Pourquoi le Retour du Religieux est une Réponse aux « Nécessités » du Temps ? Les pseudos-religions contre l’Islam
Pour comprendre le monde d’aujourd’hui, il faut avant tout nous, en tant qu’êtres existants, en tant qu’humains nous définir, comprendre non pourquoi nous existons, et ni une vie ni plusieurs vies ne suffiraient à l’expliquer tant le sujet est très vaste, mais comprendre le sens du religieux. Un sujet qui a fait tant parler de lui, et encore débat aujourd’hui.
Fait-il peur ? Faut-il en avoir peur ? Selon les opinions et les événements qui ont lieu dans le monde, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2011, tout se ligue pour faire accroire qu’il y a danger pour l’Occident.
Evidemment, le religieux a bouleversé les donnes géostratégiques aujourd’hui, et cela obéit en grande partie aux enjeux géoéconomiques qui opposent les grandes puissances sur les richesses fossiles qui se trouvent dans les pays musulmans. Donc l’impact du religieux dérive de cette situation de répartition des richesses fossiles entre les nations. Et il se trouve que le monde de l’Islam est favorisé et, par cette donne, se trouve propulsé malgré lui sur l’avant-scène du monde. Mais pouvons-nous reposer la problématique du religieux seulement sur les enjeux géostratégiques qui se jouent entre les grandes puissances ? Et la crise identitaire en Occident, qu’en est-il ? Il y a donc une question de fond qu’il faut débattre si l’on veut comprendre le phénomène qui est récent, il n’a pas existé il y a un demi-siècle. Pour cela, il faut aller jusqu’à l’« essence » de la question. Qu’appelle-ton « religieux » ? Evidemment la réponse ne doit être prise dans le sens classique du terme sinon on aurait une réponse biaisée, insuffisante pour comprendre la problématique que pose le « Religieux » pour les hommes. L’essentiel ne serait pas expliqué et les antagonismes seraient pris comme des épiphénomènes au lieu et place du phénomène lui-même. C’est comme faire abstraction d’une crise identitaire réelle en Occident.
- Le Retour du religieux, une « Nécessité de l’histoire » ?
Depuis les années 1970, il s’est opéré une floraison de mouvements sectaires, d’écoles confessionnelles, des théories créationnistes et d’intégrisme de tous bords. Auquel il fait ajouter l’intégrisme islamique. En réalité, toute cette flambée religieuse dans le monde est liée à l’évolution du monde qui a suivi la reconstruction de l’Europe et la libération des pays du Tiers monde. L’agent déclencheur a été la crise économique qui a commencé dans les années 1970. Et l’islamisme politique a été pendant à la fois à la crise économique qui a suivi et aux enjeux qui divisaient l’Est et l’Ouest. Le monde arabo-musulman était pour ainsi dire un « joker » dans les stratégies planétaires des grandes puissances.
Cependant les crises économiques qui n’ont pas discontinué ont affecté tant l’Occident que les pays du reste du monde. On peut même dire que, dès cette période, les idéologies nationalistes, socialistes, social-démocrate… n’étaient plus porteuses. Elles ont perdu toute crédibilité avec la nouvelle donne, la « mondialisation ». Les classes sociales pauvres et moyennes de tous les pays du monde ne se retrouvaient plus dans la nouvelle économie mondiale. La multinationalisation a changé complètement les repères comme les règles socio-politiques, les États-nations se trouvaient désarmés devant les conditions souvent draconiennes imposées par les multinationales. De gigantesques entreprises, et aucun pays au monde n’échappait à cette hydre multinationale. L’Occident perdant ses entreprises, l’Orient, i.e. le reste du monde est exploité jusqu’à devenir esclave du capital. Qui ne s’aligne pas en paie évidemment le prix, l’extrême dénuement. Précisément, un formidable essor d’associations caritatives est constaté un peu partout dans le monde pour combler le manque d’implications des États dans les problèmes sociaux
On comprend dès lors pourquoi des pans entiers des populations dans le monde se sont trouvés attirés par le religieux qui s’avère en fin de compte un « refuge réel » contre l’angoisse du lendemain. Et cette angoisse devenue existentielle ne pouvait pas ne pas imprégner les autres classes. Les riches comme les intellectuels ne vivent pas dans un cocon séparé, donc mêmes nantis, partageant des frustrations de tout ordre, ils se retrouvaient aussi pris dans le sillage du religieux qui n’est pas forcément celui des autres classes.
On peut dire que le retour du religieux n’est pas venu ex nihilo mais s’est avéré une « nécessité » pour tous les peuples du monde. La plupart des pays européens sont plus ou moins touchés. Et cela n’est pas dû seulement à la crise économique mais au brassage des populations en Europe, conséquence aux guerres mondiales et à la colonisation. Evidemment, l’Etat-nation en Europe et dans le monde s’est affaibli, et les institutions étatiques n’assurent plus leur rôle qu’il joue dans la sécurité économique nationale. Et le sentiment de défiance envers les institutions qui ont pour fonction de défendre ceux d’en haut contre ceux d’en bas entraîne non seulement des risques d’ébranlement des fondements de l’Etat que donc la cohésion nationale. Une crise identitaire s'annonce un peu partout..
Aujourd’hui, on peut dire que le monde a changé, et cette situation nous rappelle un peu l’après-crise 1929 où le national-socialisme allemand et le fascisme italien avaient bouleversé les cartes du monde. Evidemment, dans la conjoncture actuelle, il n’y a ni une Allemagne nazie avec des idées revanchardes ni une Italie fasciste ni une Union soviétique stalinienne. Néanmoins, cette effervescence du religieux dans le monde pose cette question : « Le retour du religieux dans la sphère politique est-il inquiétant ? »
- L’homme, une « pensée qui pense », ou une « présence-existence »
Après cette présentation, il convient que si on veut comprendre la religion, et ce « retour du religieux », il faut d’abord cerner l’homme, « qui est l’homme ? » puisqu’il est le support même du religieux. Sans l’homme, il n’y a pas de religiosité, et sans la religiosité quelle que soit sa forme, il n’y a pas l’homme. Et ce double énoncé qui n’en fait qu’un en réalité ne peut différencier « le religieux, l’homme religieux, l’homme irréligieux ». Et s’il le différencie, ce n’est que dans la forme, ceci évidemment dit dans l’absolu. Trois situations qui n’en font qu’une.
Comme nous l’avons déjà énoncé dans les écrits précédents, l’homme est avant tout la « pensée », « sans la pensée, il n’y a pas d’homme ». Qui peut exister sans la pensée ? Personne. Quand nous dormons, nous pensons mais nous pensons une pensée qui somnole, qui dort pour ainsi dire. Parfois nous faisons des rêves ou des cauchemars selon l’état de notre conscience, de notre vécu. L’homme n’est donc que ce que la pensée pense. Un « existant pensant ». Qui peut dire le contraire ? Cela paraît étrange parce que cette pensée que l’on a en soi ne tombe pas d’elle-même, il faut la penser pour qu’elle soit, ou plutôt le contraire, il faut qu’« elle pense pour qu’on soit ». Descartes avait écrit : « Cogito ergo sum », « je pense donc je suis ». Descartes écrit aussi : « Mais je me suis persuadé qu’il n’y avait rien du tout dans le monde, qu’il n’y avait aucun ciel, aucune terre, aucun esprit ni aucun corps. Ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point ? Non certes, j’étais sans doute si je me suis persuadé, ou seulement si j’ai pensé quelque chose. » Et il tient ainsi « pour constant que cette proposition : je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit ». Donc il s’affirme pour ainsi dire du néant, le contraire du monde est l’inexistant. L’homme passe de l’inexistant à l’existant grâce à cette pensée qui pense. S’il n’avait pas pensé, il n’aurait pas existé. Descartes exprime cependant une vérité « non suffisante ». Il part de pensée qui décide de son existence, mais il met la « pensée » comme un simple postulat d’existence. Il ne fait qu’exprimer le primat de la pensée. Il faut attendre trois siècles pour qu’une autre approche voie le jour. C’est Heidegger dans son analyse sur la « pensée », « Qu’appelle-t-on penser », qu’il aboutit au « Dasein », i.e. l’être au monde, l’être en situation, l’être-avec, l'être-jeté dans le monde.
C’est déjà un pas plus rapproché du sens de l’existence, puisqu’il apporte une nouvelle conception de l’homme-existant. Dans l’être et le Temps, il y a une historicisation de l’histoire de l’homme. Sans entrer dans la philosophie heideggérienne, affirmons simplement que l’homme par sa pensée est une « présence-existence ». Il est mais non seul, il existe dans un univers d’êtres et de choses. Être-au-monde signifie que le monde est par lui et lui par le monde. Deux entités qui fusionnent et s’incarnent dans l’être intérieur en lui.
Et cette question de l’être intérieur à lui ou la « pensée qui pense » est extrêmement sensible, et ici nous ne philosophons pas, nous cherchons à savoir notre « essence ». Et cet enseignement va précisément dicter notre comportement. Un homme ou des hommes qui ne saisissent pas suffisamment leur être, ou sont très séparés de l’être qui est intérieurement en eux, peuvent commettre des ravages. Car la pensée qui pense et ne pense pas seulement pour penser, elle pense selon une raison, avec raison et cette raison ne lui est pas donnée sans enseignements qu'elle n'a pas pris en compte, commettrait des ravages. Et ces enseignements doivent s’apprendre. Or l’homme le plus souvent est mû par l’habitude, par l’instinct de conservation, ne prenant pas en compte que ce qu’il pense dans l’« immédiateté » ne corrèle pas son être avec les autres êtres. L’être en lui devient une boursoufflure sur les autres, perdant prise sur son être et sa « pensée ». S’il se remettait en question en pensée, il s’apercevrait que le monde, l’univers, n’est pas comme il le pense, et que le lien qu’il a avec le monde et le monde avec lui, n’est pas sa pensée qui lui est « donnée », mais la « Pensée de sa pensée » par laquelle il est, i.e. l’« Essence » ou plus simplement sa « Religiosité ». Il est « Re-lié à l’Essence ». Et c’est cette « pensée de la Pensée, qui est sa finitude » qui marque réellement l’humain qu’il est dans toute son humilité d’ « être pensant ».
- L’herméneutique des forces historiques dans l’évolution du monde. Les pseudo-religions contre l’Islam
Il est perceptible aujourd’hui que le monde est réellement en mutation. On n’est certes pas en 1914, et loin des lourds événements qui ont marqué le monde, il y a un siècle. Mais il n’empêche qu’il y a de lourds événements qui sont en train de marquer durablement le monde. T out d’abord le recul à la fois manifeste de l’Occident, mais se fait aussi paradoxalement avec de grandes avancées par rapport aux pays du reste du monde. Le plus étonnant est que ces avancées ne sont pas seulement européennes, elles s’opèrent avec les pays du reste du monde. Par exemple, la sortie de crise économique de 2008, de plus en plus palpable, s’est opérée conjointement avec les pays du reste du monde. L’Occident dans les « quantitative easing » monétaires a été le « donneur », et le reste du monde le « récepteur ». Tous deux malgré les récriminations des uns et des autres en ont profité en termes de croissance. On le voit dans la diminution des QE par les États-Unis, contestés au départ, se traduit depuis six mois par des difficultés financières réelles dans nombre de pays émergents.
Sur le plan géoéconomique, en moins de cinquante ans, la situation mondiales’est trouvée complètement changée. L’Occident est désormais « talonné » par une Asie qui veut être « victorieuse », qui non seulement concurrence l’Occident mais cherche à s’imposer comme acteur incontournable dans les affaires du monde. Le monde arabo-musulman est aussi en pleine effervescence et regarde lui aussi l’avenir, sa destinée. La Russie, le plus grand territoire du monde avec ses plus de 17 millions de km2 n’est pas en reste. Avec l’Ossétie du Sud en 2008 et la Crimée en 2014, elle cherche à elle seule à se maintenir comme pôle indépendant de l’Occident et de l’Asie, une situation que l’on peut dire complexe et sans repos. Pourra-t-elle se préserver d’un Occident qui « envahit » et d’une Asie « mystérieuse » par son essence ?
Aussi pourra-t-on dire, la montée fulgurante de l’Inde et surtout de la Chine ne changeront-ils pas les donnes du monde ? Précisément, dans ce « envahissement », l’Occident tente de « colmater les brèches » comme l’explique la fuite en avant contre le monde arabo-musulman et son ouverture à l’Europe de l’Est y compris à la Russie.
Enfin, un autre problème et non des moindres, la « montée en puissance de l’Islam » dans le monde, surtout en Europe et dans le monde arabo-musulman. Ce qui nous fait dire qu’il y a un véritable faisceau de forces historiques herméneutiques en jeu dans l’évolution de l’histoire de l’humanité. Par le terme « herméneutique de forces historiques », il faut entendre que des forces dans le monde agissent par elles-mêmes et vont au-delà de la volonté des hommes. Et c’est la raison pour laquelle la compréhension de l’avancement du monde est peu claire, très réduite. L’homme ne sait pas où il va, mais ce qu’il y a de curieux, par cette « herméneutique » qu’elle a et sur lequel l’homme n’a aucune prise,l’ « Essence » sait où il va, et l'histoire en témoigne la logique du Temps, la logique du mouvement de l'Histoire.
Quant au « retour du religieux », c’est non seulement un phénomène naturel mais s’inscrit dans l’Essence. Les civilisations comme les idéologies sont mortelles, et toutes s’inscrivent dans le développement du monde.
Que Nicholas Sarkozy énonçait le 20 décembre 2007 dans son discours à Latran : « Dans la transmission de l’apprentissage entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer un curé ou un rabbin, il lui manquera toujours le charisme d’un engagement porté par l’espérance »… « Je reconnais là la souffrance provoquée par la loi de 1905 »… et dans son livre, la religion comme un calmant social, donnons des imams aux banlieues... je suis pour la laïcité positive » ne faisait en quelque sorte que tenter de remettre les pendules de la France à l’heure du Temps.
La France peut-elle priver les Musulmans de leur Créateur ? Il y a évidemment des limites que l'homme ne doit pas trangesser sur la liberté de l'autre, et les pseudos-religions comme la « république laïque » ou simplement l’« incroyance-croyance » ou encore l’« athéisme-croyance » – on est athée parce que l’on « croit être athée », il y a donc de la croyance dans l’athéisme – sont là pour signifier les limites à ne pas dépasser. Car, au fond, qui sont les hommes dans cet antagonisme apparent, sinon des hommes qui pensent mais pensent différemment. Et tous, qu’ils le veuillent ou non, sont « re-liés à l’Essence ». Croyant ou non, chrétien ou non, musulman ou non, bouddhiste ou non, ils sont tous ce par quoi leur donne l’« Essence ». Et tout excès contre l’autre suppose la peur de l’un, la peur de n’être pas soi. Si le Musulman prie et est en excès dans sa prière, c’est qu’il cherche ce qu’il n’a pas trouvé en l’homme. Il cherche à sauver son âme, donc des vicissitudes de la vie et du monde que sont l'exclusion, le chômage, la mal-vie, etc. Le refuge spirituel vaut mieux que le « refuge dans la négation », et l’on comprend ce qu’il en est du négatif quand l’homme trouve toutes les portes fermées.
Il en va de même pour les « excès du laïque » quand il commence à craindre pour sa laïcité qui n’est en quelque sorte que ce désir d’être soi, de ne pas être perturbé par l’« essence de l’autre » d’autant plus que lui aussi s’il ne souffre pas de l’exclusion, souffre de la mal-vie, du chômage et de l’insécurité sociale. Son mal lui suffit pourquoi l’autre est là, avec sa religion, sans compter qui lui prend des emplois. C’est là tout le problème. Une crainte dans un certain sens justifiée surtout par l’incompréhension de la perception du monde. S’il y avait une sécurité économique pour tous, comme dans les années 1960-1970, il est à parier que les antagonismes auraient été beaucoup plus atténués qu’ils ne le sont aujourd’hui. Par conséquent, ce que l’on constate aujourd’hui n’est qu’une réponse de l’existant. Et ce qu'il faut retenir, toute stigmatisation d’une culture ne pourrait que renforcer celle contre laquelle on lutte. Donc, deux essences humaines qui s'étreignent en s'opposant dans l’angoisse existentielle. Et il n’y a pas d’échappatoire possible que de donner le temps au temps. Et l’herméneutique de l’existant à l’herméneutique du devenir. Et c’est cela qui est intéressant dans la marche de l’histoire. Chercher à comprendre où le monde va. Ce qui dans un certain sens est des possibilités d’existence, puisque l’homme existe et pense, cogito ergo sum. Il peut se projeter au-delà de son existence, au-delà de sa finitude, mais il a besoin de toute sa pensée, ce qui n’est pas donné, ce qui est à enquérir.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde.com
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