Portraits d’Islam (3) : Ahmed bin Hanbal, le Père du Fondamentalisme
La semaine dernière j’ai eu l’occasion, à travers le double portrait de
Abû Hanîfa et de son disciple Abû Yûsuf, de dresser un rapide schéma
des débats et controverses qui avaient agité les milieux juridiques
musulmans des premiers siècles du calendrier de l’Hégire. En guise
d’introduction à ce troisième article, je reviendrai d’abord brièvement
sur les conditions de naissance des trois grandes écoles juridiques de
l’Islam sunnite à avoir précédé le hanbalisme.
Ces écoles juridiques se développèrent en réponse à la nécessité de trouver des solutions aux divers problèmes posés par l’application du Coran et de la Sunna, et qui ne trouvaient pas de réponse évidente dans le texte même de ces derniers : il s’agissait donc de préciser les fondements de la Loi en même temps que d’en éclairer les conditions d’application. De grands docteurs du droit musulman se penchèrent donc sur la question et, à leur suite, quantité de disciples : les trois premiers de ces juristes de premiers plans furent ainsi Malik Bin Anas (711-796), Abû Hanîfa (699-767) et al-Shâfi’i (767-820).
Le malikisme, d’abord, s’appuyait essentiellement sur la pratique médinoise de l’Islam : de fait, on considérait cette pratique comme représentant la Tradition vivante du Prophète et de ses compagnons. Pour autant, le malikisme ne se contentait pas de cette reproduction de la pratique ancienne, n’hésitant pas à avoir recours, lorsque la chose s’avérait nécessaire, à une réflexion personnelle articulée autour de la notion d’intérêt général.
On a déjà évoqué les principaux traits caractéristiques des thèses hanafites, considérée comme la plus « progressiste » des grandes écoles juridiques, notamment en ce qu’elle laissait une large place à la réflexion personnelle et était grande productrice de « subterfuges » destinés à faciliter la vie du croyant en lui permettant d’ignorer des prescriptions coraniques jugées par trop rigoureuses. Enfin, l’école chaféite se distingua par l’élaboration d’une méthode précise et rigoureuse de raisonnement par analogie, permettant de faire des déductions à partir des textes fondamentaux.
Ainsi les écoles malikite et chaféite, tout en affichant des différences notables avec l’hanafisme, avaient ceci en commun avec ce dernier de considérer les textes sacrés comme insuffisants pour répondre aux besoins, politiques aussi bien que sociaux, de la communauté musulmane naissante. Fort logiquement, Malik bin Anas, Abû Hanîfa et al-Shâfi’i, puis leurs disciples respectifs, en vinrent donc à admettre que ces textes pouvaient, et même devaient, faire l’objet d’une interprétation humaine et, partant, rationnelle.
De ce point de vue, il est loisible de considérer Ahmed bin Hanbal (780-855) comme un réactionnaire, au sens strict de ce terme. Et de fait, le fondateur de la quatrième école juridique du sunnisme, traditionniste partisan d’une lecture littérale du Coran, thuriféraire d’un Islam intransigeant et, à l’occasion, violent, fut, avant tout et pour ainsi dire toute sa vie, un réactionnaire et un opposant. En outre, et surtout, dans la mesure où ses thèses et enseignements constituèrent un premier aboutissement des développements du traditionnisme musulman, on serait tenter de voir en lui le père -ou l’un des pères- fondateur du fondamentalisme, et donc, par extension, de l’islamisme. C’est la raison pour laquelle nous nous pencherons tout d’abord sur la vie et les idées d’Ahmed Bin Hanbal, avant de nous intéresser à son legs.
L’école de la Tradition
Né à Bagdad en 780 dans une famille arabe qui avait soutenu la "révolution abbasside" ayant conduit au renversement du Califat omeyyade par al-Abbâs, Ahmed bin Hanbal suivit ses études dans la capitale califienne, mais pas uniquement : il vécut aussi à Bassorah, voyagea en Syrie, au Hedjaz et jusqu’au Yémen, où il fut fortement influencé par les partisans du hadith.
Une formation qui fournit un début d’explication aux multiples oppositions qui jalonneront son existence, et notamment sa triple opposition : aux trois premières écoles juridiques, d’abord ; au m’utazilisme, ensuite ; et enfin, son opposition farouche au chiisme.
Il est relativement aisé de concevoir les divergences qui séparèrent Ahmed Bin Hanbal de ses trois "prédécesseurs". Et de fait, il façonna sa pensée juridique de façon à prendre l’exact contrepied du malikisme, de l’hanafisme et du chaféisme, rejetant en conséquence l’ijtihâd au nom d’une lecture traditionniste et littérale du Coran et de la Sunna. Il lui en effet semblait que les trois autres écoles avaient très nettement abusé de ce procédé, au risque de fausser le message divin. Son cheminement intellectuel était simple : le Coran, étant la parole divine transmise aux hommes via Mahomet, est fondamentalement créateur. La Loi est donc le seul fait de Dieu, et trouve par conséquent son unique source dans les textes sacrés, à l’exclusion de toute interprétation humaine. Car une telle interprétation, elle-même créatrice, implique nécessairement que l’homme essaye de se hisser au niveau de Dieu. Or le premier, contrairement au second, est imparfait : son interprétation ne saurait donc être qu’imparfaite.
Cette conception particulièrement rigoriste explique aussi, quoique partiellement, l’opposition de Ahmed Bin Hanbal au mu’tazilisme, ce courant de pensée rationalisant, bien qu’étant demeuré en marge de l’Islam, acquis une certaine importance et une forte influence entre 813 et 847.
Mais qu’est-ce exactement que le mu’tazilisme ? Nombre d’historiens récents ont glosé à loisir sur cette "secte" musulmane. Les origines en demeurent obscures, notamment en raison de la disparition des textes de base. On sait cependant que les fondateurs présumés, Wâsil bin Atâ’ et Amr bin Ubayd professaient dès le VIIIè siècle la limitation de la toute-puissance divine par le recours au libre arbitre et à la responsabilité individuelle, s’opposant en cela à la notion de prédestination. Par la suite, au cours du IXè siècle, la doctrine mu’tazilite se structura autour de deux idées forces : l’unicité divine et la justice divine.
Le premier principe impliquait une conception d’un Dieu révélé, mais présenté sous une forme que l’on pourrait presque qualifiée de philosophique : absolument distinct du monde créé, étranger à lui, il ne se trouve ni dans le temps ni dans l’espace. La conséquence logique de cette conception particulière de Dieu est double : d’abord la négation des attributs divins traditionnels, ensuite et surtout la réfutation du caractère incréé du Coran.
Le second principe, celui de justice divine, conduisait le mu’tazilisme à affirmer le libre arbitre de l’homme. Leur conception d’un Dieu, unique et transcendant, extérieur au monde et par conséquent étranger au mal qui pouvait y régner, induisait que l’homme était seul responsable de ses actes, que ceux-ci soient bons ou mauvais, et qu’au moment du Jugement il serait puni ou récompensé en fonction de ces derniers, sans qu’à aucun moment n’intervienne des notions de "rancune" ou de "clémence", car les "sentiments" de Dieu ne sont en rien assimilables à ceux que les Humains peuvent ressentir.
Mais du principe de justice divine les mu’tazilites tiraient une seconde conclusion : la nécessité d’imposer, par la force si besoin était, la vraie doctrine... c’est-à-dire, en l’occurrence, la leur. Une obligation impérieuse qui incombait, de leur point de vue, au chef de la communauté des croyants, donc le Calife, et qui trouva une sinistre traduction dans les faits, entre 813 et 847, lorsque le pouvoir abbasside fit siennes les théories mu’tazilites : ce fut la période de la Mihna, ou Inquisition, qui débuta quand le Calife al-Ma’mûn décida, d’abord d’imposer la croyance en un Coran créé comme seule croyance officielle, puis de vérifier que tout un chacun faisait bien sienne cette dernière. Ses deux successeurs, al-Mu’tasim et al-Wâthiq, poursuivirent en ce sens.
Ahmed Bin Hanbal fut l’une des victimes les plus éminentes de cette "Inquisition", facette sombre de la pensée mu’tazilite. Clairement opposé aux théories rationalistes ainsi développées, Bin Hanbal fut convoqué à Tarsus par al-Ma’mûn alors en campagne contre les Byzantins. Le Calife mourut avant l’arrivée du juriste, si bien que ce dernier fut renvoyé à Bagdad pour y subir un interrogatoire long et pénible, au terme duquel il fut condamné à la flagellation. Libéré, il fut cependant contraint de promettre qu’il n’enseignerait plus et se tiendrait dorénavant à l’écart de toute activité publique.
Ce qu’il fit jusqu’en 847, et même ensuite alors que le successeur d’al-Wâthiq, al-Mutawakkil, revenait sur les orientations des trois dernières décennies, condamnant le mu’tazilisme en même temps que toute volonté de penser rationnellement les prescriptions du Coran et de la Sunna. En dépit de ce retour en grâce du traditionnisme, Ahmed Bin Hanbal refusa d’exercer une quelconque fonction officielle, et il incomba à ses fils d’assurer la diffusion des thèses hanbalites.
Celles-ci sont principalement contenues dans deux types de textes : d’abord le Musnad, un recueil de hadith rédigé de la main de bin Hanbal lui-même et qui lui valut une grande renommée, et ensuite un certain nombre de "professions de foi", attribuées aussi bien au maître qu’à ses disciples, et par lesquelles ils énumèrent, sans jamais, et conformément à leur mode de pensée, prendre la peine de les justifier par une argumentation rationnelle, les fondamentaux de leur école : croyance en la toute-puissance de Dieu, en la prédétermination des actes humains, et, de façon concomitante, négation du libre arbitre, affirmation de l’existence des attributs divins, croyance dans le caractère incréé de la parole divine et, enfin, une profession de foi qui aura, on le verra par la suite, de nombreuses conséquences, l’obéissance inconditionnelle à celui qui détient le pouvoir politique, même s’il est impie.
A la lecture de ces professions de foi, et dans cette réaction que constitue le hanbalisme, à la fois aux efforts d’interprétation des trois autres écoles et à la pensée à vocation rationalisante du mu’tazilisme, on comprend aisément que le hanbalisme constitue, dans ces premiers siècles de l’histoire musulmane, le coeur d’un fondamentalisme duquel naîtrait un islamisme militant, prosélythe... et à l’occasion particulièrement violent. Il ne fallut d’ailleurs pas attendre longtemps pour que les hanbalites se mettent à verser dans le coup de poing pour imposer leurs propres conceptions de l’Islam. Ils s’appuyèrent notamment sur le devoir de hisba, l’obligation religieuse imposée par le Coran à tout bon musulman d’ordonner le bien et d’interdire le mal. La formule du Coran elle-même est encore plus sibylline, mais les hanbalites, trahissant en cela les prescriptions de leur fondateur, se firent un devoir de l’interpréter pour justifier des actions violentes : des troubles eurent ainsi lieu à Bagdad, relate une anecdote, lorsque la ville fut investie par des zélateurs des théories d’Ahmed bin Hanbal pour s’attaquer aux marchands, et notamment à ceux qui, en dépit de l’interdiction religieuse de consommer de l’alcool, s’obstinaient à vendre du vin. Ces troubles expliquèrent en partie la réaction des successeurs d’al-Mutawakkil, et notamment du Calife al-Qâhir
Mais la violence des hanbalites, et ce à travers les siècles, s’adressait en priorité à un autre genre de "mécréants" : les chiites.
Développer la façon dont naquit le courant chiite et dont il se sépara définitivement de l’orthodoxie sunnite prendrait ici trop de temps et de place, on se bornera donc à en retracer les grandes lignes, ce qui permettra d’ailleurs de mettre en lumière les fondements de l’opposition farouche que lui vouaient les hanbalites.
La source du schisme musulman entre sunnite et chiites fut d’abord de caractère politique, ou en tous cas politico-religieux à partir du moment où l’institution du Califat conduisait à mélanger les affaires de l’État et celles de la religion. Le chiisme -shî’a, dérivé de shî’a ’Ali, c’est-à-dire "parti d’Ali- naquit, d’abord du combat qui opposa, après l’assassinat du Calife Uthman en juin 656, les partisans d’Ali, cousin et gendre de Mahomet, à ceux de Mu’âwiya, futur fondateur de la dynastie des Omeyyades, puis, après l’assassinat d’Ali en 661, du refus de ses partisans de reconnaître la légitimité de Mu’âwiya en tant que successeur du Prophète. De leur point de vue, seul un descendant d’Ali et de Fatima pouvait prétendre au pouvoir, et c’est cette descendance -notamment al-Husayn et ses enfants- qui devint bientôt l’objet d’une vénération particulière, ses membres les plus éminents étant élevés au rang de véritables "saints" musulmans.
Les hanbalites voyaient d’un très mauvais oeil cette vénération, qui de leur point de vue violait ni plus ni moins que le principe de l’unicité divine : seul Dieu était digne d’adoration, et les hanbalites se firent un devoir de le faire comprendre aux chiites, notamment en s’opposant aux processions et pèlerinages aux tombeaux des imams alides. Une violence qui monterait encore en puissance à travers les siècles, et qui trouverait une apogée particulièrement sanglante au XVIIIè, époque de l’expansion du wahhabisme.
Les turbulents héritiers du hanbalisme
Car les thèses de l’école hanbalite furent la matrice féconde des différentes formes de fondamentalismes sunnites qui feraient parler d’elles au fil du temps, s’appuyant sur les enseignements, non seulement d’Ahmed Bin Hanbal, mais aussi de ses "successeurs", parmi lesquels on pourra citer, notamment, Ibn Taymiya et Mohammed Bin Abdelwahhab (qui fera l’objet d’un article ultérieur).
Ibn Taymiya (Damas 1236- Bagdad 1328), juriste et théologien, est considéré comme le plus illustre représentant de l’école hanbalite. Connu pour ses fort nombreuses fatwa (avis juridiques) et son rigorisme intransigeant, défenseur acharné de la "pureté originelle" de l’Islam, on peut le considérer, sans pour autant le réduire uniquement à ce statut, comme le géniteur des concepts fondamentaux de l’islamisme sunnite : fondamentalisme, prosélytisme, application impérative et intransigeante de la chari’a, défiance vis-à-vis du rationalisme (notamment celui des mu’tazilites, encore eux) et, à l’occasion, violence. On se souviendra à cet égard que le GIA avait, au moment de revendiquer l’assassinat des moines de Tibehirine en 1996, invoquer une fatwa d’Ibn Taymiya afin de justifier leur acte, laquelle autorisait "l’assassinat de moines chrétiens, s’ils se mêlent aux hommes en terre d’Islam pour les inviter à leur religion" (Dictionnaire mondial de l’islamisme, Plon, pp.250-251).
Du traditionnisme hérité d’Ahmed Bin Hanbal, et développé par la suite sous la plume d’Ibn Taymiya, devait naître plus tard cet appel à purifier l’Islam, qu’il s’agisse de le dépouiller de ses originalités nationales, locales ou confessionnelles apparues au cours des siècles, ou, plus particulièrement à partir de la fin du XIXè, des influences extérieures et, plus précisément encore, occidentales ; appel qui deviendrait la pierre angulaire du "réformisme".
Le terme même est des plus ambigus... ambigüité d’ailleurs pas limitée à l’univers islamique, tant il est vrai que le mot de "réforme" peut servir de cache-sexe aux pires régressions politiques, sociales, économiques ou juridiques. Nul besoin de sortir des frontières de la France actuelle pour s’en rendre compte.
Quoiqu’il en soit, le courant qui se développa au XXè siècle, d’abord en Orient, n’avait pas pour objectif de réformer l’Islam, mais bien de le "régénérer", de le rétablir dans ses valeurs originelles seules à même de renforcer le monde musulman contre l’influence grandissante d’un occident par ailleurs jugé impérialiste. L’idée était celle d’un retour aux sources, ou, plus exactement, d’un "retour à la tradition des ancêtres" (salafiya) dans une perspective fondamentaliste, prêchant la censure des mœurs, le respect des interdits alimentaires, l’interdiction de la pratique des jeux de hasard, la condamnation des "hérésies" de type chiite, etc.
Ainsi naquit le salafisme, mouvement qui se manifesta de façon protéiforme au cours du XXè siècle, et dont on doit au passage préciser que, s’il s’opposait bel et bien au "modernisme" de ceux qui, en terre d’Islam, acceptaient les acquis -notamment scientifiques et techniques- de la civilisation occidentale, il n’en était pas pour autant uniformément fermé et son fondamentalisme, bien qu’évident, ne s’accompagnait pas nécessairement d’une haine virulente pour l’Occident ni d’une tentation pour l’action violente. Néanmoins, ces deux éléments, le premier nécessaire pour compléter le tableau de ce qu’on pourrait appeler l’islamisme moderne, le second indispensable à la définition du terrorisme islamiste, vinrent se greffer aux caractéristiques du salafisme dès avant la seconde moitié du XXè siècle, et ne cessèrent de prendre de l’ampleur par la suite.
Et comment aborder la question de l’islamisme moderne sans évoquer les Frères Musulmans ? L’intérêt en est d’autant plus grand qu’une émission du service public a récemment été le théâtre de ce qu’on appellera -uniquement par simplicité et facilité de langage- un débat entre une -là encore, je prie mes lecteurs d’excuser l’exagération- "journaliste féministe et laïque" et Tariq Ramadan, figure de l’islamisme décontracté, et petit-fils du fondateur des Frères, Hasan al-Bannâ’, et qu’à cette occasion monsieur Ramadan a rappelé qu’il ne reniait en rien l’héritage familial, et que, pour tout dire, Hasan al-Bannâ ne pouvait pas réellement être qualifié d’islamiste. La "journaliste féministe et laïque" -pour des questions de bienséance, il me semble utile de conserver son anonymat- n’ayant pas vraiment su saisir cette perche pourtant gigantesque, essayons de creuser un peu.
Cette "association", créée par l’instituteur Hasan al-Bannâ’ en 1928, fondait à l’origine son action sur une double ambition d’instruction religieuse et d’amélioration du niveau de vie des populations défavorisées d’Égypte. Le mouvement prit toutefois un tour nettement politique au cours des années 30, et s’orienta notamment vers la lutte contre l’influence britannique et le soutien aux Arabes de Palestine, et fut amené, tantôt à soutenir le régime en place, tantôt à s’y opposer, bien que sur le long terme les Frères se retrouvèrent généralement de l’autre côté de la barrière du pouvoir politique, et ils furent notamment d’irréductibles adversaires du nassérisme.
Mais laissons de côté les éléments factuels pour nous intéresser à l’apport théorique d’Hasan al-Bannâ’. De fait, il est aisé de retrouver, dans la doctrine des Frères Musulmans, les éléments hérités du hanbalisme et des conceptions d’Ibn Taymiya, car il suffit pour cela d’énumérer les cinq "commandements" autour desquels se structure cette doctrine :
-
Dieu est notre but,
-
le Prophète est notre modèle,
-
le Coran est notre loi,
-
le Jihad est notre vie,
-
le Martyre est notre vœu.
Notons d’emblée que ces professions de foi contiennent tous les ingrédients de l’islamisme à tendance terroriste : la primauté du religieux, le refus de l’innovation et la reproduction de la pureté originelle, la chari’a comme seule source du droit, le recours envisagé à la violence -j’aurai l’occasion d’aborder en détail la notion de Jihad dans un prochain portrait- et enfin un certain nihilisme, la vie de l’individu valant clairement moins que le cause qu’il contribuera à servir, y compris par sa mort.
Et si ces éléments n’étaient pas suffisants pour convaincre le lecteur, l’étude du programme d’Hasan al-Bannâ’, sobrement intitulé "les 50 demandes". On se contentera de rapporter ici quelques exemples caractéristiques, via des citations... complètes et non tronquées.
Ainsi Hasan al-Bannâ’ suggère-t-il, entre autres, de :
-
"Réformer les lois pour qu’elles se conforment à la législation islamique, et notamment les infractions et les sentences pénales" ;
-
"Fortifier l’armée et multiplier les phalanges de jeunes en les éduquant à la ferveur de la guerre sainte" ;
-
"Contrôler le comportement personnel des fonctionnaires sans distinguer l’aspect privé de la responsabilité publique du fonctionnaire" ;
-
"Supprimer toutes les sortes de jeux de hasard" ;
-
"Revoir les méthodes d’enseignement des filles ; faire obligatoirement la différence entre ces méthodes et celles appliquées aux garçons, au cours de tous les cycles d’enseignement" ;
-
"Exercer un contrôle sur le théâtre et le cinéma, et filtrer les pièces à jouer et les films à diffuser" ;
-
"Revivifier le rôle de la hisba et réprimer tous ceux qui ne respectent pas les préceptes de l’Islam ou ceux qui n’observent pas ses obligations tels le jeûne du mois de ramadan, la prière, ou encore ceux qui insultent la religion" ;
-
"Encourager l’instruction du Coran dans les écoles publiques et privées" ;
On pourra me reprocher le choix de ces quelques propositions. De fait, les cinquante ne plaident pas toutes pour une approche strictement islamique -notamment en matière économique, encore qu’on retrouve par exemple l’interdiction de l’usure- mais ces quelques exemples témoignent bien, en premier lieu de la filiation entre les hanbalites et les Frères Musulmans, et en second lieu du caractère islamiste de la doctrine exposée.
Doctrine que Tariq Ramadan ne condamne pas, et dont il reprend à l’occasion bon nombre d’aspects pour façonner son "islamisme à visage humain", celui qu’il présente aux grands médias occidentaux, et dont ces derniers semblent de fait particulièrement friands. Doctrine à vocation totalitaire, dans la mesure où elle envisage l’Islam, non comme une simple religion, mais comme un "englobant" devant régenter chacun des aspects de la vie politique, économique et sociale des musulmans... voire des non-musulmans.
Frédéric Alexandroff
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