Pour obtenir un référendum sur le nouveau traité européen
Article 35 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Mes chers concitoyens,
Dans quelques mois, un événement d’une portée considérable et décisif dans l’Histoire se déroulera dont les conséquences pour notre avenir et celui de nos enfants seront gigantesques. Quel est-il ?
Tout simplement le passage par voie parlementaire du nouveau « Traité européen simplifié », qui n’est en fait qu’une « Constitution européenne bis ».
En effet, M. Giscard d’Estaing, l’ancien président de la Convention qui
avait rédigé le traité constitutionnel européen rejeté lors du
référendum du 29 mai 2005 par les Français, a estimé que le nouveau
traité européen en préparation, « c’est le processus constitutionnel de Laeken qui se poursuit » et que « 90 % des termes sont identiques » à la Constitution européenne (1).
M. Sarkozy, ayant choisi la voie parlementaire pour faire adopter le
nouveau texte, M. Giscard d’Estaing s’est réjoui de cette décision car
selon lui la voie parlementaire « garantit la ratification ».
Il faut rappeler que lors du référendum de 2005, le NON l’avait
largement emporté avec 54,67 % des votes, alors que le 28 février 2005,
les députés et sénateurs avaient voté à 92 % en congrès à Versailles la
réforme constitutionnelle pour « adapter » la Constitution française au
traité constitutionnel européen.
Comme le soulignait M. Philippe Séguin à l’Assemblée nationale le 5 mai 1992, « le recours à la voie parlementaire est contraire à l’esprit de notre pacte social car ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire (2) ».Certains politiques diront que « la procédure de l’article 89 - de la Constitution française - rend sa dignité au Parlement ! Convenez que l’argument est plutôt singulier au moment où l’on nous demande de diminuer encore son pouvoir réel ! (3) » L’article 3 de la Constitution française de 1958 rappelle ce que dit l’article III de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : la souveraineté nationale appartient au peuple.« Nulle assemblée ne saurait donc accepter de violer délibérément ce pacte fondamental... Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif par une loi d’habilitation générale, dépourvue de toute condition précise quant à sa durée et à sa finalité. A fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple. (4) ».(Voir la note Le Conseil d’Etat consacre la primauté du droit européen !)
Comme le précisait Charles de Gaulle, à Londres, en 1942, démocratie et souveraineté nationale se confondent : « La démocratie se confond exactement pour moi avec la souveraineté nationale... La démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, et la souveraineté nationale, c’est le peuple, exerçant sa souveraineté sans entrave. »
Certains citoyens feront confiance à leurs députés, mais pour nos parlementaires, « la messe » est déjà dite ! Devant un hémicycle vide (voir vidéo), l’un d’entre deux a tenu des propos particulièrement pertinents : « On a supprimé le paquet cadeau et les rubans, mais on a gardé le même contenu. La manœuvre est habile, mais pardonnez-moi, M. le ministre, la ficelle est un peu grosse. Faire passer cette constitution bis pour un simple règlement de copropriété, d’où l’expression « traité simplifié » destinée à abuser nos concitoyens, n’a pour but que d’éviter un nouveau référendum. Dans son propos, le ministre Kouchner a d’ailleurs été franc tout à l’heure, il a osé dire : « l’absence de référendum évitera la coupure entre l’Europe et le peuple ». Il avait raison, en supprimant la démocratie on peut essayer de faire croire que tout le monde est d’accord, sans aucun risque d’être désavoué, du moins dans l’immédiat. »
D’ailleurs le mot « simplifié » en lui-même signifie clairement les choses, car en effet, en mathématiques, lorsqu’on parle d’une fraction simplifiée, cela signifie tout bonnement trouver une fraction sous une autre forme mais toujours égale à celle de départ !
Comment obtenir un référendum sur le nouveau traité européen ? Le peuple français va-t-il devoir commencer une insurrection pour son obtention ? En ce qui me concerne je ne vois qu’une seule forme d’action efficace et pacifique pour l’instant. Dès que le nouveau traité sera fixé et après son analyse minutieuse montrant qu’il est un copié-collé du texte constitutionnel refusé par les Français, tous les républicains devront s’engager dans un mouvement de grève de la faim afin d’obtenir un référendum.
Pour terminer, je vous invite à (re)lire ces quelques extraits du formidable discours de M. Philippe Séguin, faisant preuve d’une grande clairvoyance, ainsi que les deux citations de M. Pierre Mendès France et M. Chevènement au bas de cet article. Sans oublier la déclaration de M. Barroso datant du 10 juillet 2007 : l’U.E. est un Empire.
Discours du 5 mai 1992 de M. Philippe Séguin à l’Assemblée nationale. Il s’exprimait dans le cadre d’une exception d’irrecevabilité déposée par lui et plusieurs de ses collègues sur le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht :
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« Voilà trente-cinq ans que toute une oligarchie d’experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise les conséquences. »
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« L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l’anti-1789. Beau cadeau d’anniversaire que lui font, pour ses 200 ans, les pharisiens de cette République qu’ils encensent dans leurs discours et risquent de ruiner par leurs actes ! Je sais bien que l’on veut à tout prix minimiser les enjeux et nous faire croire que nous ne cédons rien d’essentiel en ce qui concerne notre indépendance ! Il est de bon ton, aujourd’hui, de disserter à l’infini sur la signification même du concept de souveraineté, de le décomposer en menus morceaux, d’affirmer qu’il admet de multiples exceptions, que la souveraineté monétaire, ce n’est pas du tout la même chose que l’identité collective, laquelle ne courrait aucun risque. Ou encore que l’impôt, la défense, les affaires étrangères, au fond, ne jouent qu’un rôle relatif dans l’exercice de la souveraineté.
Toutes ces arguties n’ont en réalité qu’un but : vider de sa signification ce mot gênant pour qu’il n’en soit plus question dans le débat.
La méthode est habile. En présentant chaque abandon parcellaire comme n’étant pas en soi décisif, on peut se permettre d’abandonner un à un les attributs de la souveraineté sans jamais convenir qu’on vise à la détruire dans son ensemble.
Le procédé n’est pas nouveau. Il y a 2500 ans déjà, de demi-longueur en demi-longueur, Achille se rapprochait en courant de la tortue de Zénon sans jamais la rattraper... Seulement, ce n’est là que paradoxe. Dans la réalité, Achille gagne bel et bien la course ; de même, à force de renoncements, aussi ténu que soit chacun d’eux, on va bel et bien finir par vider la souveraineté de son contenu. Car il s’agit là d’une notion globale, indivisible comme un nombre premier. On est souverain ou on ne l’est pas ! Mais on ne l’est jamais à demi. Par essence, la souveraineté est un absolu qui exclut toute idée de subordination et de compromission. Un peuple souverain n’a de comptes à rendre à personne et n’a, vis-à-vis des autres, que les devoirs et les obligations qu’il choisit librement de s’imposer à lui-même.
Souvenez-vous du cri de Chateaubriand à la tribune de la Chambre, en 1816 : « Si l’Europe civilisée voulait m’imposer la charte, j’irais vivre à Constantinople. »
La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas.
Rappelons-nous d’ailleurs, pour avoir un exemple plus récent de ce que vous appelez de vos vœux, ce que put signifier pendant « le Printemps de Prague » la doctrine de la souveraineté limitée, tant il est vrai que « la souveraineté divisée », « la souveraineté partagée », « la souveraineté limitée » sont autant d’expressions pour signifier qu’il n’y a plus du tout de souveraineté ! Et, de fait, quand on accepte de prendre des décisions à la majorité sur des questions cruciales, et dès lors que ces décisions s’imposent à tous sans pouvoir jamais être remises en cause ultérieurement à l’échelon national, on passe clairement de la concertation à l’intégration. Aussi, quand on nous dit que les accords de Maastricht organisent une union d’États fondée sur la coopération intergouvernementale, on travestit délibérément la réalité. Tout au contraire, ces accords visent à rendre inapplicable le droit de veto et à créer des mécanismes qui échappent totalement aux États. » -
« Mettons à part le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, qui, au lendemain de la guerre, était tout imprégné d’une idéologie dirigiste et planificatrice, et qui s’est d’ailleurs soldé par un échec total, si l’on en juge par ce qui reste aujourd’hui de la sidérurgie européenne ! »
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« On connaît l’argument : il nous faut faire l’Europe, donc il nous faut concéder une partie de notre souveraineté. Comme si cette relation causale allait de soi ! Comme si le respect des souverainetés interdisait la coopération, l’ouverture, la solidarité ! Comme si les États souverains en étaient fatalement réduits à un splendide isolement et condamnés à une politique frileuse de repliement sur soi !
C’est oublier que, si cela lui paraît nécessaire, un État peut souverainement décider de déléguer des compétences ou les exercer en commun avec d’autres. La querelle n’est pas purement sémantique. C’est une chose, en effet, que de déléguer temporairement un pouvoir susceptible d’être récupéré lorsque la délégation n’est plus conforme à l’intérêt national ou ne répond plus aux exigences du moment. C’est tout autre chose que d’opérer un transfert sans retour pouvant contraindre un État à appliquer une politique contraire à ses intérêts et à ses choix.
La coopération, la concertation, même quand elles sont poussées très loin, s’accommodent très bien du droit de veto. On peut même dire que le veto est le meilleur stimulant de la concertation puisqu’il oblige à prolonger la négociation jusqu’au consentement général des États. C’est d’ailleurs sur cette philosophie qu’était fondé, j’y reviens, le fameux compromis de Luxembourg, que après la politique de la chaise vide, de Gaulle imposa à nos partenaires et qui n’a pas empêché, bien au contraire, le développement d’une politique agricole commune.
On pourra toujours objecter bien sûr que tout cela n’est pas très important puisque les traités ne sont jamais eux-mêmes totalement irréversibles et que, le cas échéant, chaque pays membre pourra toujours les dénoncer en bloc. Les choses ne sont pas si simples.
D’abord parce que, vérification faite, le traité ne prévoit ni sécession ni retrait. C’est même la première fois qu’un traité est ainsi marqué par la notion d’irréversibilité, et on ne sait que trop ce qu’il en est dans les systèmes où les États fédérés gardent pourtant, théoriquement, le droit de quitter la fédération. On sait comment aux États-Unis les États du Nord ont interprété ce droit quand les États du Sud ont voulu faire sécession. On sait aussi ce que celui-ci signifiait dans la constitution soviétique. On sait ce qu’il veut dire en Yougoslavie. Et quand bien même les perspectives seraient, en l’occurrence, moins dramatiques, la question se pose de savoir si nous ne sommes pas en train de créer une situation dans laquelle la dénonciation en bloc des traités va devenir si malaisée et si coûteuse qu’elle ne sera bientôt plus qu’une solution illusoire.
Il ne faut pas rêver. Sans monnaie, demain, sans défense, sans diplomatie, peut-être, après-demain, la France, au mieux, n’aurait pas plus de marge de manœuvre que n’en ont aujourd’hui l’Ukraine et l’Azerbaïdjan.
Certains s’en accommodent. Quant à moi, ce n’est pas l’avenir que je souhaite à mon pays. D’ailleurs, les tenants de la marche vers le fédéralisme ne cachent pas leur dessein. Ils veulent bel et bien, et ils le disent, que les progrès du fédéralisme soient sans retour en droit et, surtout, en pratique, et force est de constater que nous voilà d’ores et déjà pris dans un redoutable engrenage. Depuis que la règle de la majorité s’applique de plus en plus largement dans les prises de décision du Conseil européen et que les jurisprudences convergentes de la Cour de cassation et du Conseil d’État admettent que les traités et le droit communautaire qui en est dérivé bénéficient d’une primauté absolue sur nos lois nationales, le gouvernement, dès lors qu’il est en minorité au Conseil, non plus que le Parlement français, n’a plus son mot à dire pour infléchir les règles communautaires jugées inacceptables pour la France.
Songez que le juge administratif n’éprouve plus aucune gêne à décider qu’un ministre commet une infraction en prenant un arrêté conforme à une loi nationale dès lors que cette loi est contraire à une directive communautaire, même si la loi est postérieure. L’administration peut même, à ce titre, se voir condamnée à verser des dommages et intérêts. Où allons-nous ?
Où allons-nous si le juge, tout en déclarant qu’il ne veut pas censurer la loi, s’arroge le droit de la rendre inopposable ou inapplicable ? La République, ce n’est pas une justice aux ordres : mais ce n’est pas non plus le gouvernement des juges, a fortiori quand il s’agit de juges européens qui font parler l’esprit des traités ! Bientôt, pourtant, comme nous l’a annoncé M. Delors, au moins 80 % de notre droit interne sera d’origine communautaire, et le juge ne laissera plus d’autre choix au législateur que le tout ou rien : ou se soumettre totalement ou dénoncer unilatéralement et en bloc des traités de plus en plus contraignants. » -
« Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d’être étouffés, ne s’exacerbent jusqu’à se muer en nationalismes et ne conduisent l’Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin.
On ne joue pas impunément avec les peuples et leur histoire. Toutes les chimères politiques sont appelées un jour ou l’autre à se briser sur les réalités historiques. La Russie a bel et bien fini par boire le communisme comme un buvard parce que la Russie avait plus de consistance historique que le communisme, mais à quel prix ?
Alors, si nous organisons l’Europe, organisons-la à partir des réalités. Et les réalités, en Europe, ce sont toutes les nationalités qui la composent.
Comment allons-nous articuler la construction de l’Europe avec ces données de faits qui plongent si profond dans le passé et dans l’inconscient collectif ? Comment allons-nous bâtir un système de coopération assurant la paix et la prospérité sans négliger ces réalités nationales dont les mouvements ne nous paraissent parfois imperceptibles que parce qu’ils appartiennent à la très longue durée ? Voilà qui devrait tout naturellement être l’objet d’un vrai et grand débat public.
Mais, constatons-le, ce débat ne s’engage pas vraiment. On se contente de faire dans l’incantation : "c’est beau, c’est grand, c’est généreux, Maastricht !" Ou dans la menace à peine voilée : "Maastricht ou le chaos ! Si vous ne votez pas Maastricht, vous ne serez jamais ministre !" »
Vive la République française !
P.S. :
· Pierre Mendès France en 1957, lors de la ratification du traité du Marché commun : « Il y a deux façons pour une démocratie d’abdiquer : remettre ses pouvoirs à un homme ou à une commission qui les exercera au nom de la technique. »
· Jean-Pierre Chevènement en 2006 : « Seules des nations conscientes d’elles-mêmes sont en mesure de contrôler l’exercice démocratique des compétences qu’elles peuvent, le cas échéant, déléguer... Privé de sa souveraineté, un peuple cesse d’exister comme peuple au sens républicain du terme. On peut admettre une "délégation de compétences" dès lors que ces compétences ont été strictement définies, qu’elles restent démocratiquement contrôlées par les peuples et leurs représentants légitimes. »
· Une invitation à voir le dossier Pierre Mendès France, le dossier De Gaulle et l’Europe et la note Notre prochain référendum : Europe confédérale ou Europe fédérale.
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