silence à côté du centre-ville". Tout le monde pouvait y accéder au fameux "bois qui pète" !!.
On le savait donc, à l'endroit où AZF s'est installé, il y avait dans le sol et dans les étangs alentour un danger potentiel. Or ce danger, on s'en est aperçu dans la nuit du 13 décembre dernier chez Saica Pack, à 21h 46 exactement, avec un incident plein d'enseignements. Le Figaro en fait un compte-rendu saisissant : "L'accident est survenu sous un stockage de vingt tonnes de bobines de papier qui a absorbé le soulèvement de la dalle en béton », explique le directeur du site, Jacques Delhommeau. Le résultat : l'explosion a éventré une dalle en béton sur quelques mètres carrés. Depuis la mi-décembre, le centre de déminage de la sécurité civile, piloté par le directeur de cabinet du préfet de la Haute-Garonne, Maurice Barate, enquête à partir de quelques bâtonnets retrouvés sur place lors du retrait des gravats de la dalle. « Il s'agit de petits cylindres de 6 mm de diamètre et de 10 mm de hauteur, précise-t-il. Ce sont de petits cylindres de nitrocellulose qui proviendraient des anciennes activités de la poudrerie de Braqueville qui a occupé les terrains durant de très longues années.On pense que l'explosion pourrait être due à leur dégradation. »
Les résidus de fulmicoton avec lesquels des générations entières de jeunes toulousains ont joué sont certainement à l'origine d'une explosion dont les conséquences ont été limitées en raison de la nature de l'endroit où elle s'était produite. Sur le site d'AZF, ces mêmes cylindres minuscules sinon indétectables, répandus sur tout le site, avaient été surmontés de 300 à 400 tonnes de nitrate d’ammonium. On connaît la suite.
Le 25 septembre 1911, c'était un cuirassé ("dreadnought"), le Liberté, lancé en 1905 et fleuron de la Marine française, qui avait sauté en rade de Toulon, suite à l'incendie à bord de son compartiment à poudre. "Comment ne pas croire à un séisme avec la déflagration simultanée de 735 obus de 19, chargés à la mélinite, et de 4 600 obus de 65 et 45mm. Dans les habitations les plus proches, des plafonds et des cloisons fissurés, des meubles renversés, des carreaux brisés. De toutes parts, ce fut l'affolement, l'angoisse, les appels désespérés" décrira-t-on. AZF, avant l'heure, mais à Toulon. Bien d'autres catastrophes de ce type auront cours, souvent dans des ports, avec des navires chargés de munitions ou d'engrais, comme celle de l'explosion du Liberty Ship Grandcamp, à Texas City le 16 avril 1947 (photo à droite) après qu'un incendie se soit déclaré dans son chargement de nitrate d'ammonium de chez Monsanto en cours de chargement. L'explosion sera entendue à 250 km à la ronde. A Halifax, au Canada le 6 décembre 1917, se sont deux navires qui se tamponneront, le français Mont-Blanc, et un navire norvégien, le Imo, qui seront à l'origine du désastre. A bord du Mont-Blanc, il y a 2 400 tonnes d'explosifs : du TNT, du fulmicoton et de l'acide picrique. L'explosion sera l'équivalent de 2,9 kilotonnes de TNT et Halifax fut rasée, une tempête de neige le lendemain achevant des blessés. On retrouvera l'ancre du Mont-Blanc à 5 km de là. Le 14 avril 1944, à Bombay, un autre Liberty Ship, le SS Fort Stikine, bourré de munitions, prend feu et explose. On retrouve un débris de son hélice encore brûlante au milieu d'une école située à 3 km de là. Lors de la catastrophe d'AZF, on enregistrera un séisme de magnitude 3,4 sur l'échelle de Richter qui sera ressenti jusqu'à 75 km de là (**).
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Le danger persiste donc, et pas seulement avec le fulmicoton : le terrain est aussi toujours truffé d'obus ! "Pour cette même Ballastière 0, une demande lors de cette réunion a été faite par Agir pour les Oustalous pour exiger le contrôle de la présence de milliers d'obus déversés de 1918 à 1922 dans cette ballastière 0. et donc sous ce bois de peupliers. Ce fut toute une période effacée de la mémoire militaire qui a précédé l'officialisation en Juillet 1921 par le Ministère des Armées du traitement de la nitrocellulose contenu dans les obus. Des anciens ont participé pendant l'après première guerre mondiale à ces transferts d'obus non traités et l'ont raconté à leurs descendants. Ces milliers d'obus ont été enfouis secrètement sous un marécage (1930), puis des champs (1940) et enfin un bois de peupliers (1960) . La DGA n'a fait aucune réponse sur ce point.... la DREALE ne s'est même pas intéressée au problème et est restée muette lors de cette réunion à ce sujet. Si les média avaient pu être présents à cette réunion, il est fort probable que le sujet évoqué les aurait intéresser puisqu'il concerne un risque important oublié dans l'étude abordée et pourrait à lui tout seul faire évacuer pour des années le Cancéropôle. Il faut préciser également que des obus ont été retrouvés lors de la construction du cancéropôle, que des artificiers ont dû intervenir pour les retirer et que ce petit détail extrêmement grave semble être caché et par la DGA et par la DREALE." Aurait-on poussé la charrue avant les bœufs dans ce projet ? A construire au dessus de terrains que l'on savait infesté d'obus ?
à voir : http://www.youtube.com/watch?v=QVN8aHK2D-U (se passer du commentaire conspirationniste). http://www.youtube.com/watch?v=5ZM0X0dke5k le reportage sur l'usine de cartons http://www.wat.tv/video/rebondissement-dans-affaire-azf-4w9gp_2exyh_.html
L'exploitation honteuse de la candeur des téléspectateurs par Davis Pujadas : son "exclusivité" ce sont les images de Google Earth mises à la date de 2002 ! Celle que je montre également dans ce texte ! C'est de la captation d'audience par bouts de ficelles ! Sur les ballastières : http://www.dailymotion.com/video/xf7vb4_rehabilitation-des-ballastieres-de_news http://www.dailymotion.com/video/xf7ss7_la-depollution-des-ballastieres_news entendre Marie-France de Roodenbekke, sous-directrice des sites et de l'environnement de la DGA débiter le discours sur "l'étude des risques" est un vrai régal de langue de bois... "ne fait courir aucun risque". "Ça coûte très cher"... le mot est lâché... résultat, on laissera en l'état !!!! rien ne sera fait avant... 2015 : "combien le ministère de la Défense devra-t-il débourser de millions d'euros pour réhabiliter Braqueville. Si la facture se révélait trop élevée, l'armée se replierait derrière l'étude détaillée des risques qui concluait en 2008 à l'innocuité de la nitrocellulose lorsqu'elle reste immergée, pour laisser le site en l'état."
Le dossier de l'Etat (plutôt succint !) sur la décontamination du site :
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http://www.midi-pyrenees.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SPPPI_Toulouse_05-12-05_cle0fcb4a.pdf
le texte du jugement (en appel) de 2009 :
http://blogazf.ladepeche.com/index.php?2009/11/20/2657-le-texte-du-jugement
le CD-Rom des documents :
http://blogazf.ladepeche.com/index.php?2010/01/19/2808-le-cdrom-du-blog-est-edite
(*) Une affaire qui marche : "En France, Veolia Propreté gère les déchets dangereux via sa filiale spécialisée SARP Industries. Veolia Propreté a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 6.6 milliards d'euros". "Veolia Propreté compte environ 77 900 salariés répartis dans 35 pays. Elle réalise 9,02 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 3,4 en France (données 2009)".
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(**) sur les accidents liés au seul nitrate d'ammonium, lire ici :
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