Pour Sakineh : lettre ouverte aux autorités iraniennes pour l’interruption de cette parodie de justice
Ainsi, ce dimanche 25 décembre 2011, jour de Noël pour les chrétiens du monde entier, la justice de la République Islamique d’Iran, vient-elle de déclarer, par la voix du responsable judiciaire de la province d’Azerbaïdjan-Oriental, Malek Ajdar Sharifi, que la peine de mort par lapidation de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, condamnation prononcée en 2006 mais suspendue en 2010 grâce aux heureux effets d’une indignation alors planétaire, pourrait se voir finalement commuée, « faute de moyens pour l’appliquer concrètement », en pendaison : ce qui n’est certes pas un sort beaucoup plus enviable !
Les deux crimes de Sakineh, aux yeux des autorités politico-religieuses de ce pays ? Sa supposée complicité dans un meurtre (celui de son mari) qu’on lui avait fait avouer sous la contrainte, à tel point qu’elle s’était immédiatement rétractée, mais pour laquelle cette même justice l’a néanmoins condamnée en appel, en 2007, à dix ans de prison. Et puis, surtout, l’adultère, qui ne constitue certes pas un délit au regard d’aucune des lois de nos démocraties modernes, mais que la charia, cette prétendue et obscurantiste loi coranique, considère cependant, du moins lorsqu’il est le fait d’une femme, comme le pire des crimes !
Aussi, face à un châtiment aussi inique et barbare, quelques-unes des plus grandes consciences de la culture européenne (intellectuels, artistes, scientifiques, politiciens…), s’étaient-elles insurgées il y a presque un an et demi déjà, à travers une « lettre ouverte aux autorités iraniennes » publiée au mois d’août 2010 dans le meilleur de la presse internationale, contre ce type de procédure, particulièrement cruelle et révoltante.
Nous y appelions même, plus précisément encore, à mettre un terme définitif à pareille abomination, qu’on la nomme « lapidation », « pendaison » ou tout autre forme de mise à mort, laquelle advient d’ailleurs souvent, circonstances encore bien plus aggravantes pour ce système judiciaire d’un autre âge, après de tout aussi effroyables séances de torture, fussent-elles physiques ou psychologiques.
Voici, pour rappel, le nom, avec leur titre et fonction, de ces prestigieux signataires :
Marc Bressant (écrivain, Grand Prix du Roman de l’Académie Française)
Anne Delvaux (députée européenne)
Isabelle Durant (députée européenne, Vice-Présidente du Parlement Européen)
Luc Ferry (philosophe, ancien Ministre français de l’Education Nationale)
Dario Fo (écrivain, dramaturge, prix Nobel de littérature)
Viviane Forrester (écrivain)
Caroline Fourest (essayiste, éditorialiste au « Monde » et à « France Culture »)
Max Gallo (historien, écrivain, membre de l’Académie Française)
Marek Halter (écrivain)
Alexandre Jardin (écrivain)
Julia Kristeva (psychanalyste, écrivain)
Fadila Laanan (Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Egalité des Chances au Gouvernement de la Communauté française de Belgique)
Karim Lahidji (Président de la Ligue de Défense des Droits de l’Homme en Iran – LDDHI – et Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme – FIDH)
Karine Lalieux (Députée fédérale de Belgique et Echevine adjointe au Maire de la Ville de Bruxelles)
Frédéric Mitterrand (Ministre Français de la Culture et de la Communication).
Edgar Morin (sociologue, philosophe)
Laurent Mosar (Président de la Chambre des Députés du Grand Duché du Luxembourg)
Gilles Perrault (écrivain)
Michelle Perrot (historienne, Professeur émérite des Universités)
Nicolas Rey (écrivain)
Elisabeth Roudinesco (historienne, Université de Paris VII)
Daniel Salvatore Schiffer (philosophe, écrivain)
Roberto Saviano (écrivain)
Michel Serres (philosophe, membre de l’Académie Française)
Gilbert Sinoué (écrivain)
Annie Sugier (présidente de la Ligue du Droit International des Femmes, association créée par Simone de Beauvoir)
Marc Tarabella (député européen)
Freddy Thielemans (Maire de la Ville de Bruxelles)
Alain Touraine (sociologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
Michel Wieviorka (sociologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
A cet appel s’étaient alors associées, à travers la non moins renommée fondation « Science for Peace » du professeur Umberto Veronesi, treize autres personnalités de tout premier plan, dont cinq prix Nobel :
Jacques Bernier (fondateur de l’Industrial Innovation Center de Montréal)
Ingrid Betancourt (ancien otage des FARC, en Colombie)
John Broome (philosophe, économiste)
Claude Cohen-Tannoudji (prix Nobel de physique)
Shirin Ebadi (prix Nobel de la paix)
Umberto Eco (écrivain, sémiologue)
Rita El Khayat (écrivain, anthropologue, psychanalyste)
Gerhard Ertl (prix Nobel de chimie)
Rita Levi-Montalcini (prix Nobel de médecine)
Luc Montagnier (prix Nobel de médecine)
Marcelo Sanchez Sorondo (Secrétaire de l’Académie Pontificale des Sciences)
Umberto Veronesi (médecin, chirurgien, fondateur et directeur de la fondation « Science for Peace »)
Harald Zur Hausen (directeur de l’International Journal of Cancer)
Telle est l’impérieuse raison pour laquelle, face à cette toute récente et alarmante déclaration de Monsieur Malek Ajdar Sharifi, j’en appelle à nouveau, et tout aussi solennellement, ces mêmes autorités iraniennes, à renoncer à toute exécution, sous quelle que forme que ce soit, de Madame Sakineh Mohammadi-Ashtiani.
A ce troisième appel, lequel insiste en ces conditions sur la libération pure et simple de Sakineh, s’associent, j’en suis convaincu, les mêmes signataires de cette première lettre alors adressée, de manière plus spécifique, au « guide suprême » de la Révolution Islamique d’Iran, Monsieur Ali Khamenei.
Davantage : au-delà même de l’urgence de ce cas particulier, c’est, plus généralement, le respect de la dignité et de la liberté de toutes les femmes iraniennes, opprimées ou menacées, que nous demandons avec une même détermination.
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
* Philosophe, professeur à l’Ecole Supérieure de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège et professeur invité au « Collège Belgique », sous l’égide de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et le parrainage du Collège de France. Porte-parole, pour les pays francophones, du Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation (« One Law For All »), dont le siège est à Londres.
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