Paris vaut bien une tour
Quelle mouche a donc piqué notre Delanoë, pour qu’il s’entiche de tours au point de vouloir en planter aux quatre coins de Paris, comme en leur temps Pompidou puis Giscard, c’est vous dire la modernité ébouriffante du projet ?
Il y en a pas déjà assez, des IGH, en front de Seine, place des Fêtes, vers la place d’Italie, la porte de la Villette ? La Défense, c’est déjà la cambrousse ? Et la Tour Montparnasse, à moitié vide dit-on ?
Des centaines d’hectares de bureaux à louer en Île-de-France, plus de cent mille logements vacants à Paris même, ça ne suffit pas ? Faut-il vraiment en rajouter et pour complaire à qui ?
Les cabinets d’architectes amis, comme l’ineffable Roland Castro qui, tout en moquant ces bornés d’écolos, nous vante la beauté du grand comme il nous vendrait celle du petit pourvu qu’il en ait commande ? Les promoteurs amis ? Les barons amis du BTP ?
Allons ! Bertrand jurera que le dessein est parfaitement désintéressé, quoique ni ces emmerdeurs de Verts ni, surtout, la grande majorité des Parisiens ne souhaitent voir s’ériger sous leurs fenêtres ces monstres de béton, de verre et de métal qui vous gâchent la perspective et vous volent la lumière.
Est-il vraiment indispensable de concentrer encore un peu plus de monde dans la région la plus riche du pays, la plus densément peuplée aussi, avec toutes les contraintes qu’implique la surpopulation pour les individus et l’environnement ?
Paris doit-elle entrer en concurrence avec sa périphérie en incitant les sièges sociaux d’entreprises à se déplacer de la banlieue vers la capitale, les bourgeois des Yvelines à vendre leurs villas menacées par la racaille pour acquérir un quatre-pièces au trentième étage porte de Versailles ?
Est-il vraiment nécessaire d’investir toujours autant d’argent et de moyens techniques à Paris et aussi peu à Limoges ou à Besançon ?
Quid de l’équilibre, non pas précaire, mais déjà inexistant entre l’Île-de-France et les autres régions ?
Est-il bien raisonnable, quand on se prétend progressiste, de rafraîchir le vieux cliché qui fait de la ville-lumière le centre rayonnant du pays et du reste de celui-ci, la Grande Plouquerie, l’espace de détente pour les Parisiens ?
Ne court-on pas à l’absurde en n’observant le monde qu’à travers son propre petit prisme depuis sa propre tour d’ivoire ?
Bertrand s’en tape : avant d’être socialiste, il est libéral, autocrate plus que démocrate, et avant d’être Français, c’est-à-dire avant d’être préoccupé par la mise en valeur et le développement harmonieux du pays tout entier, il est Parisien et il a de l’avenir de Paris une conception toute personnelle. Il veut le plus beau pour sa chère cité, des gratte-ciel comme à Manhattan, apparemment sans se douter une seconde que c’est précisément le contraire que les touristes américains viennent chercher à Paris, du classique, de l’haussmannien, du proportionné avec justesse, de l’architecture à l’échelle humaine plutôt qu’à celle des dieux.
En ce qui me concerne, si cet homme prétend un jour, à l’occasion d’une élection, représenter tous les Français, je me méfierais.
18 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON